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L’effort du Sénat pour ouvrir l’enseignement supérieur réussira-t-il ?

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Le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Le Sénat l’a voté en dernière lecture fin octobre et le texte doit venir en commission mixte, pour adoption définitive, ce 9 novembre.

Ce projet a été conçu selon le mode technocratique, fixant les investissements de recherche des entreprises privées (!) et augmentant les crédits de l’Agence nationale de la recherche qui centralise tous les appels à projet dispensateurs de crédits publics. Il reste quantitatif. Il prévoit de revaloriser les rémunérations des chercheurs, ce qui est bien en soi, mais sans remettre en cause la fonctionnarisation de la recherche française qui n’est pas toujours propice à la créativité et à l’ardeur au travail.
Le Sénat a néanmoins introduit dans le texte en dernière lecture, avec le soutien du gouvernement, quelques amendements bienvenus :
• Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but d’entraver la tenue d’un débat organisé dans les locaux de celui-ci, serait puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. Espérons que cet amendement, si la loi le retient, évitera que des agitateurs, étudiants ou non, empêchent par la force les cours et conférences qui ne leur plaisent pas ainsi que c’est arrivé à plusieurs reprises ces derniers temps.
• Par dérogation et à titre expérimental, excepté dans certaines disciplines, les établissements publics d’enseignement supérieur pourraient ne pas être soumis pour un ou plusieurs postes à la nécessité d’une qualification des candidats reconnue par l’instance nationale afin d’élargir les viviers des candidats potentiels et de fluidifier l’accès aux corps enseignants. C’est sans doute un moyen, encore bien timide, de réduire la dictature très idéologique du Conseil national des universités –CNU- qui filtre toute admission dans l’Université. Cela doit aussi permettre de diversifier le corps enseignant et de le sortir, peut-être, de son entre-soi réducteur.
Ces amendements ont suscité une levée de boucliers de la part de nombreuses organisations universitaires et autres sociétés dites savantes, furieuses sans doute qu’on vienne empiéter sur leurs prérogatives dont ils ont fait une forteresse qu’ils croyaient imprenable. Il est vrai que les parlementaires n’ont peut-être pas été très adroits dans la rédaction du nouvel article qu’ils ont introduit en préambule du projet de loi pour considérer que « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République ». Il s’agissait bien entendu de pouvoir interdire que l’Université soit instrumentalisée par des fanatiques musulmans. Les universitaires qui ont déclenché un tollé à son encontre craignent sans doute qu’on vienne leur interdire de prêcher le marxisme léninisme ou autre idéologie. Mais ils ont aussi raison en ce sens que l’Université doit pouvoir explorer tous les domaines, y compris religieux ou politique, et il n’est pas nécessairement anti-scientifique que la recherche s’élabore avec un regard porté au-delà des sciences. Cinq établissements universitaires catholiques français en témoignent en développant depuis près d’un siècle et demi un enseignement de qualité. Il eut mieux valu exprimer que « Les libertés académiques, essentielles à la richesse de l’enseignement universitaire, s’interdisent le prosélytisme et l’intolérance ».
Il reste à espérer néanmoins que ces amendements, au demeurant bien modestes, seront retenus en commission mixte de ce 9 novembre et qu’ils ne seront qu’un début pour poursuivre une politique d’ouverture et de diversité intellectuelle au sein des établissements universitaires français dont l’esprit conserve l’armature de l’université napoléonienne omnipotente et souveraine, à mille lieues de ce que requiert l’université de demain. Il pourrait s’agir d’un commencement pour déboucher à terme sur une véritable autonomie des universités, publiques ou privées et leur liberté de délivrer des grades universitaires, la compétition entre elles étant alors un meilleur gage de leur qualité que le CNU.

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2 commentaires

Alain PRIVAT 9 novembre 2020 - 8:30

Ou se trouve le dogmatisme?
" Interdire de prêcher le marxisme-léninisme"? En presque 50 ans de vie universitaire,je n'ai jamais entendu un tel prêche ! Il y avait certes, dans les "commissions de spécialistes" des opinions parfois tranchées,voire dogmatiques, mais nous n'avons jamais hésité à accueillir sur des postes de Maitre des Conférence ou de Professeur des candidats originaux dans leur parcours, l'excellence étant la règle intangible.Il serait beaucoup plus utile de revenir sur le statut des enseignants, et de ne pas les titulariser d'emblée, ce que font nos collègues anglo-saxons qui diffèrent la "tenure" en moyenne d'une décennie après le premier recrutement..

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CADOT Bernard 9 novembre 2020 - 11:16

Un article sur une décision politique essentielle
je m'inscris en vrai pour approuver le sénat ayant moi même usé mon pantalon sur les bancs de l'enseignement supérieur jusqu'à 27 ans en suivant uniquement mon inclination.
Notre retard culturel et universitaire dans les principaux domaines d'avenir doit être rattrapé.
Ici comme ailleurs les résultats doivent être validés et récompensés à la hauteur des avancées obtenues. Les INSA ont encouragé la convergence entre l'entreprise et l'université.
J'espère le succès parlementaire de cette réforme.
Bernard CADOT

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