Yann Le Galès, rédacteur en chef-adjoint du Figaro Economie , consacre sa Chronique aux chiffres et à l’analyse de Jean-Philippe Delsol sur les départs des Français à l’étranger pour des raisons fiscales. Vous pouvez lire cette Chronique en ligne sur le site du Figaro ou en cliquant sur Lire la suite.
Jean-Philippe Delsol, avocat fiscaliste, administrateur de l’IREF, a participé le 6 décembre au colloqué organisé par Génération Entreprise sur le thème » Fuite des entreprises, des cerveaux, des capitaux, quel avenir pour la France ». Je publie son intervention.
« Le nombre d’entrepreneurs, qui partent ou songent à partir à l’étranger, n’a jamais été aussi élevé depuis la révocation de l’Edit de Nantes. Il n’existe pas de statistiques claires et précises pour connaître le nombre d’entrepreneurs qui partent. Depuis plusieurs années, les chiffres étaient constants : entre 800 et 1000 entrepreneurs par an quittaient notre territoire. Au travers des études empiriques dans les cabinets d’avocat et au travers des informations de l’IREF, en 2012, on estime à 5 le coefficient multiplicateur, soit environ 5000 entrepreneurs.
Le profil est différent cette année. Jusqu’à présent, c’étaient les entrepreneurs qui vendaient leur entreprise et qui partaient. Désormais, ce sont les jeunes qui partent. Pas ceux qui ont réussi mais qui ont confiance en eux et qui ne veulent pas réussir en France. Des stagiaires, des dizaines de milliers de jeunes partent à l’étranger et ne reviennent pas.
Ce n’est plus forcément vers la même destination. On part, pour entreprendre, en Angleterre, en Asie, aux Etats-Unis, au Brésil et plus forcément en Belgique ou en Suisse.
Les motivations sont différentes : ce n’est plus simplement l’argent ou les impôts qui poussent à s’exiler. Les personnes partent pour ne pas se faire piller les fruits de leur travail, de leur risque et de leur créativité. Les entreprises elles-mêmes accompagnent le départ de leurs principaux cadres. Elles établissent leur valeur ajouté et leur direction à l’étranger sinon elles perdent leurs cadres.
Selon la dernière étude PWC, la France est au 169ème rang sur 185 en termes d’attractivité fiscale des entreprises. Elle est la championne du taux d’imposition sur les revenus supérieurs. Les entrepreneurs ne veulent plus que les médias et une partie de l’opinion publique les rejette, les haïssent ou être soupçonnés par l’administration. De plus en plus, ces gens là ne considèrent plus la France comme un Etat de droit parce que :
– les lois sont instables : elles sont abolies avant même d’être mises en oeuvre.
– les lois sont incertaines et incompréhensibles, votées dans la précipitation. Seuls les spécialistes de la fiscalité peuvent les comprendre.
– les lois sont injustes : on ne taxe pas les plus-values mais le produit même de la vente.
– les lois sont paralysantes : elles sont de plus en plus votées pour traquer la matière fiscale ce qui effraie les investisseurs, empêchent les sociétés de bouger, de se restructurer.
– les lois sont inefficaces : au-delà d’un certain seuil, l’impôt tue et beaucoup de ceux qui aiment la France partent tout de même.