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Décentralisation : allez plus loin, Monsieur Fillon !

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Certaines des propositions du candidat Fillon en matière de décentralisation semblent a priori aller dans le bon sens. L’urgence d’une « autre logique » ne fait aucun doute. Mais M. Fillon doit encore mieux définir les contours d’une politique de la liberté et de la responsabilité en matière de décentralisation.

L’ancien Premier Ministre propose de « ramener le nombre d’échelons des collectivités territoriales de 4 à 2 clarifiant le partage des compétences entre ces deux échelons territoriaux et l’État ». Voilà une mesure de bon sens. L’accroissement du nombre d’entités « locales » a surtout permis la multiplication des « petits roitelets » qui veulent chacun montrer qu’ils existent en lançant des « actions », de manière évidemment assez peu coordonnée. D’où chevauchement des missions entre étages, telles que la politique de l’emploi ou du (soi-disant) développement, entrainant ainsi un gaspillage de ressources. Pire, bien souvent avec le prétexte de « simplifier », « faire des économies d’échelle », et de « mettre en commun »… entre collectivités, on a en réalité complexifié, augmenté les coûts, les postes (+71% entre 1983 et 2008, + 550 000 postes entre 2000 et 2013), la bureaucratie, les élus, bref : la facture pour le contribuable. De ce point de vue, « réviser le partage actuel des compétence entre l’État et les collectivités pour que chaque action publique soit conduite au bon niveau » est un impératif – souvent rappelé mais trop peu appliqué.

Mais la décentralisation « à la française » en était-elle une ? Elle a conduit à décentraliser sans véritablement donner leur autonomie, notamment financière et fiscale, aux collectivités locales – difficile pour le pouvoir central de lâcher prise, « République » oblige. C’est la décentralisation mais avec la dépendance. Impossible dans ces conditions de faire en sorte que l’objectif de davantage de démocratie locale soit atteint : comment en effet garantir le contrôle démocratique dans la dépendance ? Difficile aussi, du fait même de l’absence d’un tel contrôle, de garantir l’efficacité en matière de gestion des deniers publics. Dans ce cadre de « liberté dans la dépendance » en effet, les financements venant de différents étages du « mille-feuilles » se croisent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Chaque entité dépend en partie de ressources d’un autre étage. Or on le sait, vivre avec « l’argent des autres » est rarement la meilleure incitation à bien gérer. Il faut donc urgemment prôner l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Sans cela les nécessaires mécanismes de reddition des comptes ne pourront jamais émerger.

Les administrés devront décider s’ils en ont pour leur argent !

Faut-il pour autant « maîtriser les dépenses des collectivités territoriales en limitant leur possibilité d’augmenter les impôts locaux (taxe d’habitation, taxe foncière) et en encadrant leurs effectifs (notamment par la fixation d’un plafond de remplacement des départs en retraite) » ? Si la mesure peut paraître salutaire, elle peut en même temps aller à l’encontre de l’objectif précédent de responsabilisation des collectivités locales. C’est que Monsieur Fillon reste là en réalité dans l’ancienne logique : car il ne suffit pas de « réduire les subventions de l’État aux collectivités territoriales » comme il le propose, il faut tendre à les supprimer. Et dans une logique d’autonomie financière, ce sont les citoyens administrés qui devront faire le calcul entre les impôts locaux qu’ils payent et les services publics locaux qu’ils reçoivent. Disposant désormais d’une transparence et d’une lisibilité du lien « impôts – services publics », c’est à eux d’exercer leur pouvoir de contrôle, pas à l’État central.

Cette option pose les bases d’une forme de concurrence institutionnelle entre régions et entre communes (dont il faudrait bien évidemment diviser le nombre par 3 au moins), qui entrainerait une saine émulation entre juridictions de même type, et ce, pour une meilleure gestion des deniers des contribuables. Avec les cartes véritablement entre les mains des citoyens, la logique serait rapidement de sélectionner les projets réellement utiles et d’ouvrir de nombreux services publics locaux à des acteurs privés plus efficaces, pour en finir avec la maladie bien française de la sur-administration, notamment communale (plus des trois-quarts de la fonction publique territoriale).

Le député de Paris propose également de « mettre un terme à la pratique française de décentralisation qui veut que l’État transfère les compétences aux collectivités territoriales, mais qu’il continue à définir dans le moindre détail les modalités d’exercice des compétences transférées ». Cette critique parait évidente, mais le comportement incriminé est finalement assez logique puisque le transfert des compétences s’accompagne d’un transfert de subventions. C’est donc bien là que le bât blesse : tant que l’État ne permettra pas une véritable autonomie financière locale, pour les missions bien définies par avance, la décentralisation ne pourra être ni démocratique ni efficace.

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