La France souffre d’obsession égalitaire. Elle veut gommer les genres autant que les qualités de chacun. Elle s’offusque de la richesse plus que de la pauvreté et l’Etat désormais ne se contente plus d’imposer un salaire minimum mais souhaite aussi abaisser, par l’impôt à 75% ou par son droit de vote dans les assemblées générales, les rémunérations les plus élevées. Les listes électorales doivent s’y plier autant que la nature humaine. L’Etat en a décidé ainsi.
Et c’est précisément ce qui est dangereux, car l’égalité ne se décrète pas. Pire, en l’instituant comme règle, la société secrète de l’inégalité de contrebande, celle des privilégiés du système, elle fige les situations au détriment de ceux qui ont de meilleures capacités, elle ouvre la voie à de nouveaux totalitarismes dans l’abandon forcé par chacun de sa personnalité aux soins de l’Etat.
Les Français sont plus que d’autres peuples atteints par cette maladie égalitaire. Peut-être à cause des mânes récurrentes de Rousseau rêvant à un état angélique de nature où l’homme serait l’égal de l’homme comme, dans son imaginaire, le seraient entre eux les animaux. Probablement plus encore du fait d’une longue tradition de castes régulées par le pouvoir central et de corporations fermées, que la République a empruntée à la monarchie en conservant le monopole des diplômes, le contrôle de l’accès à de nombreuses professions,- des médecins aux notaires en passant par les taxis-, la folie des normes et le pouvoir insidieux de se mêler de tout et de n’importe quoi.
Et pourtant nous ne sommes pas égaux. Par nature, nous sommes tous unis par notre condition d’homme, mais tous différents dans la capacité de chacun à faire, à comprendre, à agir…, comme nous le sommes dans notre condition physique ou physiologique. Cette inégalité naturelle est constitutive de l’homme, elle est ce qui fait que nous ne sommes pas un peuple de robots. Elle est le fruit de la liberté de l’homme sans laquelle il ne serait pas Homme, de cette liberté qui conduit précisément chacun à marquer sa différence dans le respect de sa nature d’Homme. Tout à la fois, notre égale condition humaine nous oblige à une solidarité au profit de ceux qui sont réellement incapables et notre liberté nous laisse responsables de nous-mêmes. C’est ce couple liberté/responsabilité qui nous incite à nous dépasser et qui est contributeur de progrès social en même temps qu’il est marqueur de nouvelles différences.
Pour progresser toute entière, la France a moins besoin d’être plus encore nivelée, généralement par le bas tant c’est plus facile, que de s’ouvrir vers le haut. Il ne s’agit pas d’offrir à tous un ascenseur social car on ne s’élève pas socialement en appuyant sur un bouton, mais d’aider chacun, s’il veut, à gravir les marches de l’escalier social. Il faut une société ouverte pour que la richesse des plus riches puisse irriguer la société, il faut une société dans laquelle chacun soit libre de travailler, de faire valoir ses qualités, ses ambitions, dans laquelle l’échelle sociale soit accessible, voire que tous puissent aussi bien y circuler de bas en haut que l’inverse selon leur mérite.
Luis de Molina, un jésuite du XVIème siècle, le disait déjà en bouleversant les ordres établis : « Toutes les parties de la république (i.e. toutes les classes de la société) ont le droit de s’élever à un état supérieur, si la chance de chacun en dispose ainsi, et aucun rang social n’est du à personne, dès lors qu’il peut descendre et s’élever ». La France doit larguer ses rigidités plutôt que de régenter l’égalité.
Une version de cet article a été publiée sur FIGAROVOX (27 mars)
1 commenter
Egalité???
Oui, Rousseau souhaitait une égalité, mais en Droits, car nous sommes différents dès la naissance… Voltaire reconnaissait qu'il ne fallait "qu'une plume pour 300 paires de mains…" Aujourd'hui nous savons que l'égalité ne peut exister. C'était le vœu pieux des révolutionnaires rongés par le pouvoir de posséder… Relire Condorcet, cet ouvrage édifiant des conditions humaines et les conseils qu'il donna à sa fille avant de s'empoisonner..