Le Sénat vient d’adopter, le mardi 3 mars, le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Le projet avait pour but initial de réduire la consommation énergétique finale de 20 % avant 2030, et de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % avant 2025, enfin, de plafonner la puissance actuelle du parc nucléaire français à 63,2 gigawatt. Les sénateurs ont supprimé l’objectif de réduction de la consommation énergétique avant 2030, ainsi que l’échéance de 2025 ; sans manquer de conserver l’objectif de réduction de la part du nucléaire, tout en relevant le plafonnement à 64,85 gigawatts, afin de permettre la mise en service de l’EPR (réacteur pressurisé européen) à Flamanville en Basse-Normandie.
Le projet de loi vise également à multiplier par deux la part des énergies renouvelables d’ici 2030. Il est en conséquence intéressant de comparer la viabilité économique des énergies renouvelables, le coût de production unitaire des énergies renouvelables par comparaison avec celui de l’énergie nucléaire ; enfin, d’étudier l’impact éventuel que pourrait avoir cette fameuse « transition énergétique » sur le prix de l’électricité.
Comme on l’observe sur le graphique suivant, les biocarburants solides, à l’exception du charbon de bois, constituent la principale énergie renouvelable, productrice d’électricité, qui s’élèvait à 10 842 mégatonnes d’équivalent pétrole (Mtep) en 2013. Viennent ensuite l’énergie hydraulique (6 061 Mtep), le biodiesel (1 926 Mtep), l’éolien (1 378 Mtep), les déchets urbains renouvelables (1 173 Mtep), le biogasoline (507 Mtep), et enfin, seulement le solaire photovoltaïque (401 Mtep), pourtant lui-même largement subventionné.
Pour la totalité, on en arrive à une production d’énergie renouvelable de 23 073 Mtep, ce qui représente 17,08 % de la production primaire d’énergie en France. À titre de comparaison, la production électrique française est toujours composée à 75 % d’énergie nucléaire.
L’objectif d’une réduction drastique de la part du nucléaire est donc une question stratégique de premier plan, qu’il ne faut pas prendre à la légère.
Le graphique nous permet également d’observer la montée en puissance de l’énergie renouvelable en France depuis une dizaine d’années ; même si cette progression semble faible au regard de l’augmentation substantielle des politiques de soutien aux différentes filières du renouvelable, elles-mêmes composées essentiellement de subventions directes, de surcoûts de tarifs d’achats et d’appels d’offre du Ministère de l’énergie : de moins de 1 milliard d’euros au début des années 2000 à plus de 5 milliards d’euros en 2014.
On peut donc supposer que l’augmentation de la production des énergies renouvelables est fortement liée à l’accroissement du soutien public pour ce type d’énergie ; ceci, au détriment d’investissements plus rentables, à court et à moyen terme, qui auraient pu être effectués par les acteurs économiques dans un cadre de libre concurrence…
Selon le rapport de la Cour des Comptes de 2014, le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire est passé, de 2010 à 2013, de 49,6 € à 59,8 € par heure de mégawatt (MWh).
Cette augmentation de 20,6 % du coût unitaire de production est due, entre autres, aux investissements massifs de maintenance d’EDF sur le parc nucléaire existant (+ 117,7 %), ainsi qu’aux dépenses d’exploitation (+ 10,9 %). Pour comparer avec les énergies renouvelables, les coûts complets unitaires de production sont de 82 € par MWh pour l’électricité d’origine éolienne terrestre, de 220 € par MWh pour l’éolien maritime tandis que le photovoltaïque oscille entre 229 € par MWh pour les moyennes installations et 370 € par MWh pour les petites installations, comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous. L’énergie hydraulique est cependant encore moins chère que l’énergie nucléaire, qui évolue entre 15 et 20 € par MWh, car les frais de fonctionnement et de maintenance sont peu élevés, une fois – les barrages hydrauliques – installés.
Hors hydraulique, l’énergie renouvelable la plus compétitive est donc, pour l’instant, l’énergie éolienne terrestre, mais elle présente des inconvénients majeurs telles par que l’intermittence, l’inconstance et les limitations potentielles de la production d’énergie,- des facteurs que l’on retrouve dans le solaire-, qui sont liées au fait que le vent, ne soufflant pas de manière régulière, les turbines éoliennes se trouvent en sous-capacité permanente.
Les énergies renouvelables peuvent donc difficilement répondre à l’évolution de la demande énergétique en fonction des périodes de l’année, et à la tendance d’une croissance moyenne annuelle de la demande. Sans couplage avec les formes plus conventionnelles de production électrique, telles les centrales nucléaires, les centrales thermiques et la filière hydraulique, l’éolien et le photovoltaïque constitueraient autant d’impasses stratégiques, qui ne sauraient satisfaire les exigences du marché.
Le risque majeur de l’abandon rapide du nucléaire au profit des énergies renouvelables (ce processus que l’on nomme la « transition énergétique ») serait de voir l’augmentation de la facture d’électricité au KWh. En effet, comme on peut l’observer sur l’infographie suivante : le prix de l’électricité est en moyenne 35 % moins élevé pour les consommateurs français, que pour ceux de la moyenne des autres pays de la zone euro. Le prix moyen à l’unité de KWh est en effet de 0,144 €[[Toutefois, il est nécessaire de préciser que le tarif règlementé d’EDF, qui est choisi par une majorité de Français, est fixé par un arrêté ministériel qui tient compte d’un avis de la Commission de la régulation de l’énergie (CRE), même s’il existe un tarif d’électricité à prix de marché chez EDF, et que le marché de l’électricité a été ouvert à la concurrence, à partir de 2007, sur recommandation des directives européennes. Les prix de l’électricité sont donc faussés par la réglementation tarifaire de la CRE, et cela rend les comparaisons internationales sujettes à débat.]], alors qu’il est de 0,2595 € en Allemagne, par exemple. Et dans la mesure où le coût marginal d’une unité supplémentaire d’électricité d’origine nucléaire est faible, une fois le coût d’installation des centrales amorti, l’abandon progressif de l’exploitation des centrales nucléaires pourrait augmenter considérablement notre facture énergétique. Areva a évalué qu’une sortie de nucléaire, entraînant un arrêt de l’exploitation des réacteurs au-delà des 40 ans (au lieu des 60 ans prévus) produirait une augmentation de 80 % des coûts de production. La réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %, comme le propose le projet de loi sur la transition énergétique, entraînerait une hausse de 30 % des coûts de production, qui ne saurait être compensée par les gains de compétitivité croissants du solaire photovoltaïque et de l’éolien. Cet accroissement des coûts de production aurait évidemment un impact majeur sur l’excédent brut d’exploitation d’EDF, qui serait contraint à terme de revoir sa grille tarifaire, notamment le tarif réglementé, ou bien de reporter la hausse du tarif de l’électricité sur ses offres aux prix de marché.
Mais le tout-nucléaire n’est pas non plus une solution ! En effet, l’allongement des délais de construction des chantiers de l’EPR à Flamanville (Manche), ainsi que la réévaluation du coût total de la construction de la centrale (de 3,3 milliards à 8,5 milliards d’euros), entraîneront une augmentation du coût unitaire moyen de production de la centrale de plus de 100 € par MWh. En effet, si les centrales du parc nucléaire français existant sont déjà amorties, le coût de revient de l’EPR ne viendra rentabiliser les investissements qu’au bout de plusieurs dizaines d’années… C’est pourquoi la montée en puissance des énergies renouvelables reste une nécessité afin de réduire la dépendance de la production énergétique à l’égard du nucléaire, qui ne commence véritablement à être rentable que lorsque l’amortissement des investissements et d’importantes économies d’échelle sont réalisés.
La contribution au service public de l’électricité (CSPE), dont le montant total est passé de 1,41 milliards d’euros en 2003, lors de sa création, à 6,3 milliards d’euros en 2015, d’après l’évaluation de la CRE, a notamment été créée pour financer les surcoûts liés aux politiques de soutien des énergies renouvelables et à la production d’électricité pour la Corse et les départements d’Outre-mer.
Dépendant de la consommation d’électricité par MWh, cette contribution représente environ 13,5 % de la facture d’électricité totale. Sur les 6,3 milliards d’euros récoltés cette année, 35,3 % seront reversés au photovoltaïque, et 15,2 % – à l’éolien. À cela vient s’ajouter l’ensemble des taxes et des diverses contributions, qui représentent environ 34 % de la facture d’électricité. Les énergies renouvelables ne sont donc pas nécessairement l’avenir de la production énergétique, notamment électrique, française. Le nucléaire devrait rester une composante essentielle du parc énergétique, afin de rentabiliser le coût important de l’installation des centrales et de bénéficier de l’avantage d’un coût marginal faible pour toute unité supplémentaire produite ; même s’il est vrai que les énergies renouvelables sont tout à fait adaptées pour venir en complément des combustibles fossiles, des centrales thermiques et des centrales nucléaires.
Au sein de l’Etat, on devrait simplement arrêter de penser que le marché serait incapable de trouver les investissements nécessaires au déploiement de formes alternatives de production d’énergie.
6 commentaires
Efficacité énergétique et stockage
Dans l'évolution d'un monde du "bien être" vers le "bien vivre", se situe aussi l'effort des consommateurs pour utiliser l'énergie d'une manière plus rationnelle.
D'autre part, la mobilisation pour le stockage, véritable frein à la capacité énergétique n'est pas suffisamment soutenue. Le sujet couvre non seulement le stockage de production, mais également tous les stockages de matériaux ou combustibles de 1ère ou 2ème génération ( moyens, masse hydrolique, combustible nucléaire régénéré, biomasse…).
Quels sont les soutiens et mesures spécifiques à espérer ? certificats, émissions de droits, primes, réductions d'impôts…?
Parametre manquant
Un parametre manque toujours dans les etudes. C'est le cout lie au branchement reseau. Ce dernier est constitue de 18 sites de production en toile d'araigne vers les lieux de besoin. Les energies renouvelables sont la ou on peut les produire et non ou on les veut. En allemagne les fermes eoliennes sont en mer du nord pour la majeure demande au sud du pays. Installer au nord le reseau de distribution est importin au surcout non negligeable. Les fermes eoliennes doivent avoir d'autres moyens de production d'electricite pour compenser les manques de vent. Ces surcouts de production sont a fonctionnement partielle l'amortissement est difficile. GDF Suez en souffre dans ces comptes.
Les energies renouvelables sont encore plus couteuses qu'on veut vous faire croire.
hydrogène
je suis révolté par l'oubli systèmatique de l'hydrogène comme énergie de remplacement.
C'est une énergie propre, inépuisable et gratuite, utilisable pour tout faire : chauffer sa maison, rouler en voiture, éclairer etc…
Mais c'est gratuit une fois acquis les moyens de le produire. Donc pas de taxe et d'impôts. Ne cherchez pas plus loin l'inertie des pouvoirs publics et des producteurs.
Les contribuables ne sont là que pour payer de plus en plus cher.
POUR LA VERITE DES COÛTS
Dans notre économie administrée , on a pris la mauvaise habitude de trafiquer tous les coûts, au point qu'au lieu d'être des repères commodes pour la conduite rationnelle d'une politique économique, ils deviennent des agrégats purement artificiels, qui évoluent au gré des humeurs des uns et des autres, jusqu'au moment où on s'aperçoit qu'on a commis des erreurs monumentales.
Pour ne prendre que deux exemples, le coûts des transports en commun est outrageusement sous évalué, alors qu'on ne cesse de les encourager vis-à-vis de moyens concurrents pourtant plus performants. Depuis une décennie, on ne cesse de tripatouiller et de charger de taxes les tarifs de l'énergie, pour convaincre le consommateur d'engager des travaux d'isolation ou de changer son mode de chauffage, alors que les calculs montrent que ces investissements impliquent généralement des retours de 10 à 15 ans et encore en supposant le maintien des meilleures conditions, ce qui est loin d'être toujours acquis (voir l'exemple des ampoules LED qui commencent à chasser la génération précédente datant d'à peine quelques années et vendues parfois pour des durées approchant les 10 années)
Il serait temps qu'on en revienne à une certaine vérité des coûts, celle qui permet aux décideurs économiques de faire les choix les plus judicieux, celle aussi parfaitement claire pour le consommateur qui lui permette d'arbitrer en toute connaissance de cause en dehors des interférences intéressées et souvent onéreuses d'acteurs qui généralement ne lui veulent pas que du bien.
renouvelable ou durable?
Vos critiques ne vont pas assez loin. La croissance verte promise pour faire passer la pilule du coût de la transition repose sur une étude de l'ADEME très politiquement correcte. Elle démontre que plus il y a d'énergie renouvelable et d'investissement en économie d'énergie permettant de diminuer d'autant le nucléaire, plus il y a de croissance, qualifiée de verte. Mais cela vient d'une hypothèse de disponibilité financière importante à faible taux liée à la création de monnaie! Pour que cela se réalise, il faut convaincre les allemands de créer plus d'euro pour que la France puisse fabriquer elle-même ses éoliennes au lieu de les acheter en Allemagne (par exemple). La loi repose donc sur une analyse prospective fausse dont les sénateurs ont atténué les conséquences, mais ne les ont pas corrigées.
Que faut-il faire? D'abord, clarifier les objectifs: diminuer les gaz à effet de serre ou diminuer la dépendance énergétique. Les Allemands ont diminué leur dépendance en augmentant le renouvelable mais leurs GES repartent à la hausse.
Ensuite, raisonner globalement, en incluant toute les formes d'énergie. Cet article se focalise trop sur l'électricité. Globalement, la biomasse est la première énergie renouvelable (44% des ENR).
Enfin, raisonner en énergie durable et pas seulement en renouvelable. C'est le meilleur moyen d’intégrer l'aspect économique. D'autre part, en prenant en compte l'impact environnemental du cycle de vie des ENR, on verra qu'elles ne sont pas aussi durables que cela.
Energies renouvelables ou intermittentes ?
Les énergies renouvelables sont très bien comme appoint pour les particuliers. On voit d'ailleurs se multiplier les petites éoliennes et les panneaux solaires sur les toits. Mais elles ne peuvent satisfaire à elles seules les besoins productifs (industrie, transports, éclairage, chauffage…). En effet en moyenne une éolienne ne fonctionne qu'un jour sur quatre et le solaire que 15% du temps sous nos climats. Or par ailleurs, l'électricité ne se stocke pas. Il faut donc consommer cette énergie aussitôt qu'elle est produite. Comment fait-on avec les énergies renouvelables ? Pas de chauffage un jour sur 4, pas d'éclairage, pas d'ascenseur, pas de machine-outil… Il n'y a pas de continuité de service et il faut donc compléter par des énergies fossiles, beaucoup plus souples d'utilisation. C'est le gros problème de ces énergies intermittentes.