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Les inégalités aux États-Unis sont beaucoup moins fortes qu’on ne le dit

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Plutôt que d’analyser les inégalités de patrimoine ou de revenu à un moment donné il faut prendre en compte la « dépense » et l’imposition pour le restant de vie. Les inégalités de ce point de vue sont bien moindres qu’en mesurant simplement les revenu et le patrimoine.

En temps de crise, le thème des inégalités fait généralement mouche. Les écrits de Thomas Piketty ou les rapports d’Oxfam sur les inégalités ont ainsi pu susciter l’intérêt des médias et d’une partie du grand public. Aux États-Unis, le sujet de la montée des inégalités est récurrent. En se basant sur des mesures de l’évolution des revenus ou de la part de la richesse, les inégalités se seraient creusées, avec une progression beaucoup plus rapide des revenus et du patrimoine pour les ménages se trouvant en haut de l’échelle sociale.

Or comme l’on démontré certains auteurs, repris notamment dans l’ouvrage Anti-Piketty, la mesure statistique des inégalités est particulièrement difficile et requiert une bonne dose de prudence, surtout avant d’être utilisée à des fins de politique publique. Dans cette perspective, un long article du National Bureau of Economic Research publié par Alan J. Auerbach, Laurence J. Kotlikoff et Darryl R. Koehler en février[[« U.S. Inequality, Fiscal Progressivity, and Work Disincentives: An Intragenerational Accounting ».]] vient proposer une mesure plus réaliste des inégalités et trouve que ces dernières sont bien moins importantes que ce qui est admis dans la littérature.

Les auteurs s’intéressent aux inégalités qui « comptent vraiment », c’est-à-dire moins en termes de revenus et de patrimoine, et davantage en termes de niveau de vie : ils regardent donc du côté de la dépense, du pouvoir d’achat et ce, tout au long du cycle de vie d’un ménage. Les auteurs estiment les « dépenses » actualisées d’une vie en prenant en compte les ressources d’un côté, y compris tous les transferts de redistribution (des bons alimentaires aux prestations sociales diverses), et tous les impôts et cotisations (au niveau fédéral et au niveau des états US), détaillés par un programme, le Fiscal Analyzer. Contrairement à une croyance répandue, ce système d’imposition-redistribution induit une forte progressivité aux États-Unis.

En prenant en compte le cycle de vie de la consommation des foyers, l’évolution de la structure des ménages et la mortalité, les auteurs peuvent voir évoluer la fiscalité que doivent payer les foyers et les revenus de redistribution qu’ils toucheront. Plutôt que d’analyser les inégalités de patrimoine ou de revenu à un moment donné et pour tous les foyers de tous les âges en même temps, les auteurs fournissent un outil bien plus dynamique puisqu’ils proposent de visualiser la « dépense » et l’imposition pour le restant de vie. Les inégalités de ce point de vue sont bien moindres qu’en mesurant simplement les revenu et le patrimoine.

Le Top 1% (par revenus) des 40-49 ans par exemple représente 18,9% du patrimoine de la cohorte et 13 % du revenu total de la cohorte, mais seulement 9,2 % de la dépense du reste de vie dans la cohorte. À l’inverse, le quintile du bas dispose de 2,1% du patrimoine net de la cohorte, 4,2 % du revenu mais 6,9 % du pouvoir d’achat. Dans cette même cohorte, le « Top 1% » (en termes de revenus) est imposé en moyenne à 45% sur ses ressources restantes jusqu’à la fin de la vie, et le quintile du haut à 32,5%. Le quintile du bas est en revanche « subventionné » à 34,2 %.

Les auteurs tentent donc de sortir l’analyse de la fiscalité et de la redistribution des habitudes consistant à utiliser les chiffres de l’année courante (pour les revenus ou l’imposition), proposant au contraire une méthode « tournée vers l’avenir », suivant les cohortes (appelée « comptabilisation intragénérationnelle »). Ainsi, l’analyse de la progressivité réelle de la fiscalité-redistribution est-elle beaucoup plus fine et réaliste.

Au fil de leur analyse les auteurs relèvent ainsi que la progressivité forte mais très dispersée (en fonction des situations familiales etc) du système fiscal et redistributif américain l’éloigne fortement d’une fiscalité « optimale ». Ce genre d’analyse permet de mieux comprendre les aspects désincitatifs de la fiscalité et de la redistribution sur le travail. Les auteurs relatent l’exemple d’un couple de 40-49 ans appartenant au quintile le plus bas, gagnant 21,000$, ce qui leur donne droit à l’aide médicale, Medicaid. Si le mari décide de travailler davantage pour gagner juste 1000$ de plus, le couple va perdre le droit à Medicaid pour un an. Ces 1000$ supplémentaire feront ainsi perdre au couple l’équivalent de 9000$ sur le reste de la vie. Ce « désubventionnement » marginal est évidemment considérable.

Ce type d’analyse dynamique paraît essentiel pour mieux prendre en compte les incitations que posent la redistribution et la fiscalité et ce, à travers le temps. Il permet, ce faisant, d’également déconstruire le mythe d’une Amérique ultra-inégalitaire. C’est en tous les cas une perspective analytique qui renforce les positions scientifiques de l’IREF.

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