Inventer de nouvelles normes est un sport national. Selon les chiffres gouvernementaux, qui viennent d’être publiés, 93 899 articles législatifs et 253 118 articles réglementaires étaient en vigueur au 1er janvier 2023, en hausse presque tous les ans depuis 20 ans.
Au total, cela représente respectivement 14,1 millions et 31,1 millions de mots, soit 45,2 millions ! Si quelqu’un avait pour job de les compter manuellement, au rythme d’environ 1 000 mots par heure, soit 35 000 mots par semaine de 35h, soit environ 1 645 000 mots par an, il mettrait 27 ans pour arriver au bout ; sauf qu’entre-temps, des millions de nouveaux mots auraient probablement surgi…
A cela, il faudrait ajouter le poids des actes administratifs (circulaires et directives, en légère baisse ces derniers temps), des ordonnances (en hausse, 200 000 mots nouveaux en 2022), des principes généraux du droit (résiduel), du bloc de conventionnalité (pour le droit de l’UE voir-ci-dessous, pour les traités, ils sont en hausse mais leur poids reste modéré, étant en général déjà appliqués via la loi au moment de leur ratification) et enfin du bloc constitutionnel (résiduel mais ô combien important).
En tête des usines à gaz normatives, on trouve le code du travail qui a fêté en 2022 son millionième mot, le code de l’environnement (1,1 million) et le champion : le code de la santé publique : 1,77 million de mots, 9 fois le nombre de mots du code civil qui fait lui-même (jurisprudence comprise) déjà plus de 3 000 pages.
Emmanuel Macron un auteur très publié… au Journal officiel
Une analyse de cette inflation normative à mi-mandat de son 1er quinquennat montre que cette inflation normative n’est pas imputable à l’Europe. En outre, les chiffres de 2019 suivaient la même tendance que nous retrouvons dans les chiffres d’aujourd’hui : les textes réglementaires et législatifs, codifiés ou non, gonflent presque tous les ans et sont en grande partie responsables de l’inflation normative française. Voici deux graphiques du site du gouvernement (lien plus haut) :
Voici le tableau par quinquennat réalisé à partir de ces données :
Quinquennat | Nombre net de nouveaux mots dans le droit législatif en vigueur (arrondi) | Nombre net de nouveaux mots dans le droit réglementaire en vigueur (arrondi) |
Chirac 2 (2002-2007) | 1 800 000 | 2 900 000 |
Sarkozy | 1 500 000 | 4 000 000 |
Hollande | 2 400 000 | 3 000 000 |
Macron 1 (2017-2022) | 2 300 000 | 3 300 000 |
Preuve, s’il en fallait encore, que tous les présidents récents ont mené des politiques alourdissant fortement la bureaucratie normative. On constate que Macron ne fait pas exception à la règle : plusieurs millions de mots supplémentaires sont apparus durant son premier quinquennat. D’ailleurs, ce ne sont pas moins de 83 000 pages qui ont été publiées au Journal officiel en 2021, un record absolu.
Plus précisément, sur la législation codifiée, voici le tableau de l’évolution nette du nombre de mots (arrondi) dans certains codes et par quinquennat :
Quinquennat | Code civil | Code de la construction et de l’habitation | Code de l’urbanisme | Code du travail | Code général des impôts | Code de la santé publique | Code de l’environnement |
Chirac 2 (2002-2007) | 14000 | 111000 | 28000 | 66000 | 199000 | 505000 | 203000 |
Sarkozy | 11000 | 80000 | 8000 | -23000 | 108000 | 218000 | 404000 |
Hollande | 8000 | 112000 | 19000 | 153000 | 60000 | 164000 | 165000 |
Macron 1 (2017-2022) | 11000 | 101000 | 35000 | 100000 | 43000 | 245000 | 177000 |
On remarque qu’Emmanuel Macron a poursuivi l’inflation normative de ses prédécesseurs dans tous ces codes, avec quelques mentions spéciales : le code de la construction et de l’habitation, alors que la crise du logement neuf atteint son paroxysme ; les codes de l’urbanisme et de l’environnement dont l’inflation actuelle est essentiellement liée à l’obsession du réchauffement climatique, alors même que la France n’est responsable que pour une très faible part des émissions de GES dans le monde. “Nous vivons un nouveau paradoxe : alors que la crise [du logement neuf] s’installe durablement, nous assistons parallèlement à un empilement de contraintes administratives et à une surenchère normative, alors même que nos logements neufs sont déjà les plus performants d’Europe” explique le patron de la Fédération des promoteurs immobiliers, Pascal Boulanger, pour BFM.
En Allemagne, il existe un organisme chargé de la simplification normative !
Cette inflation est à mettre en regard de ce qui se passe dans d’autres pays. En Allemagne par exemple, il existe un organisme spécialement chargé de la simplification au niveau fédéral : le Normenkontrollrat, avec pour résultat une baisse de 25% du nombre de normes pour les entreprises. Aux Pays-Bas, une politique de simplification a été menée à partir de 2010. Pareil en Suède depuis 2011. Avec les mêmes effets à chaque fois : diminution des coûts et de la “pression normative” pour les entreprises, diminution annuelle des coûts administratifs, amélioration de la lisibilité des textes en vigueur… En France, des alertes sonnent régulièrement : rapports du Sénat, de la Cour des comptes, articles dans les médias, mais elles ne suscitent guère de réactions. Les Français élisent toujours et encore des bureaucrates dont l’appétit pour les normes semble sans limite. “Plutôt que de perpétuer l’inflation normative, la France gagnerait à mieux appliquer les textes existants” écrit le haut fonctionnaire Christophe Eoche-Duval dans Le Monde. Pour inverser la tendance, on pourrait également s’inspirer de l’analyse récente de Dorothée Belle et d’Audrey Frut Gautier qui proposent des pistes de simplifications pour en finir avec cet excès de normes.
Mettre fin à cette inflation normative est un projet qui mérite mieux que des déclarations d’intention. Cette lutte est essentielle pour retrouver notre liberté, notre dignité mais aussi notre efficacité. Car dans leur immense majorité, ces normes sont contre-productives. Ainsi que le note Nicolas Lecaussin, notre très révéré et très avisé directeur dont la connaissance est très grande : « Le poids de l’Etat et des administrations est devenu insoutenable et il serait bon de suivre ces exemples en réduisant drastiquement toutes les réglementations qui pèsent sur les entreprises. Leur donner de l’air ce n’est pas seulement baisser les impôts et les charges mais aussi supprimer des milliers de réglementations. »
6 commentaires
Paroles, paroles… la technocratie ne sait faire que ce qu’elle a appris à l’ENA (cachée honteusement sous le nom d’Institut du service public) : bien parler, plus ou moins bien écrire, mais toujours pour ne rien dire car il faut masquer l’inaction fondamentale de ces robots soumis et programmés pour dire « Nous nous devons de… » sans rien jamais faire. L’action leur est totalement étrangère, ils ne savent que constater a posteriori : aucune vision, aucune anticipation, aucune action. Mais ils se font élire, qu’ils s’appellent Macron ou Hidalgo. Dans notre personnel politique, seuls certains maires se dévouent pour désendetter leur ville ou juguler la violence de rue par exemple, on voit qu’ils sont parfois attaqués et amenés à démissionner. Arrêtons donc de les réélire, votons et soutenons nos concitoyens qui auront le courage d’AGIR pour le bien public !
… sans commentaire !
heu… si.
Si on veut faire comme l’Allemagne, de la simplification normative mais à la française bien sur, il faut:
1 – Créer de nouvelles normes définissant la façon de procéder.
2 – Embaucher de nouveaux fonctionnaires pour faire le travail …
Les pouvoirs successifs, depuis plus de 40 ans, ont été squattés par les fonctionnaires. Donner la possibilité aux fonctionnaires, agents de l’Etat, de naviguer entre la fonction publique et le privé, n’ont pas fait que commetre des alliances plus ou moins douteuses, elles ont surtout permis aux agents de l »Etat de se lancer en politique sans risques et financièrement sans danger. S’ils se font élire, jackpot, s’ils se font rejeter ils récupèrent « leur poste » avec ré-actualisation de leur carrière. Sans oublier la foultitude de « réseaux » plus ou moins douteux. Résultat, il ne leur a fallu que moins de 40 ans pour squatter le pouvoir. Leur « carrière » s’étalant sur 40 ans, vous les avez maintenant aux commandes de l’Etat pour quelques décennies. Le plus bel exemple, à ce jour, étant l’arrivée à l’Elysée de François Hollande qui a eu l’impudence de former un gouvernement avec les membres de l’ENA de sa promotion, Voltaire. Même Kafka se roulerait par terre derire. Naturellement le même phénomène a été mis en place dans les médias d’Etat.
Il n’est pas normal qu’un fonctionnaire puisse surfer entre son poste de fonctionnaire et/ou une carrière politique… ou la création d’entreprise . Ces « risques-tout » peuvent travailler sans filet… aux frais du contribuable français
Un avantage dont les salariés du privé ne bénéficient pas.. Une facilité qui permet les copinages et compromissions de toutes sortes.
Dans les tableaux ci-dessus, il est notoire que sur 4 présidents 3 sont des énarques ! Nous vivons dans un pays de fonctionnaires qui pensent devoir justifier leur fonction en pondant toujours plus de textes qui ne font que rendre plus indigestes ceux existant et on peut valablement se demander si quelqu’un se retrouve encore dans un tel maquis puisque l’on ne fait que surajouter des textes aux textes sans jamais se préoccuper de savoir si tel règlement n’existe pas déjà. Bienheureux Allemands et Nordiques qui faute d’énarques ont des gens efficaces…
la technocratie Française est une mafia installée dans tous les ministère;regarder leurs patrimoines!