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Loi de financement des collectivités territoriales : une « fausse bonne idée »

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Faut-il, sur le modèle des lois de financement de la Sécurité sociale prévues par la Constitution depuis 1996, instaurer une loi annuelle de financement des collectivités territoriales ?

L’idée n’est pas nouvelle : elle est régulièrement avancée, en particulier par la Cour des comptes, qui en a recommandé la mise en œuvre à trois reprises, en 2013 dans son rapport sur les finances publiques locales, en 2016 dans son rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, puis de nouveau en 2018 dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Récemment, le sujet fut remis sur la table et débattu au Parlement à la faveur de l’examen d’une proposition de loi déposée par Éric Kerrouche, sénateur socialiste des Landes. L’objectif affiché est louable : garantir l’autonomie financière des collectivités et renforcer la lisibilité et la prévisibilité des finances locales, notamment de leurs ressources.

Plusieurs raisons ont toutefois conduit la Haute Assemblée à rejeter une réponse jugée inadéquate aux besoins exprimés par les élus locaux. Les sénateurs y ont principalement vu, non sans quelque raison, un risque de recentralisation des finances locales, un tel outil législatif demeurant en pratique largement à la main de l’État, le Gouvernement pouvant par exemple utiliser le cas échéant toutes les procédures qui sont à sa disposition pour les textes financiers, notamment le 3e alinéa de l’article 49 de la Constitution. Chambre représentant les collectivités territoriales, le Sénat a surtout craint qu’une loi de financement pluriannuelle des finances locales ne se transforme, dans les faits, en objectif de dépenses, c’est-à-dire en une sorte d’« Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) des collectivités », au détriment de l’autonomie financière locale que l’on cherchait pourtant à renforcer.

Est-ce à dire que les collectivités territoriales doivent être exonérées de l’effort de redressement des finances publiques ? La réponse est évidemment non. Dans leur rapport public annuel 2023 dressant un bilan des 40 années de la décentralisation, les magistrats de la rue Cambon ont souligné l’accroissement du poids des finances locales au sein des finances publiques, certes lié en grande partie à l’extension des compétences des collectivités locales. La part de la dépense publique locale dans la dépense publique totale est ainsi passée de 17 % à 19 % entre 1980 et 2021 (cf. Cour des comptes, Rapport public annuel 2023. La décentralisation 40 ans après, mai 2023, p. 127).

Là est du reste le nœud du problème : l’État décentralise les compétences sans décentraliser les finances. La solution ne réside donc pas dans l’institution d’un nouveau véhicule législatif centralisé, mais plus globalement dans la révision de l’architecture institutionnelle des pouvoirs publics, conférant une place accrue aux collectivités territoriales à travers la consécration, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, d’un authentique principe d’autonomie financière incluant enfin le volet « ressources », c’est-à-dire le volet fiscal. En la matière, l’État central devrait accepter de se faire plus modeste.

Une véritable décentralisation financière aurait en l’espèce deux atouts. Elle conduirait à une gestion plus économe des ressources fiscales et à une structure des dépenses publiques plus en accord avec les préférences politiques des citoyens. Une véritable décentralisation financière aurait, en somme, des vertus cognitives que le centralisme jacobin n’a pas. Il est à cet égard significatif que le ratio de dépenses publiques sur PIB soit moins élevé dans les systèmes décentralisés que dans les systèmes centralisés comme l’est le système français. (cf. Michael L. Marlow, “Fiscal Decentralization and Government Size”, Public Choice, vol. 56, n° 3, 1988, p. 259-269).

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3 commentaires

Chris 27 avril 2023 - 9:12

Effectivement, la seule décentralisation qui soit efficace est celle qui adopte le principe de subsidiarité, allant de la collecte de l’impôt jusqu’à l’utilisation des fonds récoltés, c’est en effet la seule qui permet la concurrence entre chaque unité administrative quel que soit son niveau, autant fiscale que par rapport aux services rendus en échange.

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Anne 28 avril 2023 - 4:48

La suppression de la TH est une décision de centralisation et va donc dans le mauvais sens ; Macron tend à tout centraliser et étatiser. Et quand il parle de décentralisation, il s’agit en fait de déconcentration, donc à un transfert de pouvoir d’élus à des préfets aux ordres du pouvoir central.

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MOINIER 28 avril 2023 - 6:34

Les dépenses de l’état sont très très excessives en ce qui concerne le social. Avec plus de 760 Ms d’euros (gestion comprise) il ne reste pas grand chose pour les besoins vitaux. Total France : 1440 Mds, soit près de 53% ? La France c’est 1% de la population mondiale mais 10% des aides sociales ? Cherchez l’erreur !!! Toutes les administrations couramment attaquées n’ont pas les moyens financiers pour exécuter correctement leur mission.

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