Hélas comme je le craignais dans un article récent, l’Europe ne promet de simplifier que pour mieux compliquer.
Dans un dossier daté du 11 février, la Commission européenne s’est engagée à alléger radicalement la charge réglementaire pesant sur les citoyens, les entreprises et les administrations de l’UE : « Pour stimuler la prospérité et la résilience, la Commission proposera une simplification sans précédent afin de libérer les possibilités, l’innovation et la croissance. »
Elle se propose de réduire la bureaucratie en revoyant tous les coûts administratifs entraînés par les réglementations européennes avec l’ambition de les alléger de 25% pour toutes les entreprises, soit une économie de 37,5Md€, voire plus en diminuant davantage encore les charges des petites entreprises.
Faire et défaire, c’est toujours travailler
Dès 2025, elle reverra les contraintes relatives au « reporting » en matière de finance durable, devoir de vigilance à l’égard des sous-traitants et taxonomie (l’orientation des investissements vers les activités « vertes »). Elle proposera également de simplifier les obligations propres à la politique agricole commune. Et elle s’engage, dans ce travail de simplification, à être plus à l’écoute des entreprises et d’aider les pays membres à appliquer ses recommandations.
Commissaire à l’économie et à la productivité ainsi qu’à la mise en Å“uvre et à la simplification, Valdis Dombrovskis a déclaré que « L’Europe ne peut plus continuer comme avant, nous devons prendre des mesures décisives pour libérer les entreprises afin qu’elles expriment leur plein potentiel ». Déjà divers textes législatifs en cours pourraient être remis en question sur la responsabilité pour les dommages liés à l’IA, la confidentialité des communications électroniques, la taxation des poids lourds, les brevets, le transport de voyageurs par bus, les attributions de créneaux aéroportuaires… Que de bons mots !
Pourtant la Commission ne désarme pas
La Commission veut légiférer pour faciliter le déploiement d’InvestEU, un programme  spécifique qui lui permet de s’insérer dans la vie économique des pays membres, et du fonds européen pour les investissements stratégiques, pour « aider à atteindre les objectifs d’investissement qui seront définis dans le futur livre blanc » prévu en mars… Elle veut donc décider des bons investissements à faire par les entrepreneurs !
Et elle veut contrôler l’IA. Tandis qu’au sommet qui lui était consacré à Paris, le vice-président américain J.D. Vance a mis tous les acteurs en garde contre une « régulation excessive » de l’IA qui « pourrait tuer une industrie en plein essor », la Commission européenne est revenue à ses vieux démons.
Ursula von der Leyen a promis d’ajouter un financement européen de 50 Md€ pour investir dans l’IA à côté des financements privés annoncés durant ce sommet, d’un montant de 150 Md€. Et elle s’est prévalue de l’AI Act européen qui commence à s’appliquer depuis ce mois de février pour réglementer les usages de l’IA en Europe, au grand dam de nombre d’entreprises qui s’inquiètent des surcoûts et contraintes qu’il occasionne. A l’unisson, le ministre français délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a déclaré aux Echos à cette occasion : « On ne peut pas laisser les choses avancer sans nous ». Il ne souhaite l’union des marchés européens de capitaux et une union bancaire que pour « flécher l’épargne des Européens vers l’investissement. » Il s’agit donc toujours pour le pouvoir politique de piloter le marché.
Macron a donné le là au diner de clôture du sommet pour l’action sur l’IA le 11 février en fustigeant les Etats-Unis – « le paradis ne peut être le Far West » – et en insistant sur le besoin de réglementation : « On ne peut pas revenir à un état de nature. La pire des choses serait qu’il y ait un modèle d’IA américain, un autre chinois, un autre indien, européen, etc. On a construit un ordre international après la seconde guerre mondiale, il faut le préserver. Il faut un sursaut collectif ».
Libérons l’innovation
A l’inverse, J. D. Vance a insisté sur le fait qu’il fallait « essayer de libérer l’innovation et faire en sorte que l’IA apporte du bien-être à nos peuples, c’est une opportunité que l’administration Trump ne va pas gâcher. » Il a dit que les Etats-Unis étaient prêts à négocier des partenariats avec l’Europe, à condition qu’elle dispose de « régimes réglementaires qui encouragent la création de la technologie » plutôt que l’empêcher. Et au sujet de la Chine il a exprimé la crainte que son IA ne soit bardée d’outils de censure et de biais idéologiques.
D’ailleurs la Chine a signé la déclaration finale du sommet pour « une intelligence artificielle durable et inclusive ». Mais son nouvel outil DeepSeek est bridé : aucune critique n’est permise à l’égard du pouvoir chinois. Comme on peut redouter, dans un registre différent, que l’IA européenne ne s’autocensure au travers de biais wokes.
Certes, les jeux sont encore ouverts. L’irruption de l’IA chinoise DeepSeek l’a démontré. Les Chinois ont inventé un modèle de communisme capitaliste avec un contrôle politique implacable et une économie qui permet l’enrichissement individuel. Un tel système ne fonctionnera pas éternellement car il bride la liberté de pensée qui est indissociable, dans la durée, du développement humain. Mais il est plus performant que le système européen dont le conformisme éteint la liberté et dont la technocratie étouffe l’économie de taxes et de normes.
Tant que l’Europe n’aura pas compris qu’elle doit laisser faire ses entrepreneurs et réduire son périmètre d’intervention, elle poursuivra son lent déclin au profit des Etats-Unis qui ont engagé un combat déterminé contre l’emprise réglementaire et technocratique de leur gouvernement fédéral, qui n’est pourtant que le pâle reflet de celle des institutions européennes sur l’Europe.
13 commentaires
Cet article met le doigt sur un fossé culturel profond que j’ai constaté dans ma vie, maintenant passée, de chef d’entreprise. La quasi totalité de mes interlocuteurs personnels professionnels ne savent pas comment se crée leur niveau de vie. Les rares exceptions sont des entrepreneurs individuels.
60.000 personnes travailles pour les institution européennes,la ville de Paris 55.000 agents en 2021,Bercy c’est prés de 130.000 agents au ministère de l’économie et des finances pour aboutir à plus de 3000 milliards de dette.
La Commission ne tient que par les Réglementations qu’elle édicte, comme tout Pouvoir Technocratique. Elle ne peut pas se dégraisser, sous peine de réduire ses justifications, en laissant plus de pouvoir, individuel ou national.
C’est pourquoi elle est par essence anti-démocratique : les demos sont dangereux pour son Pouvoir.
Alain Guédon
PS : sais-tu quand aura lieu la prochaine université d’été ?
Le nombre d’euro-fonctionnaires ne fait rien à l’affaire : c’est le nombre de réglementations et de directives qui est problématique, et surtout les décisions des organes juridiques, les différentes Cours, qui pose problème.
Simplifier après avoir bureaucratisé ? Ne comptez pas pour changer les choses sur ceux qui les ont décidé. Einstein
Je ne crois pas un seul instant que UVDL et ses équipes sont compétentes pour simplifier la vie des européens. Leur seul but est de pérenniser leurs fonctions et les émoluments associés. Quand je regarde ce qui s’est passé pour établir une réglementation de l’AI en Europe je suis sûr qu’une grande partie de nos experts vont émigrer ailleurs pour développer leurs talents. L’Europe s’autodétruit depuis des années. Charles de Gaulle avait prédit ce phénomène.
Bravo, tout est dit. Le seul problème est que, comme Agnes Molinier, vous prêchiez dans le désert. Mais je sens comme unfremissement. Trump et ses violents coups de pieds dans la fourmilière woke, commence a faire des émules. même chez nous, paradis des taxes et des réglementations inutiles.
Merci pour cet article
Comptez sur les Pouvoirs pour qu’ils évoluent dans le sens d’une réduction de leur champ d’influence !
Mon Dieu, que de bonnes intentions..!!(dont l’enfer, fiscal ou religieux, est pavé). Mais qu’est-ce qui motive un tel virement de bord, aussi soudain et apparement volontaire ? L’UE aurait-elle senti le vent tourner ? Ou serait-elle brusquement devenue attentive aux besoins des citoyens contribuables, si longtemps ignorés ?
Aujourd’hui, c’est l’intention du pas en avant. On attend de voir l’ampleur du pas. Et on risque plutôt de voir deux pas en arrière.
La Commission ne tient que par les Réglementations qu’elle édicte, comme tout Pouvoir Technocratique. Elle ne peut pas se dégraisser, sous peine de réduire ses justifications, en laissant plus de pouvoir, individuel ou national.
C’est pourquoi elle est par essence anti-démocratique : les demos sont dangereux pour son Pouvoir.
Alain Guédon
PS : sais-tu quand aura lieu la prochaine université d’été ?
Je suis d’accord, une machine bureaucratique qui se réduit d’elle-même, cela n’existe pas et il faudra pousser pour qu’un certain bon sens revienne. Cependant, il faudrait être tout à fait idiot pour croire que les États-Unis ont une quelconque intention de collaborer avec l’Europe; encore moins depuis que Trump a pris le pouvoir là -bas.
Entre le libertarisme américain et une structure hyper complexe, L’Europe devra trouver une voie mitoyenne qui sacrifie une partie de l’efficacité à une meilleure équité mais tout en restant compétitive… Un défi énorme.
Cher Jean-Philippe Delsol,
Vos craintes sot hélas totalement fondées . Comment voulez vous que ces êtres supérieurs qui nous dirigent , pour notre bien être, ne s’enorgueillissent pas de leurs nouvelles pensées constructives. Et pourquoi ne seraient-ils pas capables de décider pour une entreprise eux qui n’en ont jamais dirigé voire même créée.
Je vous propose une petite récréation . Proposez à vos étudiants de réfléchir au sujet suivant:
“Pourquoi les entreprise dirigées par un haut fonctionnaire périclitent pendant que celles dirigées par des entrepreneurs privés réussissent?” ( exemple: Bruno le Maire n’a-t-il pas envisagé de remettre en cause le contrat de concession des autoroutes qui rapportent désormais tant ?
Messieurs vous avez quatre heures !
La France a tout ce qu’il faut pour se passer de l’Europe : La bombe, l’industrie de défense, l’énergie, un reste d’intelligence, prêt à partir aux USA, qu’il faut libérer en virant la gauche, etc.
Alors: FREXIT!
Il y aura quelques années difficiles, mais c’est l’amputation ou la gangrène …