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Hôpital : la rigueur budgétaire n’explique pas le délitement du système hospitalier

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La grève des syndicats infirmiers contre la dégradation de leurs conditions de travail et la rigueur budgétaire est l’expression d’une véritable exaspération du personnel hospitalier, des infirmiers aux aides-soignants en passant par les agents administratifs et les autres catégories de personnels de la fonction publique hospitalière. Mais la rigueur budgétaire n’est pour rien dans la dégradation des conditions d’exercice de la profession. Le délitement de l’hôpital s’explique principalement par le retard accumulé en matière de chirurgie ambulatoire, l’impact des 35 heures sur l’organisation du temps de travail, et les problèmes de gestion financière et de management des ressources humaines. Réduire le coût de l’hôpital pour l’assurance maladie et pour les contribuables n’est qu’une question de volonté politique !

Un système de santé coûteux et largement étatisé

Selon Eurostat, les dépenses courantes de santé ne dépassent 11 % du PIB que dans quatre pays européens : la France, l’Allemagne, la Suisse et la Suède. Les dépenses de santé courante de l’ensemble des prestataires de soins de santé s’élevaient ainsi à 237 M€ en 2014. Les dépenses des hôpitaux représentent près de 40 % de ces dépenses contre 29,5 % en Allemagne, 34 % aux Pays-Bas et 32 % en Belgique. Cela représente 1430 € par habitant en France contre 1172 € en Allemagne, 1477 € aux Pays-Bas et 1197 € en Belgique. L’hôpital représente donc un coût important par habitant qui pourrait être largement réduit en mettant l’accent sur la chirurgie ambulatoire et les alternatives à l’hospitalisation complète sur plusieurs jours des patients.

Les paiements directs aux hôpitaux par les ménages ne représentent également que 6,99 %, soit le plus faible taux des pays européens, à comparer aux 12,97 % en Allemagne, aux 14,75 % au Royaume-Uni, aux 17,81 % en Belgique et aux 26,74 % en Suisse. Cela peut expliquer en particulier l’attachement des Français à leur système de santé et le relatif désintérêt pour la question du coût exorbitant de l’hôpital puisque l’essentiel des coûts de financement du système hospitalier français ne repose pas sur des contributions monétaires privées mais sur des mécanismes de financement public ou sur des mécanismes assurantiels à contribution obligatoire. Un sentiment de gratuité du système de santé s’impose alors aux Français, évitant dès lors la prise de conscience des énormes gabegies induites par les retards accumulés par les gestionnaires des hôpitaux.

L’hôpital entre problèmes d’organisation, statuts, manque d’autonomie et de temps de travail

Le principal problème de l’hôpital est en fait une combinaison d’éléments, entre des problèmes d’organisation, le manque d’autonomie des établissements de santé et des réglementations néfastes. Le statut de la fonction publique rend difficile d’imposer une certaine efficacité dans la gestion des ressources humaines, en soumettant par exemple le personnel hospitalier à des contrôles de qualité du travail, et éventuellement à des licenciements en cas de faute. La rémunération se fait également à l’ancienneté plutôt qu’en fonction des mérites et de la performance. Enfin, le passage aux 35 heures a complètement désorganisé l’hôpital en aggravant la situation financière et le pouvoir d’achat des employés du milieu hospitalier et en imposant le recrutement d’effectifs dans la FPH. La saturation des lits d’hôpitaux pourrait être largement compensée par le développement massif de la chirurgie ambulatoire et par l’augmentation du temps de travail à 39 heures.

Les solutions pour faciliter les conditions du travail du personnel hospitalier

Le nombre de séjours d’hospitalisation complète en MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) s’élevait à plus de 11 millions en 2015, pour un total de près de 60 millions de journées d’hôpital, soit presque une par habitant dans l’année[[Les autres types d’activité hospitalière restent relativement moins importantes, puisqu’on compte près de 5 millions de venues en hôpital psychiatrique pour 668 000 séjours d’hospitalisation, et 1 million de séjours hospitaliers en soins de suite et de réadaptation (SSR) qui servent au traitement des déficiences et des affections capacitaires d’ordre physique, cognitive, psychologique ou social.]].

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Lorsque l’on calcule le rapport entre les effectifs de personnel médical et de personnel non médical et le nombre de journées d’hôpital effectuées par les patients, on se rend compte que chaque équivalent temps plein (ETP) du personnel médical hors internes est responsable de 722 journées d’hospitalisation par an, tandis que ce chiffre tombe à 57 par ETP du personnel non médical salarié et à 82 journées pour le personnel spécialisé dans les services de soin. Or, le taux de chirurgie ambulatoire est actuellement d’environ 40 % alors qu’il dépasse les 50 % dans tous les pays d’Europe du Nord et qu’il atteint même les 94 % aux États-Unis, qui ont développé cette approche médicale dès les années 60. La France s’est lancée dans la chirurgie ambulatoire avec plus de 30 ans de retard alors que cela représente un potentiel d’économies de plusieurs milliards d’euros par an pour l’Assurance maladie et que cela permet de relâcher la pression d’un grand nombre de lits d’hôpitaux occupés par les patients dans le cadre d’une hospitalisation complète. En accentuant le développement de la chirurgie ambulatoire, cela aura un impact très bénéfique pour les conditions de travail du personnel hospitalier, notamment de nuit.

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Les solutions pour que l’hôpital soit moins coûteux et que les conditions de travail s’améliorent durablement pour le personnel hospitalier sont donc d’accélérer la transition vers la chirurgie ambulatoire, l’augmentation du temps de travail à 39 heures au moins – ou mieux la modulation du temps de travail en fonction des besoins des différentes fonctions du personnel non médical notamment –, le développement de l’autonomie des établissements de santé et l’attribution de la gestion des hôpitaux publics à des opérateurs privés en cas de dégradation majeure des finances ou de l’organisation de l’établissement, et la fin du statut de la fonction publique hospitalière pour que tout agent soit embauché sous contrat et soumis à une exigence d’efficacité.

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2 commentaires

HANLET 15 novembre 2016 - 10:54

Ambulatoire…
C'est aujourd'hui le mot magique ! Virer le patient à moitié réveillé et le fourrer dans la voiture de sa femme avec sa perfusion, rendre la parturiente à son mari avec le bébé le lendemain de l'accouchement, c'est un progrès ? Le problème des hôpitaux est que ce sont des administrations. Et ils ont les tares de toutes les administrations. L'hôpital de ma ville a deux fois plus d'administratifs que de soignants, mais ce serait deux ou trois jours d'hôtellerie qui ruinerait le système ?

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Jens 15 novembre 2016 - 8:02

Savez vous vraiment de quoi vous parlez ?
Le secteur public n'emploie pas que des fonctionnaires.
Il y a aussi des CDI et des CDD.
Ce sont les premiers à jouer les variables d'ajustement.
Le fameux exemple étranger : allez vous faire soigner aux États Unis (ou l'Obamacare est un fiasco financier). Témoignez en tant que citoyen Lambda ensuite et enfin vous pourrez comparer des systèmes qui n'ont rien à voir.
Quant à l'ambulatoire, tout le monde s'accorde à dire que c'est LA solution. La dessus le public talonne le privé, mais a du retard pour des raisons de réglementation financière.
Mais comme dit dans un autre commentaire avez vous déjà vécu un retour à domicile après un accouchement ou une opération de la cataracte ?
Et puis ca ne peut pas s'appliquer à certaines activités : les réanimations à domicile, ca n'existe qu'à la télé.
Enfin dans le privé la logistique a aussi un coût, qui n'apparaît pas directement dans les chiffres car sous traité.
C'est une approche qui s'installe dans les hôpitaux publics, et on y constate une forte baisse de qualité mais peu d'économie : il faut bien payer les autres salariés du sous traitant (commerciaux, cadres, directeurs, actionnaires, et travailleurs bien sûr ! )
Il serait possible d'améliorer les conditions de travail en augmentant le pouvoir de la direction face au corps medical : les praticiens sont affectés par les ARS et le ministère de la santé mais payés par l'hôpital. Et le Directeur n'a aucun pouvoir sur un docteur fonctionnaire qui passe son temps en vacation privée.
Alors on vire les petites mains qui ne peuvent pas se défendre. Celles qui sont au contact prolongé du patient.
Vous vous trompez encore de cible.

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