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Temps de travail : le déficit caché

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Le travailleur français, autrefois aussi productif que son concurrent américain, l’est aujourd’hui de moins en moins et, par surcroît, il travaille beaucoup moins qu’un Allemand, qu’un Anglais ou qu’un Américain. Cette situation délétère engendre un manque de dynamisme de l’économie et des besoins sociaux croissants, couverts par la collectivité, pour les publics les plus éloignés de l’emploi comme les seniors et les jeunes.

« Nous n’avons pas assez de ressources car notre pays ne produit pas assez. […] nous ne produisons pas assez et nous ne travaillons pas assez. » À la mi-avril, François Bayrou, à l’occasion d’un discours sur l’état des finances publiques, semblait découvrir, après une quarantaine d’années d’un parcours politique assez riche, l’évidence de ce qui pourrait passer pour un truisme.

L’ancien haut-commissaire au Plan a pointé du doigt le manque de productivité nationale et un taux d’emploi jugé trop faible chez les jeunes comme chez les seniors. Il n’a pas craint de déclarer que « si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire ».

Selon un récent sondage, les Français sont majoritairement d’accord avec les idées avancées par le Premier ministre : 84 % jugent la dépense publique trop élevée, 78 % considèrent que la réindustrialisation de notre pays doit être une priorité, 72 % qu’il faut produire plus. En revanche, seuls 39 % sont d’accord avec l’idée qu’il faut travailler plus.

C’est pourtant l’une des principales faiblesses de la France vis-à-vis de ses voisins britanniques et allemands, s’agissant notamment de la mauvaise intégration des jeunes et des plus âgés dans le marché de l’emploi mais aussi, et d’une manière beaucoup plus générale, vis-à-vis des États-Unis.

Le sous-emploi des jeunes et des seniors en comparaison de  l’Allemagne et du Royaume-Uni

Depuis la fin des années 70, le nombre d’heures travaillées par an et par habitant en France décroche largement, comme le révèle le graphique suivant, tiré d’une note du Conseil d’analyse économique :

En 1994, les Français ne travaillaient plus que 900 heures par an contre 1300 heures aux États-Unis et 1050 heures en Allemagne ou au Royaume-Uni. Pourtant, le nombre d’heures travaillées (durée légale) par personne en emploi est identique dans les trois pays européens, aux alentours de 1600 heures par an.

En 2023, le taux d’emploi global de la population française, même s’il était en progression, n’atteignait que 60 %, soit 7 et 8 points de moins que chez nos voisins d’outre-Manche et d’outre-Rhin.

Les causes du sous-emploi tricolore sont donc à rechercher dans le faible taux d’activité des 16-29 ans et des 60-64 ans. Il n’est que de 50 % pour les jeunes, soit 10 à 12 points de retard vis-à-vis de l’Allemagne et du Royaume-Uni : en cause, des études à rallonge, une mauvaise orientation des étudiants qui se dirigent vers des filières bouchées et mettent beaucoup plus de temps à entrer sur le marché du travail que leurs homologues européens.

Grâce à l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite et à la suppression de la majeure partie des dispositifs de préretraite, le sous-emploi des plus âgés se concentre sur la tranche d’âge des 60-64 ans, dont le taux d’activité n’est que de 45 %, soit 20 points de moins qu’en Allemagne et environ 10 points de moins qu’en Angleterre et aux États-Unis.

Le modèle américain est celui qui incite le plus au travail

Le modèle américain, en ce qui concerne la quantité de travail fournie, se distingue non seulement de ce qui peut être observé en France mais aussi, plus généralement, de la situation sur le Vieux-Continent. Grâce à une fiscalité modérée (33,2 % de prélèvements obligatoires, contre 45,6 % en France, 40,3 % en Allemagne et 36 % au Royaume-Uni) et à une faible intervention de l’État dans le marché du travail, le nombre d’heures travaillées par personne en emploi est de 1900 par an, soit 300 de plus qu’en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.

La productivité horaire est également supérieure de 10 % aux États-Unis par rapport à la France (qui devance, tout de même, ses deux voisins européens d’une courte tête). Une donnée inquiétante dans le sens où la productivité horaire française dépassait de 10 % la productivité américaine entre 1980 et 2010.

L’amer constat du manque d’attrait du travail en France traduit l’échec de nombre de politiques publiques mises en œuvre dans notre pays depuis plus de trente ans : l’inutilité des contrats aidés pour inciter à l’embauche des jeunes, ou des différents dispositifs (comme la prime pour l’emploi ou les exonérations de charges sociales sur les bas salaires) destinés à « enrichir la croissance en emploi », les difficultés d’un enseignement supérieur trop souvent déconnecté des réalités du marché du travail, ou encore un système de retraite par répartition en quasi-faillite. Face à ce constat, il devient urgent de rompre avec l’illusion d’un État-providence omnipotent capable de compenser durablement les défaillances du marché du travail par des transferts sociaux toujours plus massifs. La France doit réhabiliter la valeur travail, non par des slogans, mais par une transformation structurelle de son modèle économique et social.

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13 commentaires

Gaboriaud jacky 25 juin 2025 - 9:09 am

Arretons de donner des aides a tout va remettons tous les chaumeurs au travail que nos dirigeants arrettent de dire que le travail est penible mais ca ils parlent surtout pour eux qui n’ont jamais travaille

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LYBD 25 juin 2025 - 9:12 am

La classe politique française se vante de nous avoir donne un modele social unique au monde.
C’est probablement ce qui nous tue.
j’espère qu’elle saura en tenir compte pour ne plus se représenter.
Place a d’autres….des entrepreneurs et des entreprenants !!!!!!

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COUVREUR Patrick 25 juin 2025 - 9:45 am

Bravo pour cet article. Je suis totalement d’accord avec cette analyse! J’ai été obligé d’arrêter mes activités de professeur d’université à 69 ans, alors que j’avais encore obtenu des soutiens financiers importants (grants) pour mes travaux de recherche. Aux Etats-Unis, chacun choisi l’âge de son départ en retraite en fonction de ce qu’il a cotisé et de sa capacité physique et intellectuelle à continuer à travailler.

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Thibaut 25 juin 2025 - 4:51 pm

J’espérais travailler jusqu’à 69 ans et j’ai appris que je ne pourrai pas continuer les vacations après 67 ans … je vais essayer d’obtenir une dérogation mais c’est pas gagné. Le travail des retraités devrait être favorisé car on cotise mais on n’a pas de bonus sur notre retraite suite à ce temps supplémentaire….

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Derval Gilless assez en rapport car l' Etat se sert dans leur 25 juin 2025 - 10:35 am

Ce qu’il faudrait dire aussi, c’est que les cadres, les professions libérales, les commerçants, les artisans…travaillent plus que ceux des autres pays européens et ne gagnent pas autant à cause de cet État glouton qui se sert du travail des autres; quand j’étais chirurgien-dentiste, je faisais environ 2300 heures l’année avec très peu de Vacances. Et dans un endroit où il y’a une population moins riche, la prothèse n’était pas suffisante et vu le prix des soins en France, un cabinet ne pouvait vivre qu’avec des soins

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DUPOND 25 juin 2025 - 12:05 pm

Je pense personnellement qu’il faudrat aligner les régimes des fonctions publiques sur le privé et et le personnel politique qui lui-même bénéficie largement des avantages du régime publique ne modifiera rien. Je crois savoir que c’est le budget de l’état qui verse ce que l’état” patron “aurait du verser à une caisse spécifique …… comme les entreprises. Ont parle alors de subvention d’équilibre
Cela risque de finir avec une mise sous tutelle de la France par ces créanciers. Peine maximum pour les Gueux qui ne sont responsable de rien , sinon d’avoir fait confiance à des politiciens , des journaliste idéologues qui on berner tout lemonde

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JP. Pris 25 juin 2025 - 12:14 pm

Oui trop de gens dans le public ne travaillent pas assez… Politiques compris.
Les profs, ne travaillent pas assez !! Des jours fériés, des vacances à gogos.. 4 mois de vacances, pour des semaines de travailles entres 22 et 24 heurs par semaine. Bien moins encore pour certains.
Les mairies… Ça glandent, les département idem… Loin du 35 h
Il faudrait les faire travailler plus, diminuer les vacances Pour en diminuer énormément le nombre .. Politiques compris…. ( des politiques, il faudrait en Virer 60%)
Le privé bosse beaucoup plus… 39h pour beaucoup, 5 semaines de vacances, pas de jours fériés sauf le 1° mai.
Perso, j ai travaillé régulièrement dans la grande distribution entre 60 et 70 heurs par semaines.. Payé 39h.
Puis en profession libérale.. 72, à 80.h
Pour engraisser La TVA.. L urssaf, les caisses pitoyables de retraites du libéral… Sauf pour les avocats. Ect..

Salutation

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Revet u 25 juin 2025 - 12:20 pm

En 1963, mon premier contrat de travail stipulait 54heures hebdomadaires mais il fallait en faire davantage pour mieux gagner sa vie et s’offrir assez rapidement sa première voiture à 18 ans. Aujourd’hui à quel âge un jeune peut s’offrir plus qu’une trottinette ?
Les 35h , l’assistanat et la société des loisirs ont détruit l’économie et l’envie de travailler.
Seule, une dictature pourrait redresser le Pays ! Rappelez-vous, Mitterand a même oser le ministère du temps libre ! Comment changer cette mentalité aujourd’hui ? Avec une population venue spécialement en France pour en profiter.

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Mijuna 25 juin 2025 - 12:33 pm

Le déclin a commencé avec les idées des gauchistes en 1968 qui ne valorisaient plus le travail

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Boutté 25 juin 2025 - 3:31 pm

Faut plus s’étonner ! Heureusement l’immigration va régler ce PB

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Thibaut 25 juin 2025 - 4:41 pm

Il faut également compléter l’article en précisant que dans certains cas on est empêché de travailler . Je suis retraitée mais j’aime mon métier alors je continue les vacations à la fac. Je fais 90 heures par an. Une autre fac a voulu me recruter pour faire 36 h de plus et j’aime mon accepté …. J’ai reçu un mail la semaine dernière m’informant que mon statut ne me permettait pas de travailler…. Plus de 96h par an… donc impossible de faire ces 36h supplémentaires. J’ai envoyé un courrier au rectorat et au ministère de l’enseignement supérieur pour essayer d’avoir une dérogation. En plus je suis dans un secteur où il y a pénurie d’enseignants…. On marche sur la tête dans ce pays et on n’incite pas à bosser non plus

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ORILOU 26 juin 2025 - 4:49 pm

Excellent article qui décrit fort bien la situation actuelle de notre pays. Agée de 85 ans, j’ai travaillé 42 ans à raison de semaines plus près de 50 à 60 heures que de 40 heures . Pas de tickets restaurant, pas de tickets vacances. Pour participer à des business schools en Grande Bretagne, je devais prendre deux semaines de congés sans solde car les 3 semaines de congés annuels ne suffisaient pas. Je devais bien entendu payer les frais de scolarité, transport etc. Idem avec les formations au Goethe Institut en Allemagne. Eh oui, il n’était pas rare que nous devions étudier en travaillant !
Aujourd’hui, après des études dans des filières ne servant parfois rien, les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie professionnelle. Cela ne les empêche pas de tenir aux 35 heures et à la retraite à 60 ans ! Comment s’étonner que certains d’entre eux peinent à trouver un premier emploi ?
Au fil des ans, l’état a tout fait pour inciter les entreprises à se débarrasser des anciens… soit disant pour faire de la place à des jeunes qui n’en voulaient pas !
Les exonérations de charges sur les bas salaires ne sont pas faites pour inciter les entreprises à mieux payer leur personnel ! Dans le même temps, sous couvert d’Europe et/ou d’écologie, l’état torpille littéralement nos industrie. Exemples AUTOMOBILE, ENERGIE, etc… après l’électroménager et autres.

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AlainD 28 juin 2025 - 2:57 pm

Dans ce pays où les syndicats (subventionnés) ne songent qu’à réduire la durée du travail à 32 heures hebdomadaires, ce pays où l’Etat se sucre largement pour payer toujours plus de fonctionnaires et de comités théodules, il faudrait commencer par renverser la table, cesser de nous abreuver de nouveaux textes sans plus savoir si les mêmes n’existent pas déjà, avoir des politiques qui pensent à autre chose qu’à leur réélection aux prochains scrutins.
Macron en étant le pire président de la 5ème république a montré son incapacité à gérer ce pays. Nous avons besoin d’un homme -ou d’une femme – d’une autre envergure qui fera moins de discours.

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