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Un gouvernement à l’arrêt

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Nous voici donc dotés d’un Premier ministre dit de droite et bien peu libéral qui a toujours brillé par son conformisme de précaution. M. Macron, empêtré dans le creux de son « en même temps », l’a sans doute choisi, bien qu’il s’en défende, pour l’avoir à sa main, selon son habitude qui l’a empêché d’avoir des Premiers ministres de grande qualité dont il aurait craint l’ombre.

Au demeurant, notre nouveau gouvernement est probablement un gouvernement en sursis. Il ne pourra qu’essayer de trouver des majorités improbables et sans doute souvent illusoires. Il pourra être tenté de gouverner par décret, mais la constitution de 1958 ne le permet guère.

Certes, beaucoup de lois laissent l’autorité réglementaire décider des modalités de leur exécution ou application. Le gouvernement pourrait modifier à la marge des taux, des seuils, des rémunérations… Les indemnités des agents publics (article L712-1 du Code général de la fonction publique) peuvent être fixées par voie réglementaire, comme celles des agents contractuels. Le SMIC peut être augmenté par décret après consultation et sur recommandation de la Commission nationale de négociation collective (CNNC). C’est ce qui permettait à Jean-Luc Mélenchon de dire le 7 juillet, au soir de l’annonce des résultats des élections législatives : « Dès cet été, les mesures prévues par ce programme [du NFP] peuvent être prises par décret, sans vote. L’abrogation de la retraite à 64 ans, le blocage des prix, l’augmentation du Smic ».

Le règlement est subsidiaire

En effet, conformément à l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre détient un pouvoir réglementaire qu’il exerce sous forme de décrets contresignés par les ministres chargés de leur exécution (article 22). Certains décrets, plus importants, doivent être pris en Conseil des ministres et doivent alors être signés par le chef de l’Etat.

Cependant, les pouvoirs du gouvernement sont subsidiaires à ceux du Parlement. Selon l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles et détermine les principes fondamentaux de l’action publique dans tous les domaines publics d’une certaine importance (droits civiques, garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, état des personnes, incriminations et peines, principes fondamentaux de l’État social, finances publiques…). Or seules « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » (article 37). « Hormis la police administrative générale (et encore), la matière contraventionnelle, l’organisation et le fonctionnement interne des services publics et la procédure contentieuse (autre que la procédure pénale qui relève du domaine de la loi), le domaine du pouvoir réglementaire autonome est étroit » observe  Emilien Quinart, maître de conférence en droit public à la Sorbonne.

Certes, les frontières de la loi et du règlement ne sont pas toujours bien définies. Par exemple la fixation de l’âge de départ en retraite appartient en principe au domaine réglementaire mais, contrairement à ce qu’en a dit Mélenchon, le Conseil constitutionnel a jugé que, la limite d’âge de la retraite ayant été prévue dans une loi de financement de la Sécurité sociale, sa modification relève désormais d’une loi de finances. Le parallélisme des compétences impose que seule une loi nouvelle puisse abroger ou modifier une loi antérieure. Et un décret réglementaire est toujours susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État, qui peut l’annuler s’il empiète sur le domaine de la loi.

Les bornes du budget

 Seule la loi décide des équilibres budgétaires que peu ou prou le gouvernement doit respecter. L’article 34 de la Constitution prévoit notamment que le domaine de la loi comprend l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. « Gouverner par décret » se limite donc à certains domaines précis.

Tout au plus, le pouvoir réglementaire peut s’exercer en matière fiscale, dans la mesure où il appartient au chef de l’État ou au Premier ministre de fixer par décrets les modalités d’application de la loi fiscale (BOI-CTX-DG-20-10-10). Ainsi, le gouvernement peut édicter des règlements pour assurer l’application des lois fixant les règles d’assiette, de liquidation et de recouvrement des impôts. Cependant, un décret ne saurait dire le contraire du contenu de la loi. À titre d’exemple, l’article 167 bis du Code général des impôts (régime de l’Exit tax) a été institué par l’article 48 de la première loi de finances rectificative pour 2011 (n° 2011-900 du 29 juillet 2011). Cet article a été modifié à plusieurs reprises par des dispositions législatives, la plus récente étant la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023. Par conséquent, un décret ne saurait modifier le régime de l’Exit tax (concernant l’assiette, les taux et les modalités de recouvrement), qui relève du domaine de la loi. En revanche, un décret pourrait modifier le décret d’application, sans pour autant dire le contraire du contenu de la loi.

En dehors des périodes de circonstances exceptionnelles (CE, 28 juin 1918, Heyriès, Rec. 651), de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution (crise grave menaçant les éléments vitaux de la Nation), de la possibilité de mettre en œuvre le projet de loi de finances par ordonnance en cas de retard du Parlement à l’examiner (article 47)  ou encore d’une habilitation législative spéciale (article 38) permettant au gouvernement de « légiférer » par ordonnances, les pouvoirs gouvernementaux restent limités.

Le Parlement étant bloqué par ailleurs pas ses divisions, les pouvoirs politiques seront sans doute à l’arrêt en attendant une démission du président ou de nouvelles élections législatives en juin prochain. On peut craindre néanmoins que les partis s’entendent pour rehausser les impôts que payent quelques boucs émissaires érigés en victimes expiatoires ou pour convenir d’autre mesures démagogiques renforçant l’Etat providence qui pourtant est déjà la cause de notre profonde crise sociale sous-tendant notre crise politique. M. Macron aura ainsi bien travaillé à provoquer des élections où il a fait gagner le NFP (par ses alliances du second tour) pour charger ensuite un Premier ministre de droite de mener une politique au mieux inexistante et au pire destructrice.

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