Le 6 octobre, Raphaël Glucksmann a prononcé à La Réole un discours lors d’une réunion de son parti, Place publique. Le lieu n’avait pas été choisi par hasard puisque le Rassemblement National y obtient des scores élevés, mais également parce que la commune se situe en Gironde. Or, le député européen s’est déclaré « girondin » pour signifier, sur les terres de Montaigne et du « libéralisme philosophique de Montesquieu », son rapport décentralisé au pouvoir.
Son objectif est d’ouvrir une voie entre Robespierre (comprendre : Jean-Luc Mélenchon) et Jupiter (Emmanuel Macron) afin de vaincre l’extrême droite lors des prochaines échéances électorales, législatives ou présidentielle. L’essayiste tente une nouvelle fois officiellement de donner de l’autonomie à son mouvement, qu’il prétend social-démocrate mais qui doit aussi regrouper les socialistes, les « humanistes » et les écologistes.
Cette tactique avait échoué lors des dernières élections législatives. Jean-Luc Mélenchon s’était alors joué de lui en l’obligeant à soutenir le Front républicain commandé par La France Insoumise pour faire barrage à l’extrême droite. Et le député européen avait disparu de la vie politique française durant plusieurs semaines sans avoir pu peser sur l’après-second tour des élections législatives et la candidature à Matignon.
L’initiative « girondine » de Raphaël Glucksmann appelle trois observations :
- Historiquement, l’opposition tranchée (sans mauvais jeu de mots, on va y revenir) entre Girondins et Montagnards au début de la Révolution française a fait l’objet de nombreux débats entre spécialistes ;
- Politiquement, Emmanuel Macron avait parlé en 2017 à plusieurs reprises de la nécessité d’un « pacte girondin » avec les collectivités locales, appel à une certaine autonomie qui a fait long feu et qui fait rétrospectivement partie des multiples chantiers présidentiels en déshérence ;
- Ironiquement et toujours historiquement, il faut espérer pour eux que Raphaël Glucksmann et ses thuriféraires ne terminent pas comme leurs ancêtres revendiqués…
Mais, au-delà des petits mots et des affichages publicitaires, il y a beaucoup plus important. Sur Franceinfo, le dirigeant de Place Publique était encore présenté le 6 octobre comme un homme politique de « centre gauche ». De son côté, il se présente systématiquement comme un social-démocrate.
Encore faut-il savoir ce que recouvre cette notion. S’il s’agit de signifier que Raphaël Glucksmann est modéré, cela relève clairement de l’entourloupe. S’il s’agit de signifier qu’il est socialiste démocrate, origine de la notion de social-démocratie à la fin du XIXe siècle, cela serait plus clair (autrement dit des socialistes qui entendent mener à bien leur programme radical par la voie démocratique, et non par la voie révolutionnaire).
Car, et nous l’avons dénoncé ici, le programme européen de Raphaël Glucksmann était carrément socialiste (fiscalisme, interventionnisme, planification, protectionnisme) et… centralisateur (il faudrait qu’il nous explique comment il peut être « girondin » en France et centralisateur en Europe !). D’ailleurs, dans son discours du 6 octobre, il n’a pas exclu des « mesures radicales » si nécessaire…
En bref, Il ne suffit pas de se dire « girondin » pour marcher sur les brisées du libéral Condorcet…