Un récent article de Libération s’interroge sur le devenir des « vins naturels » – i.e. peu ou pas sulfités, censés avoir une meilleure « buvabilité » pour reprendre un cliché langagier à la mode chez les défenseurs de ce type de vin. Un petit monde dans l’univers du vin, dont Libération rappelle qu’il « dérange par ses positions politiques radicales qui vont à l’encontre du marché et du productivisme ». Mais heureusement que le marché existe, sinon comment ces vignerons feraient-ils pour vendre leurs vins ? C’est parce qu’il existe des consommateurs qui apprécient ces vins, c’est parce qu’il y a des grossistes, des détaillants et des exportateurs qui entendent les promouvoir, que ces vins se sont de plus en plus retrouvés ces dernières années sur les rayonnages de nos cavistes et sur les cartes des vins de nos restaurants.
D’autre part, comme nous l’écrivions dans une « pendule à l’heure », cette rhétorique anti-marché ne prend pas en considération cette loi fondamentale qui se dégage de l’étude de l’histoire du vignoble français : c’est le marché, plus encore que le terroir, qui a permis l’essor des grands vignobles, ainsi que l’a montré l’historien Roger Dion dans son Histoire du vin et de la vigne en France (1959). Concernant enfin la critique du productivisme, on peut à la fois partager et critiquer ce point de vue : les vins de qualité tendent en effet à résulter de rendements maîtrisés – « faire pisser la vigne », comme disent les vignerons, ne donnera jamais que des vins dilués et sans intérêt. Mais le succès de grands négociants comme Louis Jadot en Bourgogne, ou encore Chapoutier, Delas, Guigal, et Perrin dans la vallée du Rhône (pour ne citer que quelques noms), montre qu’il est tout à fait possible de conjuguer quantités produites et qualité.
 On aimerait par ailleurs poser aux inconditionnels du « vin naturel » une question : un vin issu de petits rendements et d’un travail soigné et rigoureux dans le vignoble, réalisé selon une approche non interventionniste, et embouteillé naturellement (sans collage ni filtration), peut-il être considéré comme un « vin naturel » ? Si leur réponse est oui, alors ils doivent réhabiliter au plus vite l’horrible Robert Parker (fondateur du Wine Advocate, et critique de vins le plus influent au monde avant qu’il ne prenne sa retraite il y a quelques années), qu’ils exècrent d’ordinaire, en tant que champion de cette cause. Car celui qu’on accuse toujours d’avoir « parkérisé » les vins, c’est-à -dire de les avoir uniformisés dans un même style puissant, sur-mûri et ultra-boisé, fit en réalité – (re)lisons-le sans prévention, au lieu de colporter servilement les mêmes propos – de la défense des vins non manipulés et embouteillés naturellement le cÅ“ur de son combat en tant que critique de vins. Les vins faussement dits « parkérisés » ne seraient-ils pas tout bien pesé les vrais vins naturels ?
4 commentaires
Au sein des vins « naturels » il existe plusieurs chapelles et les plus extrêmes pensent pouvoir faire du vin sans travail.
Comme l’avait fort bien dit un formateur de l’école des vins de Beaune, la seule boisson obhtenue en écrasant du raisin et en laissant « vivre » le jus c’est du vinaigre.
Très peu de vignerons dit « naturels » ont l’exigence suffisante pour produire du vin et ce qui était jadis des défauts du vin (réduction, oxydation, notes viandées voire très très animales type étable) sont mis en avant comme étant le garantie « nature » .
Des sommeliers de restaurants étoilés sont parrfois désemparés devant des clients exigeants des vins « nature » présentant ces défauts.
Merci pour votre commentaire. Vous avez raison, trop de défauts comme la réduction ou l’oxydation sont aujourd’hui acceptés sous la dénomination « vin nature ». Cela dit, certains vignerons qui sulfitent a minima parviennent à produire des vins intéressants, mais comme vous le dites justement, cela requiert une parfaite maîtrise de la vinification.
Cordialement
Le seul vin « naturel » est le vinaigre naturellement obtenu par la dégradation spontanée des jus fermentés.
L’appellation « vin naturel », tout comme le « bio » est une escroquerie en bande organisée, malheureusement soutenue par l’administration (INAO) qui est complètement vérolée par le cancer idéologique écolo.
Boycott du « bio » et du « naturel ».
Les vrais vins sont le produit de l’ingéniosité et du talent humains.
Vive le génie humain !
A votre santé.
Vous avez raison concernant l’importance du travail de l’homme, qui est trop souvent négligé. J’apporterai juste une nuance : l’agriculture biologique, voire biodynamique (malgré son fort côté ésotérique) n’est pas en tant que telle une mauvaise chose, dans la mesure où le respect du vignoble constitue l’un des principaux facteurs de la qualité d’un vin. Cela dit, ce n’est pas parce qu’un vin n’est pas étiqueté « bio » qu’il ne l’est pas dans la pratique. Dans la vallée du Rhône méridionale, beaucoup plus de vins qu’on ne le pense généralement sont en réalité « bio » en raison des propriétés antibiotiques du mistral.
Le terroir a bien sûr toute son importance. Mais c’est le respect du vignoble, une approche non interventionniste dans les chais, ainsi que le savoir-faire du vigneron qui font probablement avant tout la qualité d’un vin.
Cordialement