Lors de sa niche parlementaire du 31 octobre prochain, le RN proposera l’abrogation de la réforme des retraites. Si la gauche y joint ses voix, la réforme sera abolie après la navette parlementaire. Cette réforme ne fait que reporter des échéances et permet peu d’économies, mais elle a le mérite de porter progressivement l’âge de départ en retraite de 62 à 64 ans et le nombre d’années de cotisation requises à 43 dès 2027. L’abroger serait une folie égale à celle de Mitterrand de ramener en 1983 la retraite de 65 à 60 ans quand l’espérance de vie à 60 ans était en moyenne de 20,8 ans alors qu’elle est aujourd’hui de 25,8 ans.
Mais plutôt que d’abroger cette réforme, il faut en faire une autre. Car le système français de retraite par répartition, dans le cadre duquel les cotisations des actifs payent chaque année les pensions des retraités, est en train de s’écrouler pendant qu’on pinaille sur ses modalités. Il est bâti sur des promesses désormais illusoires eu égard à la baisse de la démographie et à l’augmentation de l’espérance de vie. Le rapport entre le nombre de personnes en emploi qui cotisent au système des retraites et le nombre de retraités était en France de 4,3 en 1965, il est de 1,7 aujourd’hui et serait de 1,2 en 2070. Nous savons déjà qu’en l’état, les jeunes qui cotisent aujourd’hui pour payer la retraite de leurs aînés risquent de ne plus avoir grand monde pour cotiser pour eux quand ils atteindront l’âge de la retraite.
Les cotisations sont très élevées en France, près de 28% du salaire brut (contre 18,2% en moyenne dans l’OCDE en 2022), pour des prestations qui sont proches de la moyenne OCDE. Et pourtant, en 2023, pour financer les dépenses de retraite (386,3 Md€) les cotisations ne représentent que 66% des ressources  (256,8 Md€), soit un manque de 130 Md€ apportés par les contribuables sous diverses formes. On est bien au-delà du déficit avoué par le COR de 4Md€.
Tous les deux ans, l’OCDE publie une simulation des retraites qu’obtiendront 40 à 45 ans (ou plus parfois) plus tard les jeunes qui entrent dans la vie professionnelle à 22 ans. Son modèle prend en compte les dispositifs de retraite en vigueur dans chaque pays et les prévisions démographiques à venir. Les résultats sont catastrophiques pour la France dans son rapport de 2023 alors que les régimes par capitalisation résistent sur cette période. Ils indiquent que les taux de remplacement bruts seraient à terme pour les retraités commençant à travailler en 2022 respectivement de 74,7 % de leur revenu actif annuel moyen au long de leur vie aux Pays-Bas, 73,1 % au Danemark et 58,4% en France.
Les systèmes par capitalisation danois et néerlandais permettent d’offrir aux retraités des pensions de plus de 30% supérieures à celle des Français (en taux de remplacement brut) alors que l’effort financier demandé aux cotisants et aux contribuables français est 30% supérieur à celui demandé aux leurs par les Pays-Bas et le Danemark.
Il est temps d’être lucide et de passer progressivement d’un régime de répartition à un régime de capitalisation qui gère les cotisations des actifs comme un capital qui prospère et le leur restitue quand ils prennent leur retraite sous forme de pension. D’ailleurs, les Sénateurs français l’ont bien compris en créant pour eux une caisse de retraite par capitalisation, tout le régime complémentaire de retraite (ERAFP) des fonctionnaires français, celui de la retraite Préfon proposée aux fonctionnaires et aux élus ou encore celui de la Banque de France dont les syndicats (SNABF Solidaires, CGT, FO, CFE-CGC) avaient appelé à la grève contre la réforme des retraites en janvier 2020 pour préserver leur régime par capitalisation.  Ne serait-il pas souhaitable d’en faire profiter à l’avenir tous les Français ?
Un salarié dont la rémunération (en euros constants) augmenterait linéairement de 40% sur sa carrière de 44 ans et qui cotiserait 15% de sa rémunération brute dans un fonds de pension générant un rendement raisonnable du capital de 3,5% par an (après inflation et frais de gestion), obtiendrait à 65 ans une pension de retraite par capitalisation égale à 86,5% de son dernier salaire et 101% de son salaire moyen sur toute sa carrière. S’il ne cotisait que 42 ans, il pourrait partir à 65 ans avec une pension égale à 79,14% de son dernier salaire brut et 92,3% du salaire moyen de sa carrière. Alors que l’OCDE prévoit que le salarié français n’aura qu’une retraite égale à 58,4% du salaire moyen sur toute la carrière s’il reste dans le régime par répartition.
Bien sûr, la transition vers la capitalisation sera nécessairement progressive et ne pourra se faire que sur une période longue, car il faudra assurer le versement des retraites par répartition à ceux qui ont payé des cotisations à cet effet tout en permettant aux nouveaux cotisants d’affecter leurs cotisations à un régime de capitalisation. La transition sera possible parce que la capitalisation offre des rendements très supérieurs. Chaque année les actifs français pourraient continuer à payer les cotisations actuelles de 28% du salaire brut, mais ils en affecteraient 15/28èmes à la constitution de leur retraite par capitalisation et 13/28èmes à un fonds destiné à payer les anciennes retraites par répartition pendant la transition.
Les cotisants devraient pouvoir choisir le fonds de pension gestionnaire de leur retraite et pourraient en changer. Ils pourraient cotiser des montants supérieurs et déductibles de leurs revenus. Ils seraient libres de prendre leur retraite quand ils voudraient au-delà d’un certain âge (60 ans ?) et après une durée minimale de cotisation (40, 42 ans ?). Ils reprendraient ainsi la maîtrise de leur retraite. Bien entendu, les fonds de pension gestionnaires devraient satisfaire à divers critères de sécurité.
Les futurs retraités auraient de meilleurs revenus qu’aujourd’hui. Au surplus les fonds de pension disposeraient d’une épargne importante susceptible d’être, pour une large partie, investie dans l’économie nationale de façon à en financer le développement. Nous serions tous gagnants.
Lire l’article sur le site de Le Point