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Le don plutôt que l’impôt

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A l’initiative de Bill Gates et Warren Buffett, quarante millionnaires vont verser la moitié de leur fortune à des organisations caritatives. Belle résurgence du don et de la solidarité spontanée dans une société qui pratique surtout la solidarité forcée et l’impôt. Maître Jean Philippe Delsol s’en réjouit, mais évoque aussi les limites de l’économie de don.

Dans la Grèce antique, le coût des liturgies, qui représentait une part importante des dépenses publiques, était supporté volontairement, à tour de rôle, par les citoyens les plus riches : les liturges. Une sorte d’impôt volontaire en quelque sorte, au travers duquel chacun cherchait la reconnaissance sociale et s’acquittait de son devoir politique.

Cet été, quarante milliardaires américains ont joué à leur façon les nouveaux liturges. Ils se sont engagés à verser la moitié de leur fortune à des organisations caritatives. Ils ont répondu ainsi à une initiative de Bill Gates et Warren Buffett.

Pour Bill Gates, c’était sans doute d’autant plus facile de faire cette proposition qu’il n’a pas d’enfants. Pour Warren Buffett, c’est une question de mentalité. Il a déclaré qu’il aimait beaucoup ses trois enfants, mais qu’il n’avait pas envie de les pourrir avec son argent.

Il considère qu’il est juste de permettre à ses enfants de faire de bonnes études et de se préparer à travailler, mais pas de leur laisser à son décès suffisamment d’argent pour pouvoir ne rien faire. « J’entends, dit-il, les enfants des riches ou les riches eux-mêmes parler de l’effet débilitant des bons alimentaires sur les mères qui reçoivent de l’aide sociale. Ils disent que c’est terrible : vous leur donnez tous ces bons alimentaires et ensuite ils restent inactifs, et donc le cycle recommence. Mais bien sûr, quand un bébé naît dans une famille très riche dès qu’il a quitté l’utérus il est assuré de recevoir ces bons alimentaires à vie. Et ils ont même un responsable pour gérer cette aide sociale, seulement ça s’appelle le manager d’un trust et les bons alimentaires sont des petites actions et des obligations. Et personne ne semble noter les effets débilitants de cette forme particulière de bons alimentaires garantis à vie. Je pense, en général, que, si je veux devenir un sprinter, je serai un meilleur sprinter dans la vie si j’accepte de courir contre n’importe qui en quittant les starting-blocks sur la même ligne que si je dis je suis le fils de Jesse Owens et je démarre, moi, à la ligne des 50 mètres».

Ces milliardaires font un choix qui est plein de vertus et que tous ne peuvent pas faire, car pour la plupart des gens, leur pécule amassé au fil des ans a justement pour finalité d’aider leurs enfants. Mais dès lors qu’ils peuvent faire ce choix, les milliardaires qui le font sont éminemment respectables. D’un point de vue éducatif, leur décision a un sens profond.

Mais nos milliardaires n’auraient-ils pas pu, de façon plus efficace (plus ardue aussi) apprendre simplement à leurs enfants à bien utiliser leur argent, sans pour autant cesser de travailler ? Avec cet argent, les enfants pourraient créer des entreprises génératrices d’emplois et d’innovation dans l’intérêt commun. Peut-être cette démarche eût-elle été plus utile à long terme que le don charitable destiné à satisfaire les besoins immédiats des plus démunis. Car l’argent n’est pas mauvais en soi, seul l’usage qu’on peut en faire peut être néfaste. L’argent confié aux associations sans but lucratif est aussi « l’argent des autres », et il est souvent abandonné entre des mains généreuses mais irresponsables et crédules, livré à des gens sans expertise de gestion. Par contraste l’argent investi dans les affaires subit la sanction du marché, et c’est bien ce qu’a enseigné la réussite de ces milliardaires prodigues.

Jean Jacques Rousseau souhaitait aussi que la richesse sorte des patrimoines familiaux pour aller vers le partage social. C’est ce qu’il rappelle dans son Discours sur l’économie politique que : « Le principal objet des travaux de toute la maison [l’économie domestique], est de conserver et d’accroître le patrimoine du père, afin qu’il puisse un jour le partager entre ses enfants sans les appauvrir; au lieu que la richesse du fisc n’est qu’un moyen, souvent fort mal entendu, pour maintenir les particuliers dans la paix et dans l’abondance. En un mot la petite famille est destinée à s’éteindre, et à se résoudre un jour en plusieurs autres familles semblables; mais la grande étant faite pour durer toujours dans le même état, il faut que la première s’augmente pour se multiplier: et non seulement il suffit que l’autre se conserve, mais on peut prouver aisément que toute augmentation lui est plus préjudiciable qu’utile ».

Ainsi la libre et méritoire décision de nos milliardaires ne doit en aucun cas faire accroire que la succession est mauvaise en soi ou plus simplement qu’elle doit être surtaxée pour revenir à l’Etat au travers de taux d’imposition exorbitants. Car ce n’est pas à l’Etat de déterminer le sort de l’argent des riches, mais aux riches eux-mêmes : c’est finalement la belle leçon de ces quarante milliardaires.

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Anonyme 5 septembre 2010 - 7:22

Etre milliardaire : hasard ou necessité ?
Devenir milliardaire suppose certainement des compétences particulières mais aussi du hasard (Loi de Pareto 20/80) ou du principe de Lavoisier (En amassant de l’argent, « Rien ne se crée, tout se transforme »: ou la transformation de faillites en fortune).

J’ignorais les liturges mais je vous rejoins car  » On (l’Etat) n’enrichit pas les pauvres en appauvrissant les riches ». Chacun reste libre d’amasser avant de donner (ou non) ou de partager avant d’amasser. La seconde moitié conservée par les milliardaires permettra encore à leur descendance une sécurité financière certaine. J’ai quand même un doute lorsque l’on fait aujourd’hui des corrélations entre les attitudes et les refexions passées (des romains et des philosophes) qui vivaient sans nos règles financières constitutionnelles internationales et mondiales. Auraient-ils eu les mêmes attitudes ou les mêmes pensées avec la « mondialisation » de notre époque ?

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