Emmanuel Macron avait confié le 3 novembre 2023 au député Eric Woerth la mission d’établir des propositions pour « apporter plus de clarté à notre organisation territoriale ». Il s’agissait notamment de la simplifier, de simplifier et d’adapter les normes, de consolider les moyens à la disposition des collectivités territoriales et de valoriser les fonctions électives locales.
Eric Woerth vient de rendre un rapport de 86 pages serrées hors annexes intitulé « Décentralisation : le temps de la confiance ». Il y détaille 51 propositions dont certaines ne manqueront pas d’alimenter le débat, par exemple l’assouplissement de l’interdiction du cumul des mandats, la suppression de la métropole du Grand Paris ou encore l’élection des maires de Paris, Lyon et Marseille selon le droit commun.
Le détail des propositions importe moins que la philosophie générale qui irradie le rapport. Eric Woerth commence par balayer toute idée de « grand soir de la décentralisation », comme il écarte « la sempiternelle suppression d’une strate » de collectivités territoriales. Il considère, de manière bien contestable au regard de leur coût, que la création des établissements publics de coopération intercommunale était une nécessité.
Qu’est-ce que la décentralisation pour lui ? « Un partage du pouvoir » qui consiste « à ‘descendre’ au niveau local le pouvoir d’agir sur certaines politiques publiques ». Il reconnaît toutefois que le partage du pouvoir s’est transformé en dilution avec son cortège de superposition de compétences, de financements croisés, « une sorte de puzzle à la française qui induit une dispersion d’argent public », mais le rapport ne va guère au-delà. Pour quelle raison ?
Eric Woerth donne la réponse dans un paragraphe dénommé « L’unité de la République » dans lequel il martèle que « la France est une République unitaire » et que toute décentralisation « qui voudrait faire table rase » de la réalité politique, à savoir le fait que la France serait l’un des pays les moins décentralisés d’Europe et que nous demeurerions « attachés à la figure du préfet », serait « vouée à l’échec ». Cet argument est en partie tautologique puisque, d’après notre député, une décentralisation qui oublierait que la France est consubstantiellement centralisée ne pourrait qu’échouer… Eric Woerth écarte ensuite tout « conservatisme stérile », mais son rapport verse pourtant dans le conservatisme…
Le dernier paragraphe liminaire, qui donne le titre du rapport : « Le temps de la confiance », est marqué par cette phrase stupéfiante qu’il faut intégralement citer : « La décentralisation ne doit pas conduire à un retrait de l’État, car la construction de collectivités territoriales fortes ne peut se faire qu’en parallèle d’un Etat lui-même puissant » !
Il s’ensuit logiquement que le rapport :
- traite avant tout des collectivités territoriales comme des guichets de « services publics locaux de qualité » ;
- ne mentionne jamais le terme de liberté ;
- refuse toute concurrence entre les collectivités territoriales ;
- rejette l’inscription dans la Constitution du principe d’autonomie fiscale ;
- ne mentionne pour la première fois le principe de subsidiarité qu’en page 64, et encore pour traiter uniquement de la répartition des compétences entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.
Autrement dit, le rapport Woerth néglige le plus important, à savoir le principe de subsidiarité, qu’il ne comprend manifestement pas ou du moins qu’il ne veut pas comprendre, car il reste engoncé dans un autre principe, celui de l’unité et de l’indivisibilité de la République cher à nos Jacobins. En ce sens, il ne montre aucune originalité et il ne fait que développer une vieille tradition française : la décentralisation centralisée…
En tout cas, le rapport confirme la « Macron-compatibilité » de l’étatiste Woerth qui a opportunément changé de parti politique lors des dernières élections législatives…
2 commentaires
Woerth n’est qu’un paperassier, s’il n’avait pas pondu un rapport aussi vain personne ne s’en serait plaint. Il faut croire qu’il n’a pas bien étudié le sujet pour ne pas s’apercevoir que l’organisation administrative de la France avec toutes ses structures est un frein à l’efficacité et à la réduction des dépenses pour cause de redondances et de dilution des responsabilités. N’y aurait il que lui pour ne pas le voir ??
Quel manque d’imagination! Incapable de concevoir l’unité sans la centralisation…
En lisant cette excellente analyse, je me suis dit, au sujet du cumul des mandat, qu’il devrait être OBLIGATOIRE sous la forme de DEPUTE MAIRE ! ! !