Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » Le budget de l’Union européenne : histoire et actualité (1958-2023)

Le budget de l’Union européenne : histoire et actualité (1958-2023)

par
1 680 vues

« Déléguer tout pouvoir qui peut être exercé localement à des organismes dont les pouvoirs sont cantonnés dans leur circonscription est probablement le meilleur moyen de s’assurer que les charges et les bienfaits de l’activité gouvernementale seront approximativement proportionnels. »

(Hayek [1979] 1983[1], p.54)

Introduction

Le 09 juin 2024, les citoyens des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) voteront pour élire les députés du Parlement européen, seule institution de l’Union élue démocratiquement. Depuis 1979, les membres de ce Parlement sont élus sur la base d’un scrutin de liste à la proportionnelle. Ces élections ont des enjeux de politiques européennes mais aussi de politiques domestiques.

En France, les enjeux de politiques intérieures sont nombreux pour les différents partis qui vont présenter des listes aux élections. On peut citer en particulier : i) le leadership du Rassemblement National dont le score pourrait être très supérieur à ceux de ses concurrents dans l’opposition mais aussi à celui du parti présidentiel, ii) l’éclatement de la NUPES à gauche avec des listes séparées présentées par le parti socialiste, le PC et le parti écologiste, et iii) le score du parti Les Républicains.

Les enjeux européens sont tout aussi nombreux. Il y a la désindustrialisation des pays de l’Union européenne qui est un sujet ancien[2], la lutte contre l’immigration clandestine, la lutte contre le réchauffement climatique, la réforme des règles budgétaires, la régulation des plateformes, la crise agricole et la défense de l’état de droit face à la montée des régimes autoritaires et du populisme.

  1. La politique européenne contre l’immigration clandestine s’organise autour des accords de Schengen de 1985 et se prolonge avec la directive dite « retour » et le Pacte Européen sur l’immigration et l’Asile de septembre 2020.
  2. La lutte contre le réchauffement climatique est l’objet du plan de relance NextGeneration EU. Ce plan de relance de 750 milliards d’euros a été conçu durant la crise du COVID 19 et sera financé par l’émission d’une dette publique.
  3. Les critères de Convergence du Traité de Maastricht obligent les États membres à avoir un déficit ne dépassant pas 3% du produit intérieur brut (PIB) et un niveau de dette publique inférieur à 60% du PIB. Ces règles ont été suspendues en mars 2020 pour faire face à la crise du COVID 19. Elles sont à nouveau applicables depuis janvier 2024. Cela explique l’accord entre la France et l’Allemagne de décembre 2023. Selon les termes de cet accord, chaque État ne respectant pas les critères des 3% et 60% devra élaborer un plan de réduction de ses déficits à moyen terme (trajectoire descendante plausible). Chaque plan national est négocié entre la Commission européenne et les gouvernements nationaux concernés. Il est ensuite approuvé par le Conseil. Il propose des ajustements budgétaires sur quatre ans afin de se rapprocher des seuils de 3% et 60%. L’accord prévoit aussi, pour les pays qui ne respectent pas les seuils, un « tampon budgétaire » pour répondre aux chocs économiques imprévus. Parmi ces chocs sont compris les hausses des taux d’intérêt.
  4. L’Union européenne vient de mettre en œuvre un Digital Services Act (DSA) ainsi que le Digital Markets Act (DMA) afin de limiter la diffusion sur les plateformes de contenus illicites ou préjudiciables, de prévenir les risques de verrouillage des marchés et les entraves à l’innovation et au développement d’offres alternatives. Ces textes, initiés par la présidence française, ont rompu avec la prudence de la Commission européenne et de l’OCDE qui, jusqu’aux années 2020, acceptaient l’idée que, ni les autorités ni les économistes n’avaient apporté la preuve d’une défaillance durable des marchés qui serait imputable aux seules plateformes numériques (Maxwell et al. 2016 )[3]. S’en tenir à cette position pourrait être la bonne.

A chacun de ces enjeux correspond une politique européenne et le plus souvent la mobilisation des fonds européens.

  • La politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine est pilotée par le Fonds Asile Migration et Intégration (FAMI). Il doit gérer les flux migratoires et mettre en œuvre la politique d’asile et d’immigration de l’UE. Ce fonds est doté en 2022 de 1479,5 millions d’euros. Sa première dotation, en 2014, était d’un montant bien plus modeste : 186 millions d’euros. Malgré l’importance de la crise migratoire une telle somme ne représente que 0,006% du budget de l’UE pour 2022.
  • Les fonds engagés dans le numérique représentent une part encore plus faible.
  • Le financement de la transition écologique est plus conséquent en termes budgétaires, mais n’est là encore qu’une infime partie du budget de l’UE.

L’objet de cette note est de mieux comprendre les enjeux budgétaires des élections européennes à venir. Elle se donne pour objectif de présenter l’histoire des volumes et de la structure des dépenses et des prélèvements qui servent à les financer afin de donner une profondeur historique et des balises comptables aux débats qui vont s’engager en préparation de ces élections.

Une première section décrit le budget européen pour l’année 2022 (1). Les deux caractéristiques principales de ce budget sont : un recours à l’emprunt pour financer ses dépenses et une très forte augmentation de ses dernières. La seconde section replace ce budget dans l’histoire longue des budgets européens depuis la création de l’Union en 1957-1958 (2). Cette section met en évidence une hausse continue des dépenses européennes en valeur absolue et la transformation de leur structure. Le déclin, en % des dépenses totales, des dépenses agricoles et la montée en puissance des dépenses dites de cohésion sont les faits les plus saillants de cette histoire (3). La troisième section expose les dépenses et les contributions budgétaires de la France aux budgets européens. Elle observe que la France est historiquement un contributeur net. Elle paie plus qu’elle ne reçoit. Elle constate aussi que la France dépense plus pour son agriculture que pour la cohésion de ses territoires alors que l’UE en moyenne dépense en priorité pour la cohésion des territoires. La France en revanche a des dépenses d’innovation et de recherche quasiment équivalentes à celle de la moyenne des pays européens.

Cette note se conclut par trois propositions de réforme : une refonte de la répartition des compétences entre l’UE, les États nations et les administrations publiques locales, un retour à l’annualité budgétaire et l’abrogation des mesures qui ont permis l’émergence d’une dette publique européenne afin de prévenir toute nouvelle hausse d’impôts.

  1. La première consiste à baisser les dépenses publiques européennes de 70%. La plupart des politiques européennes devrait être conduites au niveau national. Indépendamment de savoir s’il est nécessaire d’avoir une politique agricole ou une politique de réduction des écarts de développement entre les régions européennes, on ne comprend pas nécessairement pourquoi ces politiques sont conduites au niveau européen. Suivant la logique du théorème de Oates, seul les biens publics européens devraient être produits ou financés au niveau européen. Ce qui n’est pas le cas dans l’état actuel du budget européen de 2022. La gestion des émissions de CO2 doit a minima être traitée au niveau européen, car le cadre national est inadapté, c’est-à-dire trop petit pour tenir compte de l’ampleur des effets. Rien ne justifie en revanche que l’UE gère la question agricole ou les problèmes liés à la cohésion des territoires. Avant d’être un problème européen, les inégalités territoriales sont un problème national. Les politiques d’aménagement du territoire – qui au demeurant sont rarement couronnées de succès – en sont l’expression.
  2. La seconde proposition s’interroge sur la pertinence d’un retour au principe d’annualité budgétaire. La nature pluriannuelle du budget européen fait que les élus en 2024 appliqueront le budget voté par les parlementaires élus aux élections de 2019.
  3. La troisième proposition porte sur la dette publique européenne. Les députés européens votent pour un budget pluriannuel et le financent par l’emprunt. La dette publique étant un impôt différé il transfert la charge et la responsabilité de la dette sur les générations futures mais aussi sur le futur parlement qui devra gérer la fragilisation du système financier européen et l’ensemble des coûts associés à l’endettement. Le financement de la hausse des dépenses publiques européennes votées par le parlement élu en 2019 lie les mains des parlementaires qui seront élus en 2024 et contredit la demande de réduction des déficits publics et de la dette émanant des autorités européennes et des États frugaux de l’UE. Ce choix de financement place les autorités européennes dans une situation paradoxale : d’un côté l’UE demande la baisse des déficits des États nationaux pendant que de l’autre elle accepte la hausse de la dette au niveau supranational.

 1. Le budget européen de 2022

Le budget de l’Union européenne ou budget communautaire est élaboré et voté tous les sept ans (1.1). Le budget courant a été adopté le 17 décembre 2020 pour la période 2021-2027. Il se compose d’un cadre financier pluriannuel (CFP) (1.2) et d’un plan de relance intitulé Nex Generation EU (1.3). Le CFP est le cadre traditionnel. La nouveauté est le fonds de relance Next Generation EU.

1.1 Un budget pluriannuel

La répartition des dépenses européennes se fait annuellement. La somme des dépenses votées par domaine chaque année doit être inférieure au plafond qui est fixé par le cadre financier pluriannuel (voir ci-dessous).

Trois acteurs politiques se partagent les compétences budgétaires : la Commission Européenne (CE), le Conseil des Ministres (CM) et le Parlement Européen (PE).

Le projet de budget annuel est élaboré par la Commission Européenne. C’est la Commission qui contrôle l’agenda. Son avant-projet doit être soumis avant le 1° septembre au Conseil des Ministres et au Parlement Européen. Plusieurs cas de figure sont alors possibles (Figure 1).

Figure 1 :  Élaboration du budget européen : acteurs et étapes

Une fois voté, le budget européen est exécuté. L’exécution est de la responsabilité de la Commission Européenne qui détient le pouvoir sur l’agenda et le pouvoir d’exécution. Ce sont les administrations nationales dédiées qui versent ensuite les sommes prévues par le budget européen. Le paiement des dépenses agricoles européennes est fait par exemple par des offices tels que FranceAgriMer[4].

1.2 Le Cadre Financier Pluriannuel (CFP)

Le Cadre Financier Pluriannuel (CFP) est, depuis le Traité de Lisbonne (2007), voté pour sept années et plafonné. Le poids des dépenses européennes dans la production européenne reste faible, mais a eu tendance à augmenter depuis 1958 (1.2.1). Ces dépenses sont en priorité affectées à la cohésion des territoires, à l’agriculture et à la construction du marché commun (1.2.2).

1.2.1. Un volume de dépenses en hausse depuis la création de l’UE

Trois CFP ont été votés à ce jour : 2009-2014, 2014-2020 et 2021-2027. Chaque CFP fixe un plafond global annuel en euros constants pour les crédits d’engagement et un autre pour les crédits de paiement. Si le budget européen s’engage sur une somme de 100 sur deux ans le crédit d’engagement correspond à l’ensemble de la somme 100 alors que le crédit de paiement renvoie au paiement de la première tranche soit 50. Les crédits de paiement correspondent à la limite supérieure des dépenses pouvant être payées durant l’année dans le cadre des autorisations d’engagement. A la fin de la période la somme des crédits d’engagement et celle des crédits de paiement sont égales à la somme votée.

Figure 2 :  % des dépenses publiques totales de l’UE sur PIB-RNB

Source : Pour les chiffres de la période 1958-2006 on a utilisé l’annexe du Financial Report de 2008. Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023). Pour les années 2000-2022 le lien utilisé est : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

Le plafond pour 2014-2020 était de 1,2% du Revenu National Brut (RNB) de l’Union. Il est de 1,8% du RNB pour la période 2021-2027. Ce qui représente 2 034 milliards d’euros courants (crédits en faveur des 27 membres de l’Union européenne hors Royaume-Uni) contre 1064 Md€ pour la période 2014-2020. Ce ratio de 1,8% est le plus élevé de toute l’histoire de l’UE (Figure 2).

Depuis 1984 et jusqu’au dernier CFP, le ratio des dépenses publiques européennes comparées au RNB européen variait autour de 1%. Cela signifie que, malgré l’entrée de pays moins développés que les pays fondateurs (Europe des 06, Tableau 1), les institutions européennes, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont limité la hausse relative des dépenses sans pour autant en bloquer la hausse en valeur absolue, car le montant des dépenses publiques européennes augmente continuellement durant toute cette période allant de 1984 à 2023.

Tableau 1 : Année d’adhésion à l’UE (1957-2023)

La crise sanitaire du COVID 19, le choix d’un New Deal vert pour faire face au réchauffement climatique et le BREXIT ont justifié, aux yeux de l’assemblée parlementaire élue en 2019, cette forte hausse des dépenses publiques. Ils ont de fait servi à justifier le vote du plan Next Generation EU et la hausse du CFP 2021-2027 par rapport au CFP 2014-2020 (1214 milliards d’euros). Le plan de relance Next Generation EU représente o lui seule une somme de 807 milliards d’euros.

1.2.2. Une structure des dépenses qui évolue

Pour l’année 2022, les dépenses publiques totales de l’UE totalisaient 243,3 milliards d’euros. Ce budget est réparti en sept domaines et 40 programmes (2021-2027). Le domaine le plus important est celui de la « Cohésion, résilience et valeurs ». Il représente à lui seul 52% des dépenses publiques totales de l’UE en 2022 (Figure 3). Il a pour objectif de réduire les inégalités de développement entre les pays et les régions de l’UE via le financement de projets d’investissement financés en grande partie par le Fonds Européen du Développement Régional (FEDR) et le Fonds Social Européen (FSE). Il finance aussi les politiques de mobilité des étudiants (Erasmus +), la politique Europe Creative et la politique de santé EU4Health. EU4Health qui a vu son budget considérablement augmenter lors de la crise sanitaire du COVID 19.

L’autre domaine d’intervention conséquent est la protection de l’environnement et l’exploitation des ressources naturelles. Ce domaine représente 24% des dépenses totales de l’UE. On y trouve en particulier la politique agricole commune (PAC). A ces dépenses agricoles s’ajoutent les dépenses du Fonds Européen pour la Transition Juste (FETJ) – dont l’objectif est d’aider les régions à réaliser leur transition écologique et énergétique – et le programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE).

Figure 3 : Répartition des dépenses pour le Budget 2022

Source : Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023). Onglet 2022.

Le troisième domaine de dépense finance l’action de l’UE en matière de construction du marché commun et de politique de l’innovation et dans le secteur du numérique (single market, innovation and digital). Le marché unique européen est l’une des grandes réalisations de l’UE. Le numérique et l’innovation, spatiale en particulier, sont de leur côté deux grandes priorités de la Commission von der Leyen. Il s’agit de financer i) la recherche européenne, ii) les programmes Horizon-Europe, iii) EURATOM, ITER, et iv) l’Europe-Numérique, ainsi que les mécanismes pour l’Interconnexion en Europe qui couvre des domaines aussi variés que les transports, l’énergie et le numérique et le programme spatial européen.

Les derniers domaines sont d’une importance bien moindre à l’exception du poste « administration » qui correspond aux coûts de fonctionnement de l’UE et qui représente 5% des dépenses publiques totales. Les dépenses destinées aux pays hors de l’union, à la sécurité et la défense restent marginales.

1.3 Le plan de relance Next Generation EU

Aux 243 320,7 millions d’euros de dépense publiques s’ajoute le plan de relance Next Generation EU qui représente pour 2022 63 456,5 millions d’euros ; ce qui porte les dépenses publiques de l’UE à 306,8 milliards d’euros. Sur la période de 7 ans, la dépense cumulée votée est de 1824,7 milliards d’euros (CFP 1074,3 milliards d’euros + 750 milliards d’euros pour le plan de relance européen). Les dépenses de ce plan de relance sont essentiellement affectées au domaine « Cohésion, résilience et valeurs »(Figure 4). Elles sont affectées sous forme de subvention à chaque État membre en fonction de l’ampleur de la crise COVID 19 et de leur niveau de développement (PIB par habitant).

Figure 4 ; Répartition des dépenses du plan de Relance Next Generation UE pour 2022

Source : Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté e 23/12/2023). Onglet 2022.

1.4 Un financement par l’emprunt et de nouvelles taxes

La hausse des dépenses publiques européennes est financée par la création de nouveaux impôts et par l’emprunt ce qui fait l’originalité du budget pluriannuel 2021-2027.

En 2020 le budget de l’UE est financé à hauteur de 92% par des ressources propres (Figure 5). A ces ressources propres s’ajoutent les recettes de l’Union européenne – des recettes diverses (amendes, contribution britannique à l’accord de retrait de l’Union européenne…) d’un montant presque marginale.

Les ressources propres sont la somme i) des contributions de chaque pays membre qui dépend de leur richesse nationale (RNB), ii) des prélèvements issus de la collecte pour le compte de l’UE d’une partie de la TVA, iii) des paiements des droits de douane sur les importations par les pays tiers (Figure 6). Jusqu’en 2021 l’UE ne lève pas l’impôt. Elle est financée par les impôts des États Nations.

L’originalité du budget 2021 et du vote du plan de relance NextGenerationEU est de recourir à l’emprunt et d’annoncer la création d’impôts européens. Les emprunts sont émis par l’Union européenne avec des échéances comprises entre 2028 et 2058. Le remboursement de ces nouveaux emprunts exige la création de nouvelles ressources.

Figure 5 : Financement du budget européen 2022

Source : Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté e 23/12/2023).

Figure 6 : Les ressources propres de l’UE en 2020

Source : Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté e 23/12/2023).

Le projet de la Commission et de l’UE est la création d’impôts européens. Depuis le premier janvier 2021, les États de l’UE possèdent une taxe commune, la taxe sur les emballages plastiques non recyclés. Mais une telle taxe est temporaire puisque les emballages plastiques sont voués à disparaître du fait de leur interdiction. L’UE devra trouver de nouveaux impôts pour financer sa dette, rassurer les marchés financiers et faciliter la vente des titres européens. A côté de la taxe sur les emballages plastiques non recyclés les taxes européennes pourraient être les revenus issus de i) la taxe carbone aux frontières, et ii) de la création d’une taxe sur le secteur numérique, et iii) des revenues de la vente aux enchères de quotas d’émissions de gaz carboniques.

Ces nouvelles taxes complètent les ressources propres de l’UE et montrent que pour l’UE la dette et la dépense publique précèdent l’impôt. L’UE dépense en urgence pour répondre à l’urgence climatique puis annonce qu’elle lèvera l’impôt demain pour couvrir ses engagements. Elle a à cette fin augmenté son plafond sur ressources propres de 1,2% du RNB pour la période 2014-2020 à 2% sur la période 2022-2027. Cela signifie, quel que soit l’avenir d’un impôt européen, une plus forte contribution des États aux budgets européens.

2. Le budget de l’Union européenne dans son histoire

L’histoire longue de la structure des dépenses publiques européennes et des contributions à l’origine de leurs financements permet d’affirmer que :

  1. La part des contributions nationales calculée au prorata du RNB a augmenté jusqu’au budget de 2020 au détriment des autres sources de financement (2.1).
  2. Les autorités européennes ont profondément modifié leurs priorités en matière de politique européenne (2.2). Les dépenses de cohésion et de construction du marché commun se sont progressivement substituées aux dépenses engagées dans le cadre de la politique agricole commune.
  3. Les dépenses d’administration de l’UE n’ont cessé de croître. Une croissance faible en pourcentage mais importante en millions d’euros qui illustre la théorie de la bureaucratie : l’administration européenne, comme toutes les administrations, cherche à maximiser la part de son budget discrétionnaire (2.3).

2.1 Une profonde modification du mode de financement des dépenses européennes

La structure des prélèvements finançant l’UE a beaucoup évolué depuis 1958. Depuis les années 2000 et jusqu’au budget de 2021 la principale source de financement des dépenses de l’UE venait du prélèvement d’un pourcentage unique sur le RNB des États membres, pourcentage fixé dans la procédure budgétaire annuelle et créé par le conseil du 24 juin 1988 (décision 88/376/CEE).

Ce prélèvement ne devait être qu’un palliatif lorsqu’il a été décidé. Il ne devait être perçu que lorsque les autres ressources propres étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses. En 1980 cette source de financement représentait 10% du budget de l’UE, en 1998 elle en représentait 40%, et en 2020, 72%. (Figure 7).

L’autre innovation en matière de financement des dépenses européennes est la contrainte imposée aux États de verser à l’UE une part de leurs recettes de TVA. Décidé en 1970 ce mode de financement n’a été utilisé qu’à partir de 1979, date de l’harmonisation des systèmes de TVA entre les États membres. En 1986 67% du budget européen était financé par la TVA collectée par les États. En 2020 ce chiffre n’est plus que de 10% (Figure 7).

Les droits de douane[5], les droits agricoles[6] et les cotisations sucres ont aussi vu leurs poids s’effondrer. Les cotisations sucres ont même disparu en 2017[7]. Ces ressources ont donc vu leur poids baisser, marquant de fait un retrait du principe de préférence communautaire. Si on ne suit que la part des recettes issues des droits de douanes dans les ressources totales, elles sont passées de 56% à environ 14% en 2020 (Figure 7).

Figure 7 : Histoire de la structure des prélèvements de l’UE (1958-2022)

Source : Les chiffres de la période 1958-2006 proviennent de l’annexe du Financial Report de 2008. Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023). Pour les années 2000-2022 les chiffres proviennent de ce lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023)

Ainsi la source de financement venant des contributions directes des États membres, contributions calculées sur la base de leurs RNB respectifs, a progressivement remplacé les ressources fondées sur la TVA perçue par les États membres pour le compte de l’UE et les droits de douane sur le sucre et les biens agricoles.

2.2 Une profonde transformation de la structure des dépenses publiques de l’UE

La structure des dépenses des budgets européens a elle aussi profondément changé depuis 1958. Trois faits caractérisent cette histoire : le déclin (en pourcentage du budget) des dépenses agricoles (2.2.1), la forte croissance des dépenses liées aux politiques dites de cohésion (2.2.2) et la lente croissance des dépenses d’administration (2.2.3).

2.2.1 Le lent déclin de la politique agricole commune

La politique agricole commune (PAC) était inscrite dans le Traité de Rome. Elle n’est mise en œuvre, cependant, qu’en 1962 sous l’impulsion de la France qui impose l’idée d’une intervention commune sur les marchés agricoles afin de financer les achats d’intervention et de stockage et de subventionner l’exportation des excédents. Ses objectifs initiaux étaient fixés par l’article 39 du Traité de Rome : la garantie de l’indépendance alimentaire, l’augmentation de la productivité, la stabilisation des marchés et l’assurance d’un niveau de vie équitable pour les agriculteurs. Les politiques de prix garantis et de restitutions aux exportations étaient les moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs. La PAC est une politique de prix administrés des céréales, de la viande, du lait, etc. Elle garantit aux agriculteurs un prix supérieur au prix de marché. La quantité qui n’est pas vendue par le producteur est ensuite rachetée par l’UE au prix garanti. Ces marchandises sont ensuite stockées et revendues sur les marchés de l’Union ou des marchés hors Union. La PAC est aussi de nature protectionniste : les produits importés sont taxés alors que les exportations de biens agricoles sont subventionnées.

Cette politique coûte chère à l’UE. Elle est critiquée par le Royaume-Uni qui, dès son entrée en 1973 dans la communauté européenne, refuse de payer l’intégralité des sommes qu’il doit au titre de la PAC. En 1983 le Royaume-Uni obtiendra un rabais au budget européen.

De nature profondément protectionniste, la PAC bloque les accords en faveur d’un élargissement du libre-échange.

Cette politique a aussi des effets très défavorables sur l’environnement (pollution des nappes phréatiques en particulier, atteinte à la biodiversité, etc.).

Ces maux de la PAC expliquent en grande partie son histoire et les réformes de 1992, 2003, 2013 et 2023. A chaque réforme, la Commission renforce l’autonomie des États membres en matière agricole, privilégie le développement rural à l’agriculture proprement dite, et crée les conditions pour que la PAC ne soit plus un motif de blocage lors de la recherche d’un accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) notamment pour la réforme de 1992.

Toutes ces réformes cherchent de plus à réparer les maux environnementaux du productivisme agricole initié par la PAC. La réforme de 2003 conditionnait les aides agricoles au respect de l’environnement et au bien-être animal.

L’objectif financier de chaque réforme est clair, réduire le montant des dépenses agricoles européennes afin de réorienter le budget vers d’autres priorités. La part des dépenses agricoles dans le budget européen a effectivement baissé mais le montant des sommes affectées à l’agriculture n’a quasiment pas baissé depuis l’an 2000 (Figure 8).

En revanche, la part des dépenses affectées au développement rural, et non aux dépenses agricoles proprement dites, a augmenté (Figure 9).

Toutes ces tendances devraient être renforcées par les choix faits lors de la réforme de la PAC qui a été mise en œuvre en janvier 2023. La Commission européenne avait en 2018 proposé un texte qui fixait neuf objectifs[8] à la PAC pour les années 2021-2027. La réforme de 2023 annonce un pacte inséré dans le Pacte vert européen, attentif aux droits du travail et mettant en œuvre un système dit d’éco-régime.

Figure 8 : Une baisse de la part des dépenses agricoles dans le budget européen qui ne signifie pas une baisse en valeur absolue des dépenses agricoles (2000-2022)

Sources : Les chiffres de la période 1958-2006 proviennent de l’annexe 2 du Financial Report de 2008 (expenditures 1958-2008 by heading). Ligne EAGF Guarantee Section pour European Agricultural Guidance and Guarantee Fund). Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023). Pour les années 2000-2022 les chiffres sont tirés du rapport : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023). Ligne Agricultural market + Rural Development.

Figure 9 : Une hausse de la part des dépenses affectés au développement rural dans les dépenses agricoles totales

Source : identiques à celles de la Figure 5.

L’éco-régime est une nouvelle aide qui doit permettre de préserver l’environnement et de réduire les émissions de gaz à effet de serre des agriculteurs. Il s’agit d’aider les agriculteurs à préserver les sols riches en carbone. Ce sont les États qui fixent les conditions que devront remplir les agriculteurs pour atteindre les objectifs. A ces aides s’ajoutent des paiements destinés aux jeunes agriculteurs (âgés de moins de 40 ans).

Les débats politiques autour de cette réforme ont essentiellement porté sur la « renationalisation » de la PAC[9].

Pour bénéficier des aides de la PAC il faut être agriculteur au sens du règlement européen n°1307/2013 et cumuler deux critères, le critère ATEXA (ou ses équivalents) et le critère retraite. L’ATEXA est une Assurance Accident du travail et maladie professionnelle des exploitants agricoles. Un agriculteur de plus de 67 ans ne peut pas cumuler sa pension et des aides agricoles européennes. Ce simple rappel modère l’expression de renationalisation puisque l’UE définit l’agriculteur.

La réforme de 2023 prévoit, néanmoins, que chaque pays peut définir librement son plan stratégique. Ce plan doit cependant être validé par la Commission. Ce qui marque encore une limite à l’idée de renationalisation de la PAC. Le plan stratégique de la France a trois objectifs : i) aider les filières et les territoires les plus fragiles, s’assurer que 18% de la surface agricole utile soit en agriculture biologique en 2027 et aider en priorité les jeunes agriculteurs.

La nouvelle PAC partage un trait essentiel avec l’ancienne : elle est le fruit d’un compromis, d’un rapport de force entre les pays qui veulent réduire les dépenses agricoles car leur secteur agricole est électoralement peu puissant et économiquement résiduel, et les pays qui ont une tradition agricole forte comme la France. Elle est aussi la conséquence d’un rapport de force à l’intérieur de chaque pays entre les groupes écologistes qui souhaitent tirer à eux les aides publiques et les groupes d’intérêt du monde agricole qui tentent d’empêcher cette évolution. Les aides agro-environnementales sont un moyen pour les syndicats agricoles de justifier les aides publiques et de protéger le montant des aides publiques qu’ils reçoivent.

Toutes les réformes de la PAC peuvent ainsi se lire comme une forme d’écoblanchiment (greenwashing). L’objectif pour tous les acteurs est de maximiser la part du budget qui leur revient. Le verdissement des politiques agricoles est donc aussi la conséquence d’un calcul politique dont l’enjeu est le montant de la rente publique.

2.2.2 La forte augmentation des dépenses de cohésion européenne

Le poste « Cohésion, résilience et valeur » (Figure 3) représente désormais 52% des dépenses de l’UE (budget 2022). Le budget pluriannuel prévoit pour la période 2021-2027 une enveloppe de 392 milliards d’euros.

Sous cette appellation on retrouve les trois grands fonds de la politique européenne :

  • le Fonds Social Européen (FSE ou ESF European Social Fund création 1968),
  • le Fonds Européen de Développement Economique Régional (FEDER ou European Regional Development Fund, ERDF, création 1975) et
  • le Fonds de Cohésion (Cohesion Fund, Création 1994).

En 1992, le Traité de Maastricht prévoit ce dernier fonds pour financer les infrastructures de transports dans les quatre pays les plus pauvres de l’UE (Espagne, Portugal, Irlande et Grèce).

Initialement à 1,5% du budget total, ces dépenses dites structurelles représentent désormais environ 30% du budget total – hors NextGeneration EU (Figure 10). A chaque nouvel entrant (Tableau 1) les dépenses de cohésion ont augmenté.

Figure 10 : Hausse des dépenses de cohésion à chaque nouvel entrant dans l’UE

 

Source : Les chiffres de la période 1958-2006 proviennent de l’annexe 2 du Financial Report de 2008 (expenditures 1958-2008 by heading). Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023). Pour les années 2000-2022 les chiffres sont tirés du rapport : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

Comme pour la PAC, la politique régionale ou de cohésion européenne est inscrite dans le Traité de Rome (1957). L’objectif affiché est de renforcer l’unité des économies de la communauté européenne et d’en assurer un développement harmonieux.

Les moyens sont des politiques de développement local capables de réduire les écarts de développement entre les différentes régions de l’Union. Si le FEDER et le FSE servent prioritairement à réduire les inégalités de développement, ils sont également utilisés pour soutenir l’activité économique dans la plus pure tradition des politiques keynésiennes qui continue d’inspirer les institutions européennes. Dès le premier choc pétrolier de 1974 on pouvait déjà constater ce keynésianisme européen. Le vote du budget 2021-2027 se veut lui aussi être un budget de relance. Il s’agit de soutenir les économies de l’UE après la pandémie de COVID 19 et d’aider financièrement les régions à financer la transition écologique et numérique.

Initialement, seul le Fonds social européen était mobilisé, car les pays de la communauté européenne, au nombre de six, étaient économiquement homogènes. L’élargissement de la communauté européenne explique en grande partie la croissance des dépenses de cohésion et de réduction des inégalités de développement entre les régions. Avec l’élargissement dans un premier temps aux pays du sud (Grèce, Espagne et Portugal) et dans un deuxième temps aux pays de l’Europe centrale et orientale (2000-2006 Tableau 1) et après la chute du mur en 1989, la demande de fonds a fortement augmenté, car les inégalités de développement étaient beaucoup plus fortes. En 1986, l’Acte Unique européen fait de la cohésion économique et sociale une compétence de la Communauté européenne. Il s’agit de concentrer les fonds sur les régions les moins développées, et de planifier les interventions sur longue période afin de promouvoir l’ajustement structurel des régions en retard de développement, d’aider à la reconversion, de lutter contre le chômage de long terme, d’intégrer les jeunes sur le marché du travail et de promouvoir le développement rural.

2.2.3 La lente croissance des dépenses d’administration

L’une des conséquences de cette croissance des dépenses publiques européennes est la croissance des dépenses d’administration. Elle représente pour le budget 2022 environ 6% des dépenses totales (Figure 11). Cette part a pu représenter jusqu’à 37% en 1959 pour osciller entre 3% et 5% entre 1970 et se stabiliser autour de 6-7% au début du XXI° siècle (Figure 11).

Figure 11 : Histoire de la part des dépenses d’administration sur le budget total (1958-2020)

Source : Les chiffres de la période 1958-2006 proviennent de l’annexe 2 du Financial Report de 2008 (expenditures 1958-2008 by heading. Ligne Administration). Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023 Pour les années 2000-2022 les chiffres sont tirés du rapport : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté e 23/12/2023).

Le pourcentage ne doit pas cependant faire oublier qu’en valeur absolue le coût d’administration n’a pas cessé d’augmenter, ce que la figure 12 permet de visualiser.

Ce budget affecté à l’administration paie les fonctionnaires civils de l’UE. Le premier règlement des fonctionnaires européens date de 1956. Il fût ensuite réformé 131 fois entre 1956 et 2013. Il y a deux types de fonctionnaires : des fonctionnaires permanents et des fonctionnaires sous contrats. Les fonctionnaires permanents bénéficient du plus haut niveau de sécurité d’emploi et de privilèges. Les réglementations applicables à tous les autres salariés de l’UE sont définies par le CEOS (pour Conditions of Employment of Other Servants). L’article 1 de ce règlement CEOS détermine cinq catégories d’autres personnels : temporaires, contractuels, locaux, conseillers spéciaux et assistants parlementaires (Pegan 2017).

Figure 12 : Histoire de la part des dépenses d’administration et du montant en millions d’euros (2000-2020)

Source : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

La bureaucratie de l’UE se mesure par le nombre d’employés à la Commission européenne, le Conseil européen, le Parlement européen, la Cour de justice européenne, la Cour des comptes européennes (European Court of Auditors), l’European Economic and Social Committee (EESC), le Comité des Régions (Committee of Regions), l’European Data Protection Supervisor, et l’European External Action Service. De 1956 à 2022 le nombre des fonctionnaires européens n’a pas cessé d’augmenter (Figure 13).

Figure 13 : Hausse régulière du nombre des fonctionnaires européens (1956-2016 en milliers)

 Source : Pegan (2020 Tableau 1). Pour le chiffre de 2017 Commission Européenne. Pegan, A. 2017. “The Bureaucratic Growth of the European Union,” Journal of Contemporary European Research. 13(2), 1208-1234. Voir aussi Georgakakis, D., 2020. « Compter la fonction publique européenne : Pistes et matériaux pour une histoire sociale et politique de la statistique du personnel des institutions européennes », Histoire & mesure XXXV (2) 105 -132 (2004-2009).

Le principal employeur de l’UE est la Commission européenne (Figure 15). Elle emploie plus de 75% des agents publics européens. Ce poids salarial de la Commission a plutôt baissé dans le temps avec l’apparition d’une multitude d’autres organisations européennes.

Cette hausse régulière du nombre des fonctionnaires européens et le poids salarial de la Commission sont la conséquence de l’élargissement et de l’extension des compétences de la Commission voulues par les gouvernements (Pegan 2017) sous l’influence des eurocrates qui y ont un intérêt financier.

L’élargissement et l’extension des compétences augmentent le volume des budgets et justifient de nouvelles embauches (Figure 14).

Cette dynamique n’est pas souhaitée par tous les pays membres de l’UE. Les pays les mieux gérés, c’est-à-dire, ceux qui ont les déficits et la dette publique les plus faibles et qui sont aussi des contributeurs nets, demandent régulièrement une réduction du nombre des employés de l’administration européenne afin de réduire les coûts de fonctionnement de l’UE. Cela passe évidemment par une baisse du nombre des fonctionnaires européens en poste à la Commission européenne.

Figure 14 : Nombre de fonctionnaires européens et % des employés de la Commission sur le nombre total (1959-2023)

Sources : Pour les années 2017-2023 les chiffres proviennent des rapports sur les personnels de la Commission européenne. Lien : https://commission.europa.eu/system/files/2023-04/HR-Key-Figures-2023-en_fr.pdf (consulté le 27/12/2023). Pour les années 1959-2016 (Pegan 2020 Tableau 1).

3. La France et le budget européen

La France historiquement est un contributeur net de l’UE (3.1). En tant que puissance agricole, elle a initié la PAC. Le principal poste de dépense européenne de la France est la dépense agricole ou, plus précisément, la somme des dépenses agricoles et des dépenses de développement rural (3.2).

3.1 La France : un contributeur net

La répartition des charges et des dépenses par pays évolue avec le type de politique européenne et le mode de financement. Il y a deux types de pays dans l’UE : les contributeurs nets et les bénéficiaires nets. Les contributeurs nets versent plus au budget européen qu’ils ne reçoivent. Les bénéficiaires nets en reçoivent plus qu’ils n’en versent.

En 2022 dix pays ont versé plus au budget européen qu’ils n’en ont reçu. L’Allemagne, la France, l’Italie sont les principaux contributeurs nets. Les pays d’Europe centrale et orientale sont plutôt des bénéficiaires nets. Cela crée des tensions d’autant plus fortes que ce sont les pays fondateurs de l’UE (Europe des 6) qui contribuent le plus et qui voient dans le même temps la part des dépenses publiques européennes qui leurs est versée baisser. Ce phénomène de ciseau ne peut que créer un sentiment anti-européen dans les pays contributeurs nets.

La Figure 15 permet de visualiser cette histoire. La France n’a quasiment jamais été bénéficiaire net de l’UE, à l’exception de l’année 1981. On constate également que le rapport entre ce que la France verse et ce qu’elle reçoit lui est de plus en plus défavorable.

Figure 15 : Ratio dépenses européennes allant à la France sur contribution totale de la France

Source: Pour la période 1976-2005: Annexe 4 “revenue 1970-2008 and expenditure 1976-2008 by member State”. Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023). Pour la période 2005-2022: Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

3.2 Les dépenses européennes de la France restent destinées à son secteur agricole

La structure des dépenses européennes de la France est très différente de la structure des dépenses européennes (Figure 3). Alors que les dépenses de cohésion représentent plus de 50% du budget européen, ces dépenses ne représentent qu’environ 17% des sommes versées par l’UE à la France (Figure 16).

Figure 16 : Structure des dépenses européennes de la France pour le budget 2022

Source : Ratio dépenses par programme sur dépenses totales reçues par la France en 2022. Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

L’agriculture (agriculture market) et les zones rurales (Rural development) sont les principaux bénéficiaires en France des politiques européennes. 56% du financement de l’UE en France est destiné au programme « Ressources naturelles et environnement ». Ce programme finance essentiellement les aides directes à l’agriculture. Le montant affecté à l’action climatique est de 44,6 millions d’euros pour la France alors que la somme finançant les aides aux exploitations agricoles est de 7512 millions d’euros (Budget 2022). La part des dépenses agricoles dans les dépenses européennes totales reçues par la France baisse depuis 1976, mais reste la principale dépense européenne à destination de la France, 55% des dépense européennes reçues par la France en 2022 (Figure 17). Cette importance des dépenses agricoles européennes pour la France est structurelle. Elle existe depuis la création de la PAC.

Depuis la création de la PAC, la France reste d’ailleurs le principal bénéficiaire de cette politique. Elle reçoit 18,5% des dépenses agricoles de l’UE en 2022 (Figure 18). Le poids de plus en plus faible de la PAC dans les dépenses totales de l’UE explique alors en partie l’évolution du ratio de contribution nette (dépenses / recettes) (Figure 15). La priorité française des années soixante et soixante-dix n’est plus partagée par les autres pays membres de l’UE qui ne sont pas pour la plupart des puissantes agricoles, mais des puissances industrielles.

Figure 17 : Les agriculteurs sont les principaux bénéficiaires des dépenses européennes en France (1976-2022)

 

Source : Ratio dépenses européennes PAC sur dépenses totales de la France. 1976-2005. Pour la période

2006-2022 : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

Figure 18 : La France, principal bénéficiaire de la PAC

(part des dépenses agricoles reçue par pays en 2022)

Source : Ratio dépenses agricoles par pays membre sur dépenses agricoles totales. Budget 2022 ligne European Agricultural Guarantee Fund (EAGF) divisé par le montant de la dépense totale pour les 27 pays de l’UE pour l’année 2022. Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

L’autre programme européen qui bénéficie à la France est le programme « Marché Unique, innovation & numérique ». Ce programme représente 10% environ (Figure 3) des dépenses européennes, mais 18% des dépenses de la France financées sur fonds européen (Figure 19). Les dépenses de ce programme sont classées en quatre groupes : le projet Horizon Europe, les dépenses du programme spatial européen, les dépenses d’investissement ou InvestEU Fund[10] et les dépenses en vue de la formation du marché unique.

  1. Le Projet Horizon Europe est le programme pour la recherche et l’innovation de l’UE. Ce programme prend la suite du programme Horizon 2020 du CFP 2014-2020. Il est pensé comme un outil de relance et est distribué aux différents pays sur la base d’appels à projet. La théorie de la croissance endogène est la justification de ce type de dépenses. Selon cette théorie, discutable, la croissance passe par l’innovation, le secteur privé sous-investit en recherche car la connaissance est un bien collectif, le gouvernement doit donc pallier cette défaillance en investissant des fonds publics dans la recherche & développement. Il s’agit de stimuler la compétitivité, et de contribuer en particulier au verdissement des technologies de production.
  2. Le programme spatial de l’UE finance la construction et l’envoie en orbite des satellites de l’UE[11]. L’UE justifie cette dépense par différents arguments : la création d’emploi, la stimulation de la croissance, la double transition, l’autonomie stratégique de l’UE, le progrès scientifique, la sécurité et la défense. Elle est un moyen pour la France de mutualiser une partie de ses investissements dont la base de Kourou en Guyane[12].
  3. La ligne budgétaire Stratégie Européenne d’investissement correspond principalement au programme InvestEU Fund. Comme Horizon Europe, il s’agit de soutenir l’investissement et la recherche. L’UE distribue, sur la base de comités d’experts, des fonds qui sont affectés aux différentes équipes de scientifiques des pays de l’UE. Il est indiqué sur les sites de l’UE que la décision des experts est faite sur la base de critères uniquement scientifiques et sans ingérence politique. Les critères d’éligibilité à InvestEU sont multiples. Le projet de recherche financé doit remédier à des défaillances du marché ou à des déficits d’investissement et être économiquement viable. Il doit avoir besoin d’un soutien de l’UE pour démarrer. Il doit être à l’origine d’un effet multiplicateur et contribuer enfin à réaliser l’un des objectifs politiques de l’UE.
  4. Le dernier poste de dépense de l’UE à destination de la France est « Cohésion, Résilience et Valeur ». Cette ligne budgétaire correspond à trois types de politiques : la cohésion territoriale, la résilience et les valeurs, et l’investissement dans les gens (Erasmus en particulier).

Le budget économie, sociale et cohésion (Figure 20) correspond pour 51% aux dépenses du Fonds Européen de Développement Economique Régional (créé en 1975) et pour 20% aux dépenses Fonds Sociale Européen (créé en 1968).

Figure 19 : Structure des dépenses pour la France du programme Marché Unique, Innovation et Numérique (Budget 2022)

Source : Budget 2022. Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

Figure 20 : Structure des dépenses pour la France du programme « Cohésion, Résilience et valeur » (Budget 2022)

Source : Budget 2022. Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023).

Le Fonds de cohésion (création en 1994) n’a versé en 2022 que 0,8 million d’euros à la France. Comme il s’agit de politique historique de l’UE on peut comparer cette structure avec la part des dépenses dans la structure des dépenses françaises. Entre 1976 et 2022 il apparaît que la France a plus mobilisé le FEDER en particulier en 2022 qu’en 1976 (Figure 21). Les dépenses de résilience servent à renforcer la capacité de l’UE à faire face aux défis qui l’attendent et à soutenir une croissance durable, équitable et démocratique. Les moyens de résilience pour l’UE sont les mécanismes de protection civile, la préparation des situations d’urgence sanitaire, la protection des réseaux et des systèmes d’information contre des cyber-attaques et la protection des infrastructures critiques. Il s’agit de construire au niveau européen une politique capable de réagir aux crises qui, selon les mots des institutions de l’UE, deviennent de plus en plus complexes et ne s’arrêtent pas aux frontières de chaque pays de l’UE. Cette politique de résilience votée par le Parlement en novembre 2021 est une innovation politique.

Figure 21 : Part des dépenses du FEDER et du FSE pour la France pour les années 1976, 1986 et 2022 sur les dépenses totales opérées en France

Source : Budget 2022 pour l’année 2022. Lien : Dépenses et recettes – Commission européenne (europa.eu) (Consulté le 23/12/2023) et annexe 4 “revenue 1970-2008 and expenditure 1976-2008 by member State”. Lien : Financial report 2008 – European Commission (europa.eu) (consulté le 23/12/2023) pour les années 1976 et 1986.

 4. Conclusion

Cette présentation synthétique et historique des budgets européens depuis 1958 est très instructive. Elle conduit à trois propositions de réforme :

  1. redonner au principe d’annualité budgétaire sa place,
  2. repenser la répartition des compétences entre les différents niveaux d’administration (européen, national et local) et
  3. abroger les autorisations de dette que s’est octroyée l’UE après la crise COVID.

Un budget pluriannuel

La nature pluriannuelle du budget européen fait que les élus en 2024 appliqueront le budget voté par les parlementaires élus en 2019. Le budget européen est bien voté chaque année par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne. Mais ce vote se fait dans un cadre financier pluriannuel de sept années. Ce cadre fixe le montant maximum dédié à chaque politique. Cela signifie que l’assemblée qui sera élue en 2024 n’aura pas vraiment de pouvoir financier durant son mandat. Son pouvoir portera sur le budget 2027-2033.

Cette pratique du budget pluriannuel est problématique car elle lie les mains des futurs élus. Elle rend irréversible les décisions votées par l’assemblée de 2019. On retrouve ainsi la mise en garde des spécialistes de la dette publique. La dette publique est bien contraire à la morale du consentement, du contrat social. Elle engage les décisions des générations futures – y compris des générations de parlementaires qui ne sont pas encore élus. Cette endettement se fait évidemment au nom de « l’intérêt commun », mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que les politiques européennes relèvent bien des compétences d’une administration supranationale ?

 Des politiques supranationales

Cette violation du principe du consentement – ou du gouvernement par le contrat politique – sacrifie aussi le théorème de la décentralisation qui doit permettre de répartir intelligemment les compétences[13]. L’UE produit en effet des biens publics nationaux ou locaux alors qu’elle devrait concentrer son action sur les biens publics européens. Normalement les politiques européennes devraient proposer des biens et des services qui ne sont pas produits en quantité suffisante par la société civile et plus précisément encore par les autres niveaux d’administration : le gouvernement national, la région, le département, le conseil général (canton) et la commune si on reprend le découpage administration français.

L’économie publique a forgé depuis les années cinquante une théorie des biens qui distingue les biens privés des biens collectifs sur la base de deux critères. Les biens privés sont exclusifs et rivaux alors que les biens collectifs sont non exclusifs et non rivaux. Cela signifie que les biens collectifs une fois produits sont consommés en quantité égale par tous les habitants et qu’il est impossible d’exclure ceux qui n’ont pas payé leur consommation.

L’introduction de l’espace dans la définition des biens collectifs a enrichi cette théorie des biens. Il y a désormais les biens collectifs globaux qui, une fois qu’ils sont produits, profitent à tous les habitants de la planète. Il y a les biens collectifs locaux qui une fois produit ne sont consommés que dans un espace donné. Un feu d’artifice est un bien collectif local. Une fois produit il est impossible d’exclure les consommateurs qui sont sur place. La distance, cependant, exclut. Au-delà d’une certaine distance le feu d’artifice ne peut plus être vu. Pour « consommer » le paysage de la ville de Venise il faut se déplacer à Venise. Une fois à Venise on peut consommer ce paysage urbain qui a la nature d’un bien non rival et non exclusif. Un lampadaire est aussi un bien collectif local. Il est situé dans l’espace. L’émission de gaz à effet de serre a en revanche un effet global. L’émission de CO2 est un mal collectif. L’ampleur spatial de l’effet (externalité spatiale) définit le niveau d’administration qui doit produire le bien collectif. On peut concevoir  qu’une institution mondiale ou pour le moins supra nationale ait la responsabilité des biens collectifs globaux ou du moins puissent proposer les règles essentielles de leur gestion,  alors qu’un bien collectif local, comme l’éclairage public, doit être produit au niveau local, par la municipalité qui est responsable des rues de sa commune[14]. L’externalité spatiale donne un critère pour répartir les compétences. Si l’émission de CO2 est traitée au niveau des États nationaux, elle est administrée par un niveau de gouvernement dont le territoire est inadapté c’est-à-dire, trop petit pour tenir compte de l’ampleur des effets. Pour le moins sa gestion doit être coordonnée à un niveau supérieur.

Ces catégories ne sont pas parfaites et sont d’ailleurs l’objet d’importantes critiques qui peuvent conduire à douter qu’il soit possible de traiter un problème global ou européen par la formation d’un État global ou d’un État européen, mais elles permettent d’éviter l’arbitraire qui entoure la définition des compétences européennes. Elles conduisent à soutenir qu’il faut recentrer les dépenses européennes sur ce qui peut être traité comme un bien collectif européen.

Il est acquis que la PAC et la politique de cohésion territoriale n’ont pas les caractéristiques de biens collectifs européens. Ces dépenses ne devraient pas être administrées par l’UE (Gros 2008[15]). Indépendamment de savoir si une telle politique est nécessaire – en particulier si elle est préférable à un mécanisme assurantiel pour apporter une solution à la volatilité inhérente à la production agricole –on peut s’entendre pour affirmer qu’une telle politique devrait relever des gouvernements nationaux.

La politique de cohésion territoriale n’a, de la même manière, aucune raison d’être gérée au niveau européen. L’administration du développement local au niveau européen est même à l’origine d’inefficiences. Car les coûts du développement local sont supportés par tous les européens alors que le développement local est un bien collectif local ; il ne profite qu’aux habitants de la zone aidée. Dans ce cas le nombre des bénéficiaires du bien collectif est plus faible que le nombre de ceux qui financent le bien. Il y a en ce sens violation du principe de subsidiarité et mise en place d’une répartition injuste des charges. Les non-utilisateurs du bien collectif local paient pour un bien qu’ils ne consomment pas. Une fois encore, qu’une telle politique soit ou non une bonne idée, ce n’est pas à l’UE d’en assumer la gestion.

Il est juste en revanche, dans ce cadre théorique de gérer ou coordonner au niveau européen (coopération entre États) a) les réseaux (numérique, routier, ferroviaire, etc.), b) la recherche fondamentale, c) le programme spatial, d) la gestion des flux migratoires, e) l’espace maritime et f) la gestion des émissions de CO2. Une gestion ou coordination européenne de ces questions permet sans doute d’exploiter des économies d’échelle. De même, si une Europe de la défense représenterait un abandon de souveraineté nationale qui n’est pas d’actualité, une coopération militaire pourrait favoriser une meilleure défense de l’Europe. Enfin, une Europe du numérique et des réseaux d’infrastructure apparaissent comme des projets à dimension européenne qui pourraient conduire à réduire ce type de dépenses au niveau national et faire bénéficier les États de l’Union d’économies d’échelle.

Évidemment, la gestion des émissions de CO2 relève des politiques supranationales et d’une logique européenne. Les effets de l’émission de CO2 débordent les frontières des États Nations. Lorsqu’ils sont gérés exclusivement au niveau de l’État Nation, ils conduisent à deux types de problèmes :

  1. Un gouvernement des biens collectifs globaux a un niveau national ne permet pas de prendre en compte tous les bénéfices de la réduction du CO2, car la nation s’occupe des citoyens de son pays et non des citoyens des autres pays. Elle fait alors trop peu pour la lutte contre l’émission de CO2 car elle ne tient pas compte de tous les habitants de la terre qui pourraient bénéficier d’une telle politique.
  2. La gestion au niveau national d’un bien collectif global crée, de plus, un problème de répartition de la charge. Les citoyens français supportent les coûts de la baisse des émissions de CO2 alors que les bénéfices de cette baisse sont mondiaux. Il y a donc une répartition injuste de la charge. Ce qui produit des mouvements de contestation et bloque les politiques de réduction des gaz à effet de serre. L’inverse est aussi vrai.

La dernière conséquence de cette mauvaise affectation des compétences est que ce ne sont pas les citoyens concernés par le bien qui décident de la quantité et de la qualité du bien collectif. Ils sont mal informés et finalement contrôle mal leurs gouvernements. Ni le vote par les pieds, ni le vote par les urnes ne fonctionne bien.

 La conséquence de l’application d’un tel modèle de répartition des compétences imposerait a minima de réaffecter 75% des dépenses européennes vers les États (agriculture et cohésion territoriale). Mais aussi d’inciter les États nations à mettre en commun d’autres compétences et finalement une part de leurs budgets en matière d’environnement, d’infrastructure, et gestion des frontières européennes et peut-être de gestion de certaines questions de défense. Cela permettrait de produire les biens collectifs à leur bon niveau de gouvernement. L’UE se concentrerait sur les biens publics européens, les États et les administrations publiques locales sur les biens collectifs nationaux et locaux.

Un paradoxe budgétaire

La réforme de la répartition des compétences de l’UE permettrait du même coup de résoudre le paradoxe budgétaire de l’UE. La Commission, le Conseil et le Parlement n’ont pas décidé d’abandonner les critères de Maastricht mais seulement d’en assouplir la mise en œuvre. Cette décision est un moindre mal si on la compare avec le projet français initial qui était de de s’exonérer de tels critères. Elle est cependant en contradiction avec la décision de créer une dette européenne. De même, la hausse des dépenses publiques européennes votées par le parlement élu en 2019 entre en contradiction avec l’injonction des autorités européennes et des États frugaux de l’UE de réduire les déficits publics et la dette. L’UE choisit l’austérité pour les États Nations et le laxisme budgétaire pour elle-même. Pour que la politique budgétaire soit cohérente, il faut que l’investissement dans la transition écologique s’accompagne d’une baisse des dépenses publiques européennes.

Un parti politique qui voudrait incarner le changement devrait donc i) rompre avec la rhétorique keynésienne de l’utilité de la dépense publique pour le soutien de l’activité (relance), ii) remettre en question le vote pluriannuel et iii) proposer de redéfinir les compétences de l’UE sur la base du théorème de la décentralisation – ou d’une application rigoureuse du principe de subsidiarité – afin d’assainir les finances publiques aux niveaux européen et national, mais aussi de mieux utiliser les économies potentielles que peut permettre l’existence d’un niveau de gouvernement supranational. S’assurer que l’UE ne fasse que ce qu’elle est seule à pouvoir faire est de surcroît un moyen de réduire l’euroscepticisme qui s’est emparé depuis longtemps d’une partie des peuples européens.

Téléchargez l`étude en PDF: Le_budget_de_l.Union_européenne_1958-2023


[1]        Hayek, F. ([1979], 1983), Droit, législation et liberté, volume 3 : L’ordre politique d’un peuple libre, Paris, Presses Universitaires de France, traduction française de Law, Legislation and Liberty, Routledge & Kegan Paul, London and Henley.

[2]        Jacquemin, A. (1979), « Le phénomène de désindustrialisation et la Communauté Européenne », Revue économique, 30 (6), 985-999.

[3]        Maxwell, W. et T. Pénard (2016), « Quelle régulation pour les plateformes numériques en Europe ? », Annales des Mines – Réalités industrielles 3 (Août) 42 à 46. https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2016-3-page-42.htm

[4]        FranceAgriMer. Lien : https://www.franceagrimer.fr/ (consulté le 11/03/2024)

[5]        Les accords dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC) ont réduit cette source de financement en application du tarif douanier commun en vigueur aux frontières extérieures de l’Union. Ces droits sont perçus sur les importations en provenance de pays tiers au sein de l’Union.

[6]        Les droits agricoles sont perçus sur les importations de l’UE de produits agricoles couverts par la politique agricole commune. Dans le budget 2020 les recettes issues de ces droits étaient égales à zéro.

[7]        Conformément au règlement (CE) no 1308/2013, le régime de quotas applicable au sucre a pris fin au cours de l’année de commercialisation 2016/2017 (30 septembre 2017).

[8]        Les neuf objectifs sont : 1) assurer un revenu équitable aux agriculteurs, 2) accroître la compétitivité, 3) rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, 4) agir contre le changement climatique, 5) protéger l’environnement, 6) préserver les paysages et la biodiversité, 7) soutenir le renouvellement des générations, 8) dynamiser les zones rurales, et 9) garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé. Document : Proposition de règlement du parlement européen et du conseil (2018), établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les « plans stratégiques relevant de la PAC ») et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil {SEC(2018) 305 final} – {SWD(2018) 301 final}.

[9]        En vertu du principe de subsidiarité la réforme de la PAC de 2023 a renationalisé la PAC en donnant davantage d’autonomie aux États membres. Lien : https://www.vie-publique.fr/fiches/20384-quelle-reforme-de-la-politique-agricole-commune-pac-en-2023 (consulté le 11/03/2024).

[10]      Voir leur site. Lien : https://investeu.europa.eu/investeu-programme/investeu-fund_en (consulté le 28/12/2023)

[11]      Voir le site du consortium européen. Lien https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-space-programme/ (Consulté le 28/12/2023)

[12]      Consulté pour un historique de cette politique le site : Lien : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/la-politique-spatiale-europeenne-histoire-objectifs-programmes/ (consulté le 28/12/2023)

[13]      Voir, par exemple, Derycke, P-H., et G., Gilbert 1988. Économie publique locale, Paris, Economica (Chapitre 1 L’organisation territoriale et la décentralisation).

[14]      Facchini, F., 2022. Les dépenses publiques en France, Bruxelles, de Boeck (Chapitre 2).

[15]      Gros, D., 2008. “How to achieve a better budget for the European Union?”, CEPS Working Document 289/April.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

1 commenter

Pierre 7 mai 2024 - 11:58 am

Merci pour cette étude bien documentée et révélatrice.
Petit à petit la Commission grignote des responsabilités, sans que des traités formels lui en donne le pouvoir. Il faudrait définir correctement les compétences du niveau européen, et pour le reste, rappeler et surtout bien respecter le principe de subsidiarité qui est un des fondements de l’Europe tel que voulue par ses fondateurs. On en est loin !
Quant aux « valeurs » européennes, et à « l’état de droit » à respecter, ce serait également à bien éclaircir et respecter. Mais s’il n’y a pas de reconnaissance de ce qu’est la culture européenne, c’est infaisable, on continuera dans le flou…

Répondre