On est en 1919 à Kiev sous le pouvoir bolchévique.  Samson, employé par la milice, est sensé arrêter tout responsable d’infractions. La tâche n’est pas facile car tous les jours tombent de nouveaux décrets et si le commerce de viande est interdit, peu sont au courant et la plupart feignent de ne pas l’être . Alors on suit Samson dont l’esprit bon enfant se soumet aux ordres miliciens tout en gardant une certaine liberté intérieure. Car il y a un décalage entre son bon cœur naturel et le cynisme des méthodes d’arrestation. En filigrane se dessine une existence entièrement à la solde des autorités. Ce qui n’empêche pas Samson de déroger à la loi. N’héberge-t-il pas le docteur Vatroukhine à son domicile lors de la mobilisation des médecins pour Moscou ? Ne se promène-t-il pas dans Kiev au bras de sa dulcinée sans être marié? Pourquoi son meilleur ami , qui se dit prêtre défroqué, dissimule la croix accrochée à son cou?  Enfin Simson préfère consommer les pièces à conviction, même s’il s’agit d’un jambon faisandé ou d’oreilles de porcs pourries, plutôt que de remettre au parti les conclusions de ses enquêtes,  car la famine règne à Kiev et il a faim . Pourquoi ne pas profiter aussi d’une exemption de corvées et d’avantages en mobilier en célébrant son mariage dans une « anti-chapelle » avec un « anti-prêtre » ?
Et Dieu là -dedans ? Il s’est effacé, nous dit l’auteur, « pour montrer ce qui arrive quand les hommes essaient de s’organiser sans la garde et la miséricorde divines. » Le but d’ Andreï Korkov est de peindre l’enfer bolchévique. Samson n’a rien de l’éleveur d’abeilles, ni la poésie ni l’espérance n’ont leur place sous le contrôle de la Tcheka . Une boîte à bonbons est la seule richesse du protagoniste et, quand on sait ce qu’elle contient, la consolation est bien piètre. Dans cette satire sociale plus que roman, A. Korkov offre des descriptions sordides heureusement allégées d’ un humour sans failles. Son but serait-il de convaincre que la misère vient des interdits et non de la libre entreprise?