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Hong Kong : la fin d’un État indépendant ?

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Le 28 septembre dernier était le dixième anniversaire de la « Révolution des parapluies », un mouvement de protestations contre le projet du Parti communiste chinois (PCC) qui voulait limiter la portée du suffrage universel à Hong Kong. Autrefois considéré comme un bastion de liberté dans une région dominée par la Chine communiste, Hong Kong est aujourd’hui en passe de perdre son identité. Depuis la rétrocession de ce territoire à la Chine en 1997, la ville est censée être régie par le principe « un pays, deux systèmes » qui lui garantit une autonomie relative, sur le plan tant économique que politique, tout en faisant partie intégrante de la République populaire de Chine. Mais ces dernières années, sous l’influence grandissante de Pékin, les libertés qui faisaient de Hong Kong une exception politique et culturelle se sont progressivement érodées.

L’État communiste chinois n’aime pas la concurrence

La Chine communiste n’a jamais toléré la concurrence, qu’elle soit économique, politique ou idéologique, et Hong Kong présentait une menace à ces trois niveaux. En tant que centre financier international, le territoire se différenciait radicalement du modèle autoritaire du PCC. Son succès risquait d’inciter d’autres régions de Chine à revendiquer plus d’autonomie ou à aspirer à des réformes démocratiques. Pékin a pu mesurer, à plusieurs reprises, le danger que représentait cette enclave de liberté. En 2014, ce fut la « Révolution des parapluies ». En 2019, de nouvelles manifestations de grande ampleur éclatèrent, avec pour point de départ le rejet d’un projet de loi autorisant les extraditions de délinquants et criminels vers la Chine continentale. Les Hongkongais regardent d’un mauvais œil les tentatives d’ingérence de la dictature chinoise. Même si une majorité d’entre eux se disent émotionnellement attachés à la Chine d’une façon ou d’une autre, ils sont 48 % à considérer l’influence et le pouvoir de Pékin comme une menace majeure pour Hong Kong.

La loi relative à la sécurité nationale : un héritage de l’ère coloniale

En 2020, le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire chinoise a promulgué la loi relative à la sécurité nationale, qui criminalise toute forme de dissidence politique au motif de « subversion », de « sécession », de « terrorisme » ou de « collusion avec des forces étrangères ». Héritage de l’ère coloniale, cette loi ne respecte pas l’article 23 de la Constitution de Hong Kong, appelée aussi Loi fondamentale. En effet, seule la Région administrative de Hong Kong est en droit d’adopter des lois relatives à la sécurité nationale (en l’occurrence, c’est le Conseil législatif de Hong Kong qui aurait dû la promulguer). Sur le fond, le texte est intentionnellement vague et laissé à la libre interprétation des autorités, qui peuvent condamner quiconque critique le gouvernement à de lourdes peines de prison.

Deux mois après la promulgation de la loi, Jimmy Lai, le fondateur du journal pro-démocratie Apple Daily, est arrêté pour collusion avec des puissances étrangères. En 2021, son journal a été la cible d’une descente de police mobilisant 500 agents, avant de fermer définitivement ses portes. Toujours incarcéré et risquant la prison à vie, il incarne la répression subie par les défenseurs de la démocratie à Hong Kong. Le gouvernement exerce des pressions pour qu’il plaide coupable : preuve serait alors faite que – c’est la rhétorique officielle – les Hongkongais n’ont jamais voulu plus de libertés, mais ont été manipulés par Jimmy Lai dans un complot soutenu par les États-Unis.

La persécution des journalistes et des militants pro-démocratie

Toujours en 2021, la police hongkongaise a organisé un raid contre le média Stand News. Les deux rédacteurs en chef, Chung Pui-kuen et Patrick Lam, ont été arrêtés au motif de « conspiration pour publier et reproduire des publications séditieuses ». Stand News était le dernier média indépendant de Hong-Kong à conserver une liberté de ton et à publier régulièrement des articles et des interviews critiques du gouvernement chinois. Déclarés coupables en août dernier, ils sont les premiers journalistes depuis 1952 à être condamnés, à Hong-Kong, pour sédition.

L’Association des journalistes de Hong Kong, la plus grande association professionnelle de la ville, a dénoncé une « attaque systémique et organisée » contre les journalistes d’une douzaine de médias différents. Ils auraient été victimes de menaces de mort, de plaintes, d’accusations de diffamation, eux-mêmes à titre personnel mais aussi leur entourage (voisins, famille, employeurs). Les journalistes ne sont pas les seuls à être visés : des militants pro-démocratie sont régulièrement arrêtés et condamnés. Le cas de Jimmy Lai est emblématique, mais il n’est qu’un exemple parmi d’autres. Des militants comme Joshua Wong, Nathan Law ou Agnes Chow ont été emprisonnés ou contraints à l’exil, tandis que des centaines d’autres citoyens continuent d’être harcelés pour avoir participé aux manifestations en 2019.

La « Loi article 23 » : une ingérence supplémentaire de Pékin

En mars 2024, une nouvelle étape a été franchie. Le Conseil législatif de Hong Kong (LegCo), dont les membres n’ont pas été élus et sont majoritairement pro-Pékin, a adopté une nouvelle loi relative à la sauvegarde de la sécurité nationale. Surnommée « Loi article 23 », elle élargit la définition de la sédition et crée plusieurs catégories d’infractions comme la trahison, l’insurrection, l’espionnage ou encore le sabotage. Les autorités se sont justifiées en se référant à l’article 23 de la Loi fondamentale… sauf que la conception de la sécurité nationale est étroitement liée à celle du gouvernement chinois, y compris celle des « intérêts majeurs de l’État » ou du « secret d’État ». L’infraction de sédition est caractérisée même s’il n’y a aucun appel à la violence : toute critique ou slogan qui ne plaît pas au gouvernement peut donc être puni d’une peine d’emprisonnement. La première condamnation, le 16 septembre, a été celle d’un jeune manifestant qui a eu l’outrecuidance de porter un tee-shirt « Libérez Hongkong ».

La corruption de la sphère économique par le pouvoir politique

Sous la pression de Pékin, des entreprises mettent leur nez dans les affaires politiques. La société d’audit BDO aurait joué un rôle dans la liquidation de Next Digital, la société mère d’Apple Daily. C’est la raison pour laquelle les anciens directeurs de Next Digital, Gordon Crovitz et Mark Clifford, ont déposé une plainte auprès de l’OCDE contre la société BDO. Ils l’accusent d’avoir agi comme une agence quasi-gouvernementale à la demande du gouvernement de Hong Kong, en dehors de toute procédure judiciaire, afin de liquider leur entreprise. BDO, par l’intermédiaire de son directeur Clément Chan, aurait saisi des documents internes et aurait fait pression sur les deux dirigeants.

La démocratie, une menace pour l’autorité du PCC

Le modèle « un pays, deux systèmes », censé durer jusqu’en 2047, a progressivement été vidé de sa substance. Hong Kong pourrait bientôt ne plus se démarquer des autres villes de la Chine continentale, soumises aux diktats du Parti communiste. Les libertés qui faisaient de la région un centre d’attraction pour les investisseurs étrangers et les défenseurs des droits de l’homme s’effritent dangereusement. Le New York Times a délocalisé une partie de ses activités. Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch ont fermé leurs bureaux en 2021, également à cause des risques politiques qu’entraîne la loi sur la sécurité nationale. Les sanctions internationales contre certains responsables hongkongais, notamment le chef de l’exécutif John Lee, montrent que la communauté internationale reste attentive à ce qu’il se passe sur le territoire. Pour les autorités chinoises, toute forme d’expression en faveur de la démocratie est une menace pour la stabilité et l’autorité du PCC.

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