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Le sommet de Londres a-t-il refondé le capitalisme?

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Je ne suis pas sûr que le capitalisme ait été refondé, il a simplement été un peu plus entravé qu’il n’était. Si je déplore les entraves nouvelles, je me réjouis de constater que rien dans le sommet de Londres ne peut passer pour révolutionnaire, ni même pour constructif (à la différence de la conférence de Bretton Woods dominée par les projets de système monétaire présentés par Keynes et White).

Les entraves concernent la réglementation financière. Elles partent d’un constat erroné : ce serait l’absence de réglementation qui aurait conduit aux débordements financiers qui eux-mêmes ont créé la crise économique. Or, les responsabilités de la crise financière, telles que les relèvent la plupart des économistes, sont à chercher principalement dans deux directions : d’une part les subprimes, c’est-à-dire la démagogie des politiciens américains qui ont obligé les banques à accorder des prêts immobiliers à des emprunteurs sans ressource, au nom d’un « droit au crédit immobilier », d’autre part le laxisme monétaire de la FED qui depuis des années ne cesse d’abaisser les taux d’intérêt, incitant n’importe qui à investir dans n’importe quoi, et permettant à ceux qui se sont trompés de persévérer dans leurs erreurs en reportant toujours l’heure de vérité.

Autre constat erroné : la finance ne connaîtrait aucune réglementation. C’est faux, il n’existe aucun autre secteur économique aussi réglementé que le secteur financier. Que les réglementations soient mal conçues, ou mal venues, cela ne fait pas de doute. Mais en rajouter une couche ne changera rien à l’affaire, la seule réglementation efficace étant celle de la concurrence et de la responsabilité des financiers qui font de mauvaises affaires.

Au lieu de cela, on cherche des boucs émissaires : les hedge funds et les traders. Les hedge funds (fonds spéculatifs) appartenaient en effet à une branche des institutions financières relativement peu réglementée, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils avaient été créés. Mais ils ne sont absolument pour rien dans la crise financière, tout le monde en convient. Quant aux pauvres traders, si certains ont incontestablement dérapé et pris des positions qui se sont révélées après coup trop risquées, la grand majorité d’entre eux a fait son travail consciencieusement, et on aura bien besoin de bons traders pour rechercher la véritable valeur des actions des entreprises, une valeur qui a été fort chahutée depuis quelques mois.

La réglementation bancaire est également appelée à se renforcer. Il y aura une « supervisation » (sic) plus efficace, et des règles comptables plus strictes (mais les « ratios prudentiels » des accords de Bâle II ont été plus néfastes qu’utiles)

Le « jamais vu » est surtout la chasse aux paradis fiscaux. « Le temps du secret bancaire est révolu », a-t-on dit dans l’unanimité au G 20. Madame Primarolo et ses amis de l’OCDE doivent en effet jubiler : le combat qu’ils mènent depuis des années semble triompher, et ils donnent la liste des mauvais élèves. Maintenant, il reste à savoir ce qu’en droit cette chasse peut bien valoir, et il sera difficile d’effacer d’un revers de main la concurrence fiscale, puisque tout pays appliquant une fiscalité moins lourde que son voisin est supposé être un paradis fiscal. Le G20 n’a pas prévu une harmonisation fiscale forcée. La mondialisation des entreprises et des finances permettra aux bons gestionnaires d’échapper aux réglementations, et le secret bancaire se reconstruira d’une manière ou d’une autre.

Je ne dirai rien de la dotation de 1.000 milliards donnée au Fonds Monétaire International pour « relancer » : qui va donner cet argent (les Américains vont-ils perdre la maîtrise du FMI ?) et à qui va-t-on le donner et pour quoi faire ?

Le bon côté des choses, c’est que l’on a évité les catastrophes majeures. Et le G20 est plus important par ce qui ne s’y est pas dit ou pas décidé que par les mesures qu’il a prises.

Le libre-échange mondial n’a pas été remis en cause, et la tentation protectionniste a été écartée. Il est vrai que la concurrence est faussée par les mesures de soutien apportées par les Etats à leurs nationaux dans le cadre de la lutte contre la crise. Mais au niveau des principes le cœur du capitalisme mondial n’a pas été atteint.

On n’a pas évoqué non plus les perspectives d’un super Kyoto, où les besoins de la planète et le réchauffement climatique auraient eu priorité sur la productivité et la croissance. Le G20 n’a pas été le Grenelle mondial. Le vice-président Al Gore ne doit pas être content.

Enfin, on n’a pas créé un nouveau système monétaire international, ni inventé une « unité de compte mondiale » comme le souhaite le président russe Medvedev. Pas de Bretton Woods. Au passage, l’idée que nous serions actuellement régis par le système « anglo-saxon » de Bretton Woods et que le G 20 aurait rompu avec ce modèle est purement grotesque, puisque le système de Bretton Woods n’existe plus depuis 1971 ! Certes le FMI a été créé par les mêmes accords, mais son rôle de régulateur monétaire ou financier est réduit à néant (ou presque, pour tenir compte des « droits de tirage spéciaux » qui viennent de lui être alloués).

Ainsi l’ordre économique mondial n’a-t-il pas été ni repensé, ni reconstruit à Londres, et c’est tant mieux. Les seuls ordres qui garantissent la liberté et la prospérité sont ceux qui jaillissent spontanément de l’action humaine, des initiatives prises par des hommes libres et responsables coordonnés par le processus de marché. La présomption des hommes politiques aurait pu être « fatale » comme disait Hayek, elle a été simplement médiatique.

Jacques Garello

Administrateur de l’IREF

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