Plusieurs rapports sur la liberté académique, dans le monde et en Europe, révèlent sa mauvaise santé depuis une décennie. Une étude récente du Parlement européen signale, de son côté, une situation alarmante en France depuis quelques années, notamment à cause du militantisme étudiant et de ceux qui, pensant faire valoir leur bon droit, affectent la liberté d’enseignement des universitaires.
 La liberté académique est une composante essentielle dans un pays démocratique. C’est même un prolongement de la liberté d’opinion et d’expression, et peut-être son point de départ. Elle accorde aux universitaires ou intellectuels le droit et la responsabilité d’enseigner librement, tout comme à leurs auditeurs la liberté de bénéficier de leur savoir. Depuis quelques années, la circulation du savoir, perçue parfois comme un danger, est nettement remise en cause. Les régimes démocratiques ne sont pas épargnés, comme le souligne l’Indice de liberté académique de Berlin. L’association Scholars at Risk, dans son rapport Free to Think de l’an dernier, classe même les États-Unis parmi les 18 pays ou territoires où la situation est le plus alarmante — ils totalisaient à eux tous 391 attaques contre des universitaires, des étudiants ou institutions. Une vague féroce de destruction du passé, soulevée par les idées woke, a effectivement mis au ban de nombreux universitaires et limité la liberté d’enseignement. En Europe aussi, la liberté académique a reculé ici et là , notamment à cause de lois récentes votées à Bruxelles : elles ont, nous apprend le premier rapport du Parlement européen sur la liberté académique en 2023, réduit l’autonomie académique au Danemark et en Estonie, affaibli la libre gestion du personnel en Croatie et en Slovaquie ou de l’organisation interne comme en Slovénie ou au Danemark.
Chasse aux sorcières intellectuelle, chasse islamiste à la liberté d’expression, chasse aux idées contrariant les « progressistes », lois européennes restrictives, tout concourt donc à étouffer la liberté académique. Or, l’autonomie au sein d’une université est aussi importante que la liberté d’opinion. Sans doute par souci de mieux organiser le milieu universitaire, l’UE a sacrifié la liberté académique au profit du contrôle. La France elle aussi touchée.
La question de la liberté académique en France
 La patrie de la liberté, premier mot de la devise républicaine, a du mal à s’accorder à ses valeurs. Le rapport bruxellois met en exergue des menaces émergentes, politiques, universitaires et sociétales. La liberté académique y a reculé ces dernières années et ce, indépendamment des lois européennes. Sur les cinq critères de l’étude concernant les sources de menaces, la France en coche quatre ; c’est déjà inquiétant. Moins grave pourtant, sans doute, qu’un autre problème majeur : les tentatives politiques et universitaires pour délégitimer les matières académiques accusées de soutenir l’« islamo-gauchisme » et d’entretenir éventuellement un lien avec le terrorisme, comme les études postcoloniales. La récente guerre entre le « politiquement correct » et le « patriotiquement correct », selon le terme du rapport,  a donc fait des dégâts au sein de l’Université.
L’étude du Parlement fait valoir que les deux pôles qu’elle fait ressortir – l’inquiétude sur le lien possible entre certains domaines académiques et le terrorisme d’une part, le sentiment qu’elle est exagérée d’autre part – sont l’un comme l’autre à prendre en considération. Il est possible de voir là un signe inquiétant de complaisance envers l’idéologie islamo-gauchiste. L’activisme dont font parfois preuve le personnel universitaire et les étudiants contre des domaines d’études est également peu rassurant, tout comme les actions plus ou moins feutrées pour faire taire les voix critiques, notamment de certains universitaires.
On peut estimer que la société est en pleine évolution, que cette évolution comporte des aspects dangereux qu’il faut identifier et prévenir, que certaines matières sont un terreau pour des idées toxiques voire mortifères. Reste que les voies les plus efficaces pour contrer ces dangers ne sont pas l’unanimité.
Cette étude bruxelloise évoque aussi le problème de financement et celui des faibles rémunérations, les restrictions institutionnelles croissantes à la liberté de recherche et d’enseignement (à quand la suppression du monopole de la collation des grades afin que nous puissions enfin avoir dans notre pays des universités privées, lucratives ou non lucratives ?).  La liberté en Europe, la liberté des idées, l’aspiration à toujours plus de responsabilité éclairée, semblent en ce moment très menacées au sein même de ce qui devrait être leur matrice.