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Fermetures de Renault Sandouville et Amazon :

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La France souffre plus que les autres pays de la baisse son activité et doit en accélérer la reprise. Cela ne se fait pas sans difficulté, dans certains secteurs le confinement est toujours actif, dans d’autres les chefs d’entreprise hésitent, dans d’autres encore les syndicats, et particulièrement la CGT, obtiennent de la justice la fermeture d’activités industrielles ou commerciales. C’est le cas pour l’usine de Sandouville de Renault, après les entrepôts d’Amazon.
Pour parvenir à un tel résultat, il faut la conjonction d’un syndicat cherchant à démolir l’économie de notre pays, de dispositions législatives à mettre en œuvre, et de tribunaux complaisants. En France, nous avons hélas le triptyque. Bien sûr, haro sur la CGT, qui se livre impudemment à la récupération politicienne de la crainte des salariés pour leur santé. Espère-t-elle gagner des voix aux prochaines élections, elle qui est syndicat minoritaire à Sandouville ? Il y a aussi Sud chez Amazone…
La CGT est une cible trop facile, déjà atteinte dix mille fois mais éternellement réminiscente de la Charte d’Amiens. Le seul syndicat dinosaure d’Europe…Plus intéressant, se demander comment des revendications comme celles de la CGT peuvent prospérer. C’est que, quelque part, elles rencontrent malgré tout un certain consensus. Une idéologie nationale, n’ayons pas peur des mots, qui veut d’abord que les salariés soient éternellement des victimes expiatoires du capitalisme, et que leur protection nécessite d’enserrer l’activité des entreprises dans une règlementation sans cesse plus abondanteet pointilleuse, sévèrement sanctionnée. Cette idéologie s’étend par ailleurs chez les magistrats de l’ordre judiciaire, en première instance, appel et cassation, fonctionnaires formés dans une école très marquée par la même croyance. Nous en avons ici des exemples patents de ces deux phénomènes.

Une législation énorme et tatillonne dont le respect peut toujours être contesté.

La quatrième partie du Code du travail traite de la sécurité et de la santé. A elle seule, elle couvre les articles L 4.111 à 4.831 et les articles R 4.111 à 4.822. Il faut y ajouter les accords de branche et d’entreprise. Tous règlementent, quelquefois dans l’énoncé de principes généraux, d’autres fois dans l’extrême détail, les devoirs de l’employeur dans ces domaines, et la plus grande partie est sanctionnée par des amendes et/ou l’emprisonnement. Cette règlementation a légalement vocation à s’appliquer à la Covid 19, avec les difficultés que l’on peut imaginer s’agissant de cette affection si particulière. Il peut être aussi difficile pour l’employeur de respecter un détail, éventuellement de pure forme, que de se voir reprocher de façon subjective et vague l’insuffisance d’une précaution, insuffisance appréciée de façon subjective par les tribunaux comme par les inspecteurs du travail. L’employeur ne pourra jamais se préconstituer la preuve de son respect de la règlementation.

Des tribunaux exigeants et répressifs jusqu’à l’absurde.

Exemples pris dans la décision Renault Sandouville du 7 mai dernier, qui a condamné la société à cesser la production : L’ordre du jour du CSE devant être communiqué 8 jours à l’avance, le tribunal relève qu’elle a bien été envoyée dans les délais, mais que l’inspecteur du travail ayant demandé un ajout, la rectification n’a pu être faite que 7 jours avant la réunion. La convocation est réputée nulle, ce qui entraîne la nullité de la réunion ; ou : certains membres du CSE ayant prétendu ne pas avoir averti qu’une adresse mail professionnelle leur était réservée, ou ne pas avoir pu y accéder, la convocation qui leur était adressée était irrégulière et sans effet ; ou : si l’évaluation des risques psychosociaux du virus a bien été faite, elle ne figure pas dans le document unique (DUER) et est donc « insuffisante » ( ?) ; ou encore : la formation des salariés à la sécurité a bien été effectuée par la remise d’un « kit de formation » comprenant « un guide sur « comment de laver les mains », « comment mettre un masque », toutefois la société ne prouve pas qu’une « formation pratique…appropriée à chaque poste …ait été dispensée à chaque salarié ».
On comprend donc que faute d’avoir appris à chacun de ses 19.000 salariés à se laver les mains, la formation doit être reprise à la base. Indépendamment de cette absurdité, il faut préciser que l’article L 4143-1 du code du Travail invoqué ne concerne nullement l’exigence d’une formation pratique, qui est donc pure invention du tribunal…
On reste d’autant plus surpris devant une telle décision, que l’ensemble des autres syndicats du site a bruyamment manifesté sa désapprobation devant l’action engagée par la seule CGT, en lui reprochant d’avoir pratiqué la politique de la chaise vide à toutes les réunions convoquées par la direction. Cette parfaite mauvaise foi de la CGT n’a apparemment pas ému le tribunal.

Des condamnations injustifiées.

Le plus difficile à admettre dans cette décision, comme d’ailleurs dans celle concernant Amazon, ce sont d’une part la sanction prononcée et d’autre part les condamnations « à faire » imposées sous astreinte.
Les tribunaux dans ces deux affaires n’ont aucune hésitation à se déclarer compétents au titre de l’existence d’un « trouble manifestement illicite ». Il n’y a pourtant absolument rien de manifeste dans ces affaires, et les exemples que l’on a donnés montrent surtout des irrégularités de forme que l’on ne peut honnêtement pas qualifier ainsi. Surtout, ordonner la cessation d’activité est une sanction qui ne s’impose absolument pas. Les tribunaux auraient parfaitement pu demander aux sociétés de réparer les quelques irrégularités constatées, qui ne créent pas un danger sur le fond de la protection contre le virus. Dans une affaire similaire concernant le magasin Carrefour Lomme, le tribunal de Lille a refusé d’interdire de vendre des biens « non essentiels », comme l’ont fait le tribunal de Nanterre et la Cour d’appel de Versailles qui l’a suivi. Le tribunal de Lille s’est appuyé à juste titre sur le fait que la loi ne distinguait pas entre biens essentiels et non essentiels, et par ailleurs cette distinction n’a rien à voir avec le problème de protection des salariés.
Enfin, les tribunaux ont prononcé sous astreinte des condamnations à faire qui restent dans le vague et sont insusceptibles d’exécution. Ainsi en est-il de la condamnation de Renault à mettre en œuvre des méthodes « garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs conformément à la réglementation générale », sans préciser de quoi il s’agit. Concernant Amazon, le tribunal de Nanterre a pareillement condamné la société sous astreinte à « prendre des mesures complémentaires de nature à prévenir ou limiter les risques… » Quelles mesures, à partir de quand saura-t-on que l’on a satisfait aux injonctions du tribunal ?
Au maximum, les tribunaux auraient pu ordonner une mesure préliminaire d’instruction afin de déterminer en quoi les actions des employeurs ont été insuffisantes, au lieu de procéder à une interdiction brutale comme si l’insuffisance était démontrée, sans expliciter la nature des actions à conduire. Renault a fait appel, mais l’affaire n’a pas encore été jugée. A voir.
La CGT voit quand même son influence fondre. Il est permis de penser que des actions comme celle qu’elle mène à Sandouville ne contribueront pas à son regain de popularité. Les syndicats ne sont peut-être pas l’ennemi le plus redoutable. En effet, si la simplification du code du Travail, elle, a eu son heure de popularité, l’idée a hélas fait un flop. Jamais le code n’a été aussi énorme et complexe. Il faut revenir à la charge. Quant à la magistrature judiciaire, comment faire pour changer son état d’esprit ? Se débarrasser de l’ENM ?
Dernière minute : Sandouville redémarre jeudi 21 au soir. Commentaire du délégué FO : « le protocole sanitaire n’a pas bougé d’un iota ». La CGT n’était pas là pour commenter… Quel camouflet pour elle, mais surtout pour la justice, du moins pour le tribunal du Havre, qui avait fondé son ordonnance sur la prétendue « insuffisance » de la protection des salariés !
Bertrand Nouel, avocat honoraire.

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