Des baisses d’impôts se profilent en Europe : voilà en effet de quoi stimuler les entreprises, décidées à investir davantage, et les ménages, encouragés à épargner. Mais en même temps il n’y a aucune baisse sensible des dépenses publiques et l’on observe un accroissement vertigineux de l’endettement : la fiscalité valse à l’endroit et les dépenses publiques à l’envers.
Le très bon score du FDP en Allemagne et sa participation active au nouveau gouvernement aux cotés de la CDU/CSU ont permis d’inclure dans le contrat de coalition des baisses d’impôt devant représenter 24 milliards d’euros par an à partir de 2011. La réforme annoncée prévoit en particulier une réduction à trois tranches des taux de l’impôt sur le revenu, pour se rapprocher sinon de la flat tax du moins du modèle reaganien qui a permis à l’Amérique de disposer d’une génération de prospérité.
Des baisses d’impôt structurelles
Le mouvement est général en Europe. La Suède vient de décider d’une diminution de l’impôt sur le revenu. Silvio Berlusconi se bat contre son propre ministre, Giulio Tremonti, pour faire admettre la suppression de l’IRAP, la taxe régionale sur les activités qu’il a qualifiée d’ « imposto rapina », l’impôt des voleurs qui frappe d’autant plus les entreprises qu’elles embauchent davantage. La France cherche à faire de même avec la suppression en cours de la taxe professionnelle inventée par Jacques Chirac il y a 35 ans pour remplacer la patente. En substituant à la taxe professionnelle une nouvelle Contribution Economique Territoriale, les entreprises devraient bénéficier d’ une économie d’impôt de l’ordre de 4,3 milliards d’euros . La bonne nouvelle est aussi que ces baisses d’impôt se veulent structurelles et non conjoncturelles, même si elles restent évidemment liées au bonheur des prochains résultats électoraux. Pour une fois et pour l’essentiel, il ne s‘agit pas de réduction ponctuelle de telle ou telle taxe ou de primes ponctuelles et ciblées, dont l’efficacité n’a jamais été démontrée sur le long terme, mais d’une restructuration durable de la fiscalité. Mieux, ces réformes sont proposées ouvertement au nom des vertus d’une politique de l’offre ( « supply side policy ») dont nous estimons qu’elle seule peut permettre un réel rebond de l’économie. Il s’agit de redonner aux entreprises plus de moyens et de liberté pour investir et pour produire, de telle façon que les marchés s’enrichissent d’eux-mêmes et par le choix d’une consommation revigorée par la baisse du chômage et l’augmentation naturelle des rémunérations.
Des dépenses publiques excessives
La difficulté est pourtant qu’une telle politique de l’offre ne peut être efficace que si les baisses d’impôt s’accompagnent de réductions corrélatives des dépenses publiques, de manière à éviter autant que possible de reporter simplement dans le temps et sur les générations futures le coût de la réforme. La baisse de l’impôt devrait signifier aussi un retrait du secteur public, qui confisque aujourd’hui une trop grande partie de l’activité, de l’épargne et de la consommation. Même en admettant que la baisse de l’impôt améliore les rentrées fiscales (effet Laffer) l’équilibre budgétaire est difficile à atteindre si les dépenses publiques continuent à croître au même rythme que par le passé. Le déficit ne peut être une base de relance durable de l’économie ; à peine peut-on le tolérer à titre transitoire et marginal. Malheureusement, o, est loin du compte en Allemagne, et les politiques européennes engagées à ce jour semblent insuffisantes à réduire substantiellement les dépenses publiques. Si l’on regarde du côté de l’Allemagne, le système de santé ne fera pas l’objet de la révolution souhaitée par les libéraux, qui demandaient l’introduction de la concurrence entre les caisses d’assurances. Celles-ci resteront entre les mains des institutions publiques et de leur bureaucratie. Certains assurés pourront tout de même quitter le secteur public, mais seuls les professionnels indépendants, les cadres gagnant plus de 48.150€ par an et…, curieusement, les fonctionnaires auront cette chance ! Quant à la réforme de l’impôt sur le revenu, la réduction à trois tranches marquera un progrès, mais le taux supérieur restera au niveau du taux actuel le plus élevé, privant la réforme de l’essentiel de son efficacité. En France, et à cause en particulier de la suppression de la taxe professionnelle, les prélèvements obligatoires qui oscillent entre 44 et 45 % depuis 30 ans devraient baisser cette année à un niveau de l’ordre 40,7%. Il devrait en être de même en 2010, en dépit d’une hausse continue des prélèvements des collectivités locales ( 5,7% en 2007, 5,8% en 2008 et sans doute 6% en 2009) qui ont embauché cette année 35.000 nouveaux employés pendant que l’Etat faisait l’effort de réduire ses propres effectifs de 34000. Cependant, les dépenses publiques françaises continuent à tenir le haut du classement mondial, avec 54 % du PIB. Evidemment, la différence entre des dépenses à 54 % et des prélèvements à 40 % représente…le déficit budgétaire.
Un financement par le déficit
L’augmentation du déficit public sera de l’ordre de 8% du PIB en 2009 contre déjà 5% en 2008. On est loin des 3% soit disant imposés par Maastricht ! La dette française atteint 77,1% du PIB en 2009 sans tenir compte des dettes latentes relatives notamment aux retraites de fonctionnaire que l’Etat auto assure ; elle sera de 84% en 2010, et sans doute de 90% en 2012 selon les estimations du Ministère des finances. C’est dire aussi, -et c’est plus parlant-, que la dette publique française se montera à 187% des prélèvements obligatoires en 2009, et 220% en 2012, plus de deux ans du chiffre d’affaires de la France en quelque sorte ! Il est vrai que beaucoup d’autres pays sont dans la même situation ou pire. La dette publique belge devrait dépasser la barre de 100% du PIB dès l’an prochain tandis que l’Italie connaît déjà un ratio dette publique/PIB de 115%. L’Allemagne elle-même va s’approcher d’un déficit de 100 milliards d’euros et 6% du PIB alors même qu’elle a modifié cette année, en juin, sa loi fondamentale pour interdire à l’Etat fédéral de s’endetter au-delà de 0,35% du PIB … à partir de 2016. Et il est vrai aussi que l’Angleterre, avec une contraction de son économie pour un sixième trimestre consécutif au 3ème trimestre 2009, et l’Espagne socialistes qui ont augmenté leurs impôts s’enfoncent encore dans la crise à défaut d’avoir fait les bons choix. La dette et les déficits sont monstrueux , pourtant les Etats ne veulent pas renoncer à ces milliards d’euros de dépenses qui représentent autant de promesses démagogiques, de privilèges et de politiques dites « sociales » Pour ne pas vouloir « désespérer Billancourt », comme le disait Sartre en 1968, la société s’enlise, refuse de se restructurer durablement, et condamne les plus déshérités au chômage et à la précarité. Réduire les impôts c’est bien, réduire les dépenses c’est mieux. Jean-Philippe DELSOL