Poutine a toujours voulu réhabiliter l’image de l’URSS. Pas n’importe laquelle : celle de l’URSS sous Staline, sa préférée. Il y parvient assez bien, en faisant du copié-collé : il ne tolère aucune critique du régime et emprisonne, torture et tue sans états d’âme les opposants. Pas seulement eux d’ailleurs : des journalistes aussi, qu’il n’hésite pas le cas échéant à faire assassiner, comme ce fût le cas avec Anna Stepanovna Politkovskaïa tuée le 7 octobre 2006. Il s’en prend même aux journalistes étrangers : le Kremlin vient de condamner un reporter du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, à 16 ans de colonie pénitentiaire. Arrêté en mars 2023 (il a donc déjà passé 478 jours en prison), il a été accusé d’espionnage, mais aucune preuve n’a été rendue publique. En réalité, son seul délit a été de dire la vérité sur ce qu’il a vu dans la Russie en temps de guerre. L’ « espion » venait d’écrire un reportage accablant sur l’économie russe… C’est la première fois depuis l’ère soviétique et l’arrestation de Nicholas Daniloff en 1986 (UPI et News & World Report) qu’un journaliste étranger est emprisonné en Russie.
Ces arrestations et condamnations de prises d’otages innocents – courantes dans les dictatures – font désormais partie du modèle russe. Peu importe le prétexte, il s’agit de se procurer une monnaie d’échange pour récupérer un criminel détenu en Occident (Poutine a laissé entendre qu’il envisagerait d’échanger Evan contre un « patriote »). C’est aussi un message d’intimidation envoyé à tous les autres journalistes travaillant en Russie, pour les faire réfléchir sur ce qu’il convient ou non d’écrire sur ce pays et son régime. C’est ainsi que les dictatures fonctionnent.
