Des déficits français aux initiatives du G20 ou du FMI, l’actualité démontre le piteux état des finances publiques, ce qui n’empêche pas les dirigeants de multiplier les innovations coûteuses et hasardeuses. Observations de Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF.
Le Premier ministre français a affirmé haut et fort des « ajustements très importants pour réduire les déficits à l’horizon de 2014 » (Le Monde, 6 novembre 2009). Il s’engage à prendre des décisions drastiques sur les retraites, à maitriser les dépenses d’assurance maladie, à ne pas augmenter les dépenses de l’Etat. Mais ce langage restera malheureusement langue de bois si la réforme n’est pas une réforme de fonds redonnant aux citoyens les choix de leur retraite, de leur assurance, et plus généralement de leurs dépenses sociales. Au lieu de cela, nos gouvernants continuent de penser la France au travers de l’Etat, de ses dépenses, de ses emprunts.
L’emprunt qui fait pschitt
Le Grand emprunt français serait finalement de 35 milliards d‘euros, mais son usage n’en est pas encore arrêté. Mais la France n’empruntera pas cette somme. Une partie de ce Grand emprunt proviendra, à concurrence semble-t-il de 13 milliards d’euros, du recyclage des fonds prêtés l’an dernier par l’Etat aux banques et remboursé par elles. Une autre partie des dépenses ne seront pas empruntées par l’Etat mais financées par le secteur privé dans le cadre de partenariats public/privé. Mais Michel Rocard annonce que l’Etat pourrait s’adresser directement au marché financier. Le Grand emprunt sera donc un Petit emprunt par rapport aux 114 milliards de déficit du budget 2009 à financer. La baudruche est donc dégonflée, et heureusement, car la France est mise en demeure par Bruxelles de ramener son déficit en dessous de 3% du PIB dès 2013 et ça n’est pas en accroissant son endettement déjà considérable qu’elle y parviendra. Beaucoup de bruit pour rien ou plutôt pour ce pas grand-chose d’emprunt qui ne fait pas recette dans l’opinion, 39% seulement des Français y étant favorables.
Politique comptable
Le dernier G-20 s’est aussi préoccupé de comptabilité. L’International Accounting Standards Board – IASB-, qui établit les règles comptables pour les entreprises en Europe et dans une grande partie du monde a proposé de limiter la règle dite de « mark-to-market » selon laquelle les actifs des entreprises devaient être comptabilisées à leur valeur de marché. Cette règle imposée récemment aux grandes entreprises a contribué largement à aggraver la crise financière en majorant artificiellemnt les bilans lorsque le marché s’emballait et à les minorer tout aussi artificiellement lorsqu’il s’est dégradé. Il était donc temps de la modifier. Mais l’IASB n’a proposé qu’une réforme en demi-teinte qui ne limitait l’application de la règle de « mark-to market » qu’à certains actifs et pas à d’autres et pas aux dettes. Madame Lagarde s’est donc élevée contre cette réforme en la jugeant, à juste titre, insuffisante. Mais ce que Christine Lagarde voudrait est que les gouvernements décident désormais à la place d’organismes indépendants comme l’IASB. Il faudrait sans doute au contraire que plusieurs organismes indépendants coexistent et que les entreprises et les bourses des différents pays puissent choisir celles qui leur conviennent le mieux sous la seule réserve d’en informer le public. Le marché saurait dire quelles sont les règles les plus adaptées.
Disputes climatiques
Le G-20 s’occupe de tout et souhaitait en particulier s’accorder sur les mesures à proposer au prochain Sommet de Copenhague pour gérer le climat du monde. Rien de moins. Il n’y parvint pas, pour le bonheur du monde. Il faut dire que certains politiques sont embarrassés car les scientifiques n’excluent pas désormais que la terre connaisse une période de refroidissement. Comme le soulignait le journal Le Monde en première page et sans ironie « ces nouveaux éléments pourraient rendre plus difficile l’engagement des politiques sur ce sujet » (21 octobre 2009). Difficile en effet de soutenir le plan de l’Agence Internationale de l’Energie requérant un investissement de 10 500 milliards de dollars d’ici à 2030 dans les énergies propres pour limiter le réchauffement climatique lorsqu’un refroidissement apparaît possible sans un sou d’investissement !
No Tobin Tax
Dans le même temps Timothy Geithner a fait échouer l’idée d’une taxe internationale sur les transactions financières. La France et l’Allemagne défendaient au dernier G20 l’institution de cette nouvelle taxe. Elles avaient été rejointes par Gordon Brown dans un geste désespéré de celui-ci pour se redonner des couleurs politiques au risque de s’aliéner la City et de scier la branche sur laquelle l’Angleterre est assise. Le secrétaire américain au Trésor leur a clairement fait savoir que les contribuables n’avaient pas à supporter les erreurs des banques. Mais l’histoire n’est sans doute pas finie car le socialiste mis en place par Nicolas Sarkozy à la tête du FMI continue de travailler sur une « taxe FMI » qui serait le substitut de la taxe Tobin non retenue par le G20.
Les déboires de l’Etat gestionnaire
Il n’y a pas d’autre solution que de réduire l’intervention de l’Etat et de laisser les individus décider de leurs dépenses. Par nature, l’Etat gaspille parce qu’il est trop gros, parce que ses agents ne sont pas responsables, parce que ça n’est pas leur argent… La gestion du parc immobilier de l’Etat français en est l’illustration. Celui-ci a vendu l’ancien immeuble de l’imprimerie nationale, rue de la convention à Paris, pour 85 millions d’euros pour le racheter peu après 375 millions d’euros pour y installer le centre de conférence du Quai d’Orsay. Le promoteur y a réalisé des travaux, mais ceux-ci lui laissent une marge du tiers du prix et les travaux ne sont pas conformes. Dans le rapport que le député Yves Deniaud a consacré à cette gestion immobilière publique du patrimoine immobilier de l’Etat, représentant 62,4 milliards d’euros, il a relevé aussi le cas du tribunal de grande instance de Rochefort tout juste rénové et fermé pour cause de réforme judiciaire alors que ses personnels ne pourront pas être accueillis dans le tribunal de La Rochelle…qui devra être reconstruit hors les murs.
Une seule conclusion, et toujours la même : il faut dégraisser le mammouth. C’est le pari de l’Allemagne qui se souvient sans doute mieux que nous de l’état délabré de la RDA et du coût qu’elle a supporté depuis la réunification pour des résultats encore très médiocres tant il est difficile de faire évoluer les mentalités d’une population atteinte par 45 ans d’assistance publique.