Il est très difficile de prévoir ce que fera le gouvernement concernant le contrat de travail et les relations employeurs-employés. Le programme annoncé est trop flou et comporte trop d’ambiguïtés. Il y aurait pourtant beaucoup d’avantages à s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger. Et pas forcément dans des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, repoussoirs « ultralibéraux » pour nos politiques. Prenons plutôt les exemples de l’Allemagne et du Canada, ce dernier pays étant considéré comme ayant le marché du travail le plus flexible.
CANADA : confiance, contrat oral et totale liberté de licencier pendant deux ans
Au Canada, en-deçà de deux années d’ancienneté, un employeur peut licencier très facilement. Sa seule obligation est d’envoyer un préavis en fonction du nombre de mois effectués par l’employé, et il n’a pas à apporter de justification. Ce préavis varie de 0 (moins de 3 mois dans l’entreprise) à 15 jours (plus d’un an). Deux ans sont largement suffisants pour voir si un employé correspond aux attentes de l’employeur, cette formule flexible est donc extrêmement intéressante. Rappelons qu’en France, on ne peut se séparer dans les mêmes conditions d’un employé que durant la période d’essai, qui varie d’un à trois mois.
Le licenciement « pour raisons d’ordre économique et technologique » confère, lui aussi, une grande liberté d’action aux employeurs. Le chef d’entreprise a le droit d’invoquer des raisons économiques (chute du chiffre d’affaires, baisse de la production…) mais aussi technologiques (l’employé ne correspond plus à la modernisation de l’entreprise) pour se séparer de ses salariés. Et, là aussi, le licenciement est facile, avec un préavis qui va de deux (seulement !) à huit semaines selon l’ancienneté du salarié (deux ans à dix ans et plus).
Précision importante, l’employeur est juste obligé de démontrer par écrit la validité des motifs économiques et/ou technologiques qui le poussent à licencier.
Enfin, il existe aussi ce qu’on appelle le « congédiement », une rupture brusque à l’initiative de l’employeur pour une faute grave commise par le salarié. Dans ce cas, le licenciement est immédiat, avec pour seule obligation celle de lui solder les sommes qui lui sont dues.
Enfin, le contrat du travail peut être écrit ou…oral, surtout dans les petites entreprises. Une forme de confiance qui n’existe que rarement en France.
EN ALLEMAGNE, un ensemble de lois remplacent le Code de travail…
L’Allemagne ne dispose pas d’un Code de travail, mais d’une série de lois qui régissent le rapport salarié-entrepreneur, par exemple pour le temps de travail (Arbeitszeitgesetz), pour les congés (Bundesurlaubsgesetz), etc. Les préavis, c’est le Code civil allemand (le BGB) qui s’en charge. Dresser un état des lieux du droit du travail en Allemagne revient donc à examiner les dispositions contenues au sein de ces différentes lois.
Les dispositions relatives à la procédure de licenciement collectif sont prévues par la loi fédérale relative à la protection contre le licenciement en date du 25 août 1969.
+… avec une totale liberté de licencier pour les TPE (moins de 10 salariés)+
Si l’entreprise n’emploie pas plus de 10 salariés, elle peut licencier sans indication de motifs.
En revanche, dès que ce seuil de 10 salariés est dépassé (les apprentis ne sont pas inclus, les employés à temps partiel non plus), la loi allemande sur la protection contre les licenciements sans motifs réels s’applique. En cas de licenciement économique, plusieurs critères doivent être pris en compte (l’ancienneté, l’âge, la charge d’une famille et enfin l’état de capacité). Cette loi prévoit, par ailleurs, qu’un motif doit impérativement exister, lié soit à la personne ou au comportement du salarié, (motifs personnels), soit aux besoins de l’entreprise (motif économique, comme la cessation de l’activité, la rationalisation…).
Néanmoins, il existe des règles particulières visant à protéger certains types de salariés, notamment les femmes durant leur grossesse, les personnes handicapées (au titre du neuvième livre du Code Social) et les membres des comités d’entreprise et du personnel.
Aux termes de l’article 102 (issu de la loi régissant les rapports salariés-entrepreneurs, la Betriebsverfassungsgesetz), si une société allemande dispose d’un comité d’entreprise, il doit obligatoirement être consulté avant tout licenciement (avec exposition de la part de l’employeur des motifs qui le conduisent à licencier). Son approbation n’est cependant pas nécessaire pour autant.
+Pas d’indemnités obligatoires et délai de 3 semaines pour contester un licenciement contre 12 mois en France+
Une notification doit donc être adressée par écrit au salarié par l’employeur, sans équivoque et prévoyant le moment auquel le contrat de travail aura atteint son terme. En France, la loi prévoit une nécessaire présentation détaillée des motifs dans la lettre de licenciement ; ce n’est pas le cas en Allemagne. C’est seulement en cas de litige que l’employeur devra exposer ses motifs de licenciement, la charge d’en examiner la véracité revenant au tribunal. Quelle que soit la forme du licenciement, son effectivité peut être attaquée en justice.
Sous quel délai ? L’article 4 de la loi régissant les protections contre le licenciement expose que le délai de contestation s’établit à trois semaines (c’est une grande différence avec le droit social français, qui dispose d’un délai de 12 mois pour mettre en cause la validité ou la régularité du licenciement) à compter de la réception de la lettre indiquant au salarié son licenciement à venir. Passé ce délai, le licenciement prendra effet, même s’il est abusif. En revanche, si le tribunal du travail estime que le licenciement n’est pas fondé juridiquement parlant, la relation de travail est maintenue.
La juridiction compétente est le tribunal allemand du travail (Arbeitsgericht, équivalent allemand du conseil de prud’hommes). Autre grande différence avec la France, un employeur allemand n’a aucune obligation de verser des indemnités de licenciement. Certes, des indemnités peuvent être attribuées au salarié après une procédure devant le tribunal du travail. Mais deux conditions doivent être réunies : le licenciement doit être abusif et le maintien de la relation de travail entre les deux parties doit paraître impossible.
Comparaison de l’organisation des prud’hommes France/Allemagne
+ Compétence +
Allemagne : Tous litiges liés au contrat de travail
France : Rupture de contrats de travail entre employeurs et salariés relevant du droit privé, y compris les ruptures conventionnelles
+ Organisation+
Allemagne : Les décisions des « Arbeitsgerichte » (tribunal du travail de première instance) sont toujours susceptibles d’appel devant La Landesarbeitsgericht (en cas de litige dans la rupture du contrat de travail si les montants en jeu dépassent les 600 euros). Si les parties n’ont pas obtenues satisfactions, elles peuvent formuler un pourvoi en cassation devant la Bundesarbeitsgericht (étant composée de 3 juges de métier et de 2 juges non professionnels. Tous ces juges doivent être âgés de plus de 35 ans, l’ancienneté étant considérée comme un gage de compétences adéquates et de maitrise suffisante en droit du travail et de connaissance de la vie professionnelle.
L’article 95 de la loi fondamentale prévoit que les juridictions prud’homales doivent avoir leurs propres juridictions autonomes (notamment leur propre juridiction suprême)
Les juges désignés par les employeurs en leur sein, dits juges d’honneur, sont représentés à tous les niveaux des juridictions spécialisées dans le droit du travail. Aussi bien en première instance, (équivalent allemand du conseil de prud’hommes) qu’en deuxième instance (en appel) ; seul le président du tribunal est un juge de carrière. Les juges d’honneur sont ainsi toujours plus nombreux que les magistrats de profession.
France :
• La juridiction de première instance est le conseil de prud’hommes (formation de composition paritaire entre les salariés et les employeurs). L’élection prud’homale a été supprimée par l’ordonnance du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud’homaux. Ainsi, désormais, ceux-ci sont nommés de manière conjointe par le garde des Sceaux et le ministre du travail sur proposition des organisations représentatives prenant en compte leur représentativité. Mandat de 4 ans.
• Si les parties n’obtiennent pas satisfaction, elles peuvent porter un appel, devant la chambre sociale de la cour d’appel composée de magistrats professionnels. Possibilité de redemander un examen complet ou partiel de l’affaire. Juridiction compétente en premier ressort pour les litiges d’un montant supérieur à 4000 euros.
• Pourvoi en cassation, devant la chambre sociale, afin de contrôler l’application de la règle de droit par les juges du fond. Juges de profession.
4 commentaires
Délai de contestation d'un licenciement c'est 24 mois pas 12 en France
ART. L. 1471-1 "Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit."
Monsieur,
Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour votre commentaire. Nous avons vérifié ce que nous avions avancé.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a modifié les délais de prescription en matière prud'homale. Plusieurs délais de prescription existent depuis. Si le délai traditionnel était de 5 ans avant, les deux délais principaux sont, désormais, de 2 et 3 ans. Le délai des 5 ans existant toujours en matière d'harcèlement sexuel ou moral (article 8 du Code de Procédure Pénal)
Ainsi, le délai de prescription pour agir en justice en matière d'exécution et de rupture du contrat de travail, est de 2 ans (comme vous l'avez dit, cela étant effectivement posé à l'article 1471-1 du Code du Travail).
Néanmoins, en matière de licenciement pour motif économique, le délai de prescription est de 12 mois (article 1235-7 du Code du Travail), à compter du jour de la notification du licenciement. Précision, ce délai doit être mentionné, prévu dans la lettre du licenciement, à défaut la prescription est de 2 ans. Par ailleurs, selon les différentes jurisprudences, il a été posé le principe selon lequel, l'article L. 1235-7 du code du travail n'est applicable qu'aux procédures de licenciement collectif pour motif économique imposant l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
(Article 1235-7 du Code du Travail: "Toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement".)
Donc le délai de contestation d'un licenciement est, de manière générale, 24 mois effectivement, tout dépendant du cas dans lequel le salarié, finalement, est. Mais le délai de "douze mois" existant quand même dans un cas particulier…
Je vous remercie, encore une fois, de votre commentaire, il a eu le mérite de nous faire préciser un point, et d'exposer un peu plus en détail, l'état du droit en vigueur en matière de délai prescription prud'homale.
Je vous souhaite une bonne et belle journée Monsieur !
La simplification !
L'échange entre M. Loriguet et Sébastien Martin démontre le dégré de connerie de notre système Français où personne n'est d'accord..! Nos dirigeants ne savent que faire des noeuds la ou il faudrait simplifier au maximum, arrêter de légiférer toute la journée et laisser les juges trancher les litiges en toute indépendance; la médiation doit être favorisée.
L'on commence à en avoir RAS LE BOL de ces règlementations et normes imbéciles. Il faut inscrire dans la constitution l'interdiction pour l'administration de pondre des textes qui rendent la vie des entreprises et des particuliers impossible.
Quand nos crétins de dirigeants vont ils enfin comprendre ?
Allo ! pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !!
L' article sur l' Allemagne ne reflete pas la realite.
Il est faux de dire qu' il n'y a pas d' indemnités de licenciement en Allemagne. Peut-être ne sont-elles pas dans la loi et sont-elles stipulées dans les accords de branche ou d 'entreprises.
L' analyse ne devrait pas s'en tenir à la loi.