Aix-en-Provence, capitale de la pensée libérale. L’actualité libérale cette semaine était celle d’un séminaire IREF qui s’y est tenu ce 24 mai, dans les locaux de la faculté de droit. C’est Pierre Garello, professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille et membre du comité scientifique de l’IREF, qui l’avait organisé, et c’est le professeur Enrico Colombatto, professeur d’économie à l’Université de Turin et président du même comité, qui avait choisi les intervenants, chacun d’entre eux étant libre de son sujet à l’intérieur d’un thème général : comment les nouvelles techniques d’information et d’analyse peuvent-elles modifier la théorie des décisions politiques (on traduit parfois et maladroitement « choix publics » ce qui se nomme en anglais « public choice »).
Beaucoup de scientifiques, d’écrivains et journalistes sont en effet persuadés que l’intelligence artificielle, le numérique, les réseaux sociaux, la génétique, etc. vont modifier les relations entre gouvernants et gouvernés, influencer les politiques, orienter les campagnes électorales. Qui étaient les intervenants ? De jeunes chercheurs en économie, droit, science politique et philosophie venus de diverses universités européennes et sélectionnés par l’IREF pour la qualité de leurs rapports préliminaires. Deux présentations nous ramenaient à l’actualité libérale. La première, de Burak Erkut (Istanbul) s’interrogeait sur la façon dont les « Big Data » (données globales) pouvaient être utilisées par les gouvernements pour imposer leurs politiques. Les administrations sont désormais riches en informations de toutes sortes, et il est maintenant possible d’en croiser un grand nombre et de découvrir des corrélations. Cette masse de chiffres globaux peut permettre de mieux cerner les citoyens et de mieux les manipuler. Ce danger a été souligné par le Pr.Victoria Curzon Price (Université de Genève), et il est à l’opposé de la démarche scientifique de l’économiste qui, à la différence du sociologue, ne s’intéresse qu’aux personnes, à leurs libres décisions : ce que les Big Data ne peuvent saisir (Pr.Garello).
La seconde présentation, peut-être encore plus proche des déviances de la politique française, traitait de l’ambivalence du concept de coopération. C’était Momtchil Karpouzanov, de l’Université américaine en Bulgarie (et ancien étudiant à Aix) qui analysait ce concept. Dans un Etat-providence, comme celui dont jouissent les Bulgares, des coopérations s’organisent entre groupes et personnes pour tirer un avantage, une subvention ou un privilège au détriment des autres, qui se trouvent ainsi spoliés. Mais à leur tour les spoliés cherchent à spolier d’autres groupes et personnes. C’est ce que l’auteur appelle « la spoliation réciproque ». Finalement le maître du jeu n’est autre que l’Etat, qui va se présenter en arbitre et sera en réalité en plein milieu du jeu de spoliation, puisque c’est lui qui détient les moyens de satisfaire les appétits. Ce mal n’est peut-être pas bulgare, puisque le jeu est identique en France, et c’est bien l’Etat-providence qui a réussi à dresser les citoyens des Etats Unis les uns contre les autres. Dans la discussion qui a suivi on n’a pas manqué d’évoquer Tocqueville (les Français sont des malades de la jalousie, et l’Etat « nationalise » les envies individuelles, transformées en « droits sociaux ») ainsi que Bastiat (« L’Etat n’est que cette grande fiction sociale qui permet à chacun de croire qu’il vit aux dépens des autres »).
Pourquoi ce séminaire a-t-il particulièrement attiré notre attention ? D’abord parce l’IREF et son président Jean Philippe Delsol sont en relations constantes avec l’ALEPS dont plusieurs administrateurs étaient présents et actifs. Ensuite parce que la tradition sera renouée, en 2019, d’installer le campement libéral à Aix-en-Provence, avec sans doute, comme naguère, un campement majeur qui sera l’université d’été en août, … Tous les ingrédients qui ont fait le succès des universités d’été à Aix étaient déjà réunis : nombreux étrangers, beaucoup de jeunes professeurs et étudiants, et quelques grands libéraux européens dont le message sera dans les mois prochains le seul à nous faire espérer autre chose que le déclin et à nous montrer la voie de la liberté, de la propriété et de la dignité de l’être humain. Nous reparlerons sans doute de l’université et d’Aix-en-Provence dans notre très prochaine Lettre. Aix va doper les énergies libérales.
Jacques Garello