Les élections législatives auront lieu dans quelques jours et verront s’affronter plusieurs programmes politiques. Force est toutefois de constater qu’aucun de ceux-ci n’est réellement à la hauteur des enjeux de compétitivité auxquels la France se voit confrontée depuis plusieurs années.
Les Républicains mettaient l’accent sur la compétitivité des entreprises
Lors de sa campagne présidentielle, François Fillon avait promis un véritable « choc de compétitivité » pour hisser la France au sommet. A cette fin, il avait décidé d’octroyer aux entreprises près de 40 milliards d’euros de baisse de prélèvements, ceux-ci constituant l’un des facteurs de leur moindre compétitivité. Il réservait toutefois 10 milliards d’euros de baisse de prélèvements pour les ménages. Hélas, ce « choc de compétitivité » n’aura pas résisté à sa chute précipitée dès le premier tour de l’élection présidentielle.
Les Républicains misent dorénavant sur le pouvoir d’achat des ménages
Depuis lors, les Républicains ont choisi de s’aligner partiellement sur la stratégie d’Emmanuel Macron. Partant, ils ont mis en berne le thème de la compétitivité des entreprises pour se focaliser sur celui, plus politiquement porteur, du pouvoir d’achat des ménages. L’objectif de la manœuvre est bien entendu de reconquérir ces derniers qui sont de plus en plus soucieux de leur porte-monnaie. Et qui, au demeurant, sont les seuls à voter.
Les Républicains ont donc substantiellement remanié le programme présidentiel de François Fillon en supprimant la hausse impopulaire de TVA, en réintroduisant la défiscalisation des heures supplémentaires et (cerise sur le gâteau !) en instaurant une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu pour l’ensemble des ménages.
A l’instar d’Emmanuel Macron, Les Républicains proposent donc désormais un programme équilibré entre pouvoir d’achat et compétitivité, qui se traduit par une baisse « équitable » de prélèvements entre les ménages et les entreprises. Elle est estimée à plus de 20 milliards d’euros pour chaque catégorie de contribuables, contre 10 milliards pour Emmanuel Macron[[Estimations réalisées par la fondation IFRAP]].
Un choix purement politique au détriment de l’économie
Cette répartition « équitable » des baisses de prélèvements se fonde sur un mythe tenace de la politique fiscale française, selon lequel les efforts des ménages et des entreprises devraient être strictement équilibrés.
Or, un tel principe s’avère économiquement infondé dès lors que les entreprises et les ménages ne sont pas des contribuables de même nature : les premières constituent un lieu où s’organise la production de richesse tandis que les seconds en sont in fine les bénéficiaires, par le biais de versement de salaires ou de dividendes. Les intérêts économiques de ces deux catégories de contribuables sont donc intrinsèquement liés, de sorte que la bonne santé économique des premières influe nécessairement sur celle des seconds. En outre, ce principe se révèle économiquement insoutenable pour des raisons de compétitivité des entreprises.
Des entreprises françaises en mal de compétitivité
Les entreprises françaises souffrent assurément d’un important déficit de compétitivité.
Le rapport 2015-2016 du World Economic Forum, qui a pour objet d’analyser la compétitivité des pays, classe ainsi la France seulement au 22ème rang, alors qu’elle était encore au 15ème rang en 2010. A titre d’information, l’Allemagne occupe le 4ème rang, les Pays-Bas le 5ème rang, le Royaume-Uni le 10ème rang et le Danemark le 12ème rang.
Par ailleurs, un rapport de 2016 de Coe-Rexecode met en évidence que, de 2000 à 2015, la part de marché de la France dans les exportations de biens et services totales de la zone euros a fortement reculé, de 17,0 % à 13,6 %, alors que celle de l’Allemagne a augmenté de 26,5 % à 29,4 % (soit un écart de 15,8 points). Pendant la même période, les parts de marché des Pays-Bas, de la Belgique ou de l’Espagne sont restées à peu près stables[[Rapport Coe-Rexecode de septembre 2016, perspectives 2017 et analyse des freins qui brident le redémarrage de l’économie française]].
Une prise de conscience a heureusement été́ amorcée en 2010 avec les Etats généraux de l’Industrie et confirmée en 2012 avec le rapport Gallois. La mise en œuvre par le gouvernement, à partir de 2013, des allègements de charges avec le CICE et, à partir de 2015, avec le Pacte de responsabilité́, a d’ailleurs permis de diminuer de 2,4 % le coût salarial unitaire dans l’ensemble de l’économie. Cela étant, les entreprises françaises demeurent toujours loin derrière leurs homologues allemandes et européennes en matière de compétitivité.
Des mesures insuffisantes pour améliorer la compétitivité française
Les mesures mises en œuvre à la fin du quinquennat de François Hollande (CICE, Pacte de compétitivité), même si elles vont dans le bon sens, ne sauraient suffire à combler l’écart significatif qui s’est creusé.
Il en va de même pour les mesures annoncées, d’une part, par la République En Marche, à savoir la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % et la transformation du CICE en baisse pérenne de charges. Et d’autre part, par Les Républicains, même si elles s’avèrent plus ambitieuses que les précédentes.
Les Républicains prévoient ainsi, en plus des deux précédentes mesures, de continuer à alléger les charges employeurs (et pas seulement pour les bas salaires) et, surtout, de baisser les taxes sur la production. Reste toutefois à savoir dans quelle proportion puisque le nouveau programme ne donne ni précision ni chiffrage. De surcroît, Les Républicains ne précisent pas si le dispositif du suramortissement sera reconduit. François Fillon s’y était clairement engagé. Et pour cause, car ce dispositif qui a pris fin le 17 avril 2017 constitue une mesure de soutien importante à l’investissement productif des entreprises.
Il est on ne peut plus urgent que nos responsables politiques prennent enfin la mesure du déficit français de compétitivité et proposent des baisses drastiques de prélèvements à la hauteur de la situation. A défaut, la France sera condamnée à s’enferrer perpétuellement dans le cercle vicieux de la perte de compétitivité de ses entreprises et du pouvoir d’achat de ses ménages.