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Macron, la valse folle de Jupiter

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La tourmente actuelle de l’Elysée mérite pleinement ce titre que Jean-Marc Daniel avait dès avant choisi pour décrire plus généralement l’agitation présidentielle qui a cru pouvoir incarner le mouvement En marche sans réussir à tracer sa voie. Jean Marc Daniel a pourtant été un partisan de la première heure de ce qu’il croyait devoir être une synthèse prometteuse. Il n’en a que plus de courage à sonner l’alarme en dénonçant, et avec une telle virulence, les erreurs et les insuffisances d’une politique qui se mesure à son incurie, même s’il admet volontiers, à juste titre, que « des choses positives ont été faites » (p.11). Il le fait bien sûr en adepte déçu de ce qu’il espérait comme, selon ses mots, une nouvelle politique « Feuillant », du nom de ce club révolutionnaire libéral et monarchiste constitutionnel qui fut bientôt balayé par les Montagnards.

Ce que relève Jean-Marc Daniel est, comme nous le craignions depuis le début de ce règne adolescent, qu’à tout vouloir faire « en même temps », rien ne se fasse du tout ou en tout cas jamais jusqu’au bout. « A l’heure où les transports changent avec le covoiturage, les métros sans conducteurs, la privatisation des chemins de fer en Angleterre, mais aussi au Japon et en Suède, il n’est plus concevable de maintenir une organisation qui vit le jour en… 1938. Changer le statut des cheminots sans même envisager de privatiser la SNCF plonge inutilement le pays dans la paralysie » observe-t-il (p.14) . Il a d’autant plus raison que depuis la sortie de son ouvrage, nous sommes informés qu’en réalité rien ne changera sans doute puisque Guillaume Pepy affirme ( Les Echos, 4 octobre 2018) qu’il ne sera pas possible d’avoir deux statuts différents au sein de l’entreprise SNCF, entre les statutaires et les nouveaux recrutés, et qu’il renégociera donc un nouveau pacte social au travers duquel « les garanties fondamentales du statut, sur l’emploi, le droit syndical ou encore le régime de retraite seront préservées » pour tous. Une façon de conserver leur statut aux cheminots sous un autre nom !

L’auteur constate aussi qu’on est encore très loin de parvenir à l’objectif exposé par E. Macron de réduire les dépenses publiques de 57 à 50% du PIB. Il note que le chef de l’Etat « accepte l’économie de marché, mais l’accompagne d’un Etat intrusif » (p.18). Au lieu de baisser, le déficit public augmente en 2018. Il accuse Macron de trahir ses idées après avoir trahi Hollande. Ne serait-il qu’un « pipoteur » comme le disaient certains des anciens camarades de Khâgne du président ? « Il veut rééquilibrer les finances publiques, mais il reporte à plus tard la réduction du déficit structurel. En pratique, il reste à mi-chemin » (p.164).

Percluse de technocratie, « la verticalité du pouvoir macronien » est une tendance malsaine à se réfugier dans les détails pour ne pas avoir à régler les problèmes de fond » (p.155). Et il suggère ailleurs qu’« Emmanuel Macron ministre, déclarant que le statut de la fonction publique est inadéquat [prenne] contact avec Emmanuel Macron président de la République pour lui demander ce qu’il compte faire en la matière » (p.141).

Jean-Marc Daniel rêve sans doute encore un peu à un Etat parfait, entre les mains d’honnêtes hommes intelligents et adroits. C’est son origine rocardienne qui transparaît quand il croit encore que l’Etat pourrait avoir tant de vertu. Mais il souligne à juste titre qu’à certains égards, le problème de la gestion de l’Etat est moins celui de la dépense publique que « celui de la rente publique, c’est-à-dire de secteurs de l’administration qui échappent à la concurrence, en profitent au nom du service public pour garantir à leurs gestionnaires des revenus indus » (p.137). Il faut renoncer aux politiques keynésiennes qui ont échoué partout et reconnaître que « la dépense privée est plus efficace que la dépense publique » (p.124).

Il n’hésite pas à vouloir redonner au privé tout ce qui peut lui revenir. Il croit à la concurrence. Il en appelle à une privatisation partielle de l’université accompagnée d’une politique rénovée de bourses pour permettre à tous d’y accéder. Et il recommande la mise en concurrence des organismes de formation plutôt que leur centralisation à outrance. Au niveau social également, il considère que « des assurances privées, en concurrence, et non pas en oligopole comme aux Etats-Unis, sont le meilleur moyen non pas de réduire les dépenses de santé…mais d’en réduire la composante rentière. De même, le système des free schools au Royaume-Uni de David Cameron, où chaque école est prise en charge par les parents d’élèves, permet un contrôle sur la qualité de l’enseignement tout en assurant aux enseignants de bon niveau la certitude d’être reconnus dans des lieux autres que des commissions paritaires réclamant l’automaticité des carrières » (p. 141).

Il recommande une simplification fiscale par un passage à la flat tax, soit un abandon de la progressivité, et un impôt unique sur les sociétés à un taux raisonnable, dans la moyenne européenne, au lieu et place des 233 prélèvements qui frappent les entreprises. Il s’agirait ainsi de cesser de porter atteinte, par des taxes excessives, à la propriété des Français. Et au passage, il tacle le projet de refonte de l’objet social de l’entreprise, « ces élucubrations sur les missions de l’entreprise, dont les conséquences négatives sur la croissance économique se feront sentir très vite… » (p. 100).

Jean-Marc Daniel voudrait encore qu’Emmanuel Macron puisse réussir à réaliser ses promesses de libéralisation de la société, mais il a mesuré désormais les contradictions, les insuffisances et les limites qui l’en empêchent, même s’il aimerait y croire encore. Un livre courageux et lucide.

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