Trois millions de centenaires présumés vivants, deux millions de cartes vitales fantômes… La fraude aux aides sociales est un vieux serpent de mer : sous-estimée, insuffisamment traitée, tout le monde, y compris le gouvernement et les médias, connaît le problème qu’elle représente et refuse de s’y atteler. Il faut dire que la tâche, quoique nécessaire, est rude et ingrate.
En septembre 2020, la Cour des comptes demandait à l’Etat de prévenir le détournement des aides sociales. Un an et demi plus tard, elle constate dans son dernier rapport concernant la fraude à l’identité bancaire que rien n’a été fait et renouvelle son injonction. Les détournements détectés ont été multipliés par dix en quatre ans pour atteindre 157 millions d’euros en 2020, et il ne s’agit là que d’une estimation. Reconnaissons cependant que le maquis bureaucratique enrobant ces prestations est peu propice à la rigueur et à la vérification.
Des chiffres difficiles à estimer malgré des solutions simples
Il est difficile de savoir précisément quel montant représentent les aides indûment perçues. En 2020, on détectait quatre millions d’euros de virements détournés au titre des seuls montants détectés de détournement de virements dans la sphère sociale, et la Cour précise dans son rapport que le montant réel est plus élevé. A cause de cette mésestimation, il est difficile, aussi, de trouver des solutions adaptées. Pourtant, les organismes concernés disposent d’outils performants, à l’instar du fichier des comptes bancaires, ou Ficoba, dont la Cour recommande l’utilisation. Il recense les comptes ouverts en France, qu’ils soient courants, d’épargne, comptes-titres, ou même coffres-forts. On y trouve le nom et l’adresse des banques, l’identité des titulaires, les numéro et types de comptes, et enfin les dates concernant leurs ouverture, fermeture et modifications. En revanche, les opérations effectuées et les soldes n’y sont pas indiqués. En croisant leurs informations et celles de Ficoba, les organismes sociaux pourraient donc vérifier les données de leurs bénéficiaires.
La Cour des comptes note que certains utilisent bien Ficoba. Ainsi, la caisse nationale des industries électriques et gazières, ou Cnieg, organisme de Sécurité sociale de droit privé, a rapproché ses données de ce fichier et effectue des vérifications mensuelles. Cette pratique lui a permis d’éviter plusieurs détournements, mais la procédure complète et systématique n’a été faite par aucune autre structure. La Caf, la caisse d’assurance maladie et la caisse d’assurance vieillesse se contentent d’un rapprochement partiel, et encore n’est-ce que pour sécuriser le calcul des prestations et faciliter le recouvrement des trop perçus. Il ne s’agit donc pas d’une lutte contre la fraude d’identité. La Caf a rapproché 18% de ses données, la caisse d’assurance maladie 30% et la caisse d’assurance vieillesse 6%. Les départements eux-mêmes doivent être plus rigoureux. En 2021, le Sénat adoptait une proposition de loi de lutte contre les fraudes sociales. Selon le rapport adjoint, six d’entre eux ne possèdent pas d’équipe spécialisée, et ils ne collaborent pas pour autant très étroitement avec les organismes qui allouent les aides. Si tous travaillent avec la CAF, seuls cinq travaillent avec Pôle Emploi et quatre avec des départements limitrophes.
Contre la fraude, la piste de la simplification
La bureaucratie française fait le malheur des honnêtes gens, qui ont bien du mal à se sortir des acronymes barbares, niches et aides en tous genres, et celui des fonctionnaires de bonne volonté, qui ne savent pas où trouver les informations dont ils ont besoin. En revanche, elle fait le bonheur des fraudeurs, qui peuvent compter sur la complexité administrative pour décourager les tentatives de contrôle. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est souvent sollicitée pour la création de fichiers… qui existent déjà et doublonneraient. La logique voudrait plutôt que les données disponibles soient simplement accessibles aux organismes qui en ont besoin.
A force de payer pour tout et n’importe quoi, l’Etat a créé de multiples occasions de percevoir des sommes indues. Le rapport sénatorial présentant le projet de loi dont il a été question plus haut l’affirme : « Le système français des aides se caractérise par sa diversité et son extrême complexité ». Il est également inadapté à notre époque marquée par de nombreuses mobilités géographiques et une dématérialisation croissante des comportements, qui complexifient les contrôles. La meilleure lutte contre la fraude serait sans doute de diminuer les prestations, donc les dépenses publiques et impôts qui leur sont liés. Les Français vivraient ainsi du fruit de leur travail au lieu d’être mal aidés et trop volés.
8 commentaires
C’est l’Etat qui tue la France car ceux payés pour la servir se servent et l’asservissent! La solution existe : suppression du statut public sauf pour l’Armée, statut opposé à notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. Mais qui va avoir le courage de scier la branche qui le porte en oubliant à qui profite le crime : loi des 20/80, pour 100 € d’argent de l’Etat providence, 80 sont utilisé en frais de fonctionnement et 20 vont vers les ayant droits choisis
Tout à fait d’accord mais on vient d’en reprendre pour 5ans. Courage.
Certes, mais il est sous haute surveillance le garçon, au moindre faux pas ce sera la crise. Cette fois, il ne pourra pas donner la France et déclasser les français sans rende compte. Mais Borne peut être pire que Philippe avec ses 80 km/h, ses malus à 50 000 € et ses taxes carbone sur les carburants et sur toutes les factures énergétiques, mesurent qui ont bloquer le pays pendant 18 mois, sauvé par le Covid, lui même sauvé par le conflit Russo-Ukrainien… Borne est une escrologue patentée. Merci. Bien à vous
Bonjour, je ne pense pas que cela soit insurmontable. A l’instar d’un bureau de vote, il suffit que tous les récipiendaires se présentent une fois par an en Mairie pour renouveler le précieux sésame. C’est juste un question de volonté, cela ne coutera rien à l’état, car je suis certain qu’il y aura des volontaires pour tenir les permanences. Merci. Bien à vous
Peut etre commencer par changer les cartes vitales avec présentation des ayants droits et prise d’empreintes (idem nouveau permis de conduire) ?
OUI, c’est un très vaste sujet politique explosif.
Certes,  » le simple est toujours faux. Ce qui ne l’est pas est inutilisable » P. Valery 1942.
Cependant, en se fondant sur les montants PRO des entreprises, la démarque inconnue ( vol interne – vol à l’étalage – pertes administratives – fraudes fournisseurs – . .. …., ) représente de 1 % à 10 % du C.A. H.T.
Aussi, pour 800 milliards € an de  » prestations sociales », une hypothèse très basse de 5 %, avec un savoir faire PRO des entreprises donne 40 milliards de fraudes , mais les – fraudeurs = surfeur ad – sont quasi sans la moindre surveillance, aussi, 80 milliards semble une correcte estimation ( en 2021 I.R. = 93 milliards € – I.S. = 64 milliards € ), un possible x3 , compte tenu du B….. d’ensemble donne le vertige à 120 milliards € tous les ans!
( pour information à l’occasion d’une évocation de ce type de « . calcul » dans le cadre de la formation de gestionnaire, j’ai eu droit, il y a quelques années, à un contrôle fiscal , . .. …., )
les milliards des subventions sont aussi une  » bombe politique ».
donc tout va bien.
Quand on s’intéresse à la fraude sur les prestations sociales, c’est bien d’en comparer les montants avec ceux de la fraude sur l’impôt des entreprises, de la fraude des entreprises aux cotisations sociales et de la fraude à l’impôt sur le revenu.
« La bureaucratie française fait le malheur des honnêtes gens, qui ont bien du mal à se sortir des acronymes barbares, niches et aides en tous genres, et celui des fonctionnaires de bonne volonté, qui ne savent pas où trouver les informations dont ils ont besoin. En revanche, elle fait le bonheur des fraudeurs », surtout les plus riches d’entre eux !
Fraude au RSA : 335 à 800 millions d’€.
(Le non recours au RSA représente un gain pour l’Etat de 5,2 milliards d’euros.)
Fraude aux impôts sur la société : 27 milliards d’€.
Fraude aux arrêts maladie : 149 millions d’€
Fraude aux cotisations sociales (salariés non-déclarés) : 14 milliards d’€
Fraude aux prestations familiales : 119 millions d’€
Fraude à l’impôt sur le revenu : 17 milliards d’€
sources : https://www.aide-sociale.fr/infographie-fraude-sociale-particulier-entreprise/
Visiblement il n’y a aucune volonté politique d’effectuer des contrôles efficaces, les organismes sociaux ne sont probablement pas responsables de l’utilisation des fonds qui leur sont confiés. L’ existence de la fraude est patente (cf le livre de Ch. Prats Cartel des Fraudes)pour autant, les services concernés font preuve d’un grand laxisme en laissant filer. C’est évidemment plus facile de disposer des radars pour verbaliser les automobilistes qui dépassent de 5 km/h la vitesse autorisée et c’est surtout rentable…