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Pesticides : Élise Lucet a encore frappé

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Après avoir fait preuve d’une honnêteté intellectuelle toute relative lors de sa dernière émission sur la crise laitière, Élise Lucet récidive en traitant du sujet des pesticides. Ces derniers ont fait l’objet d’un reportage à charge dans Cash Impact diffusé sur France 2 mardi dernier.

Les pesticides seraient responsables de 200 000 morts par an

Dès le début de l’émission, on apprend que 200 000 personnes meurent à cause des pesticides dans le monde. Élise Lucet fait ici référence à un rapport de l’ONU qui s’appuie lui-même sur un article datant du début des années 1980[[ONU 2017, Report of the Special Rapporteur on the right to food qui se base sur Svensson 2013, Migrant Agricultural Workers and Their Socio‐economic, Occupational and Health Conditions – A Literature Review qui se base sur Lee 2003, Association Between Human Paraoxonase Gene Polymorphism and Chronic Symptoms in Pesticide‐Exposed Workers qui se base sur OMS 1990, Public Health Impact of Pesticides Used in Agriculture qui se base, enfin, sur Jeyaratnam 1982, Survey of pesticide poisoning in Sri Lanka. Ce fact-checking a été réalisé par Géraldine Woessner et vérifié par l’IREF.]]. Dans celui-ci, on apprend que les 200 000 morts sont en réalité une évaluation du nombre de suicides par empoisonnement extrapolée à partir de données provenant du Sri Lanka. Ce nombre n’est donc pas une évaluation des morts non intentionnelles associée à l’utilisation conventionnelle des pesticides.

Alors que la journaliste d’investigation semble avoir mal vérifié ses sources, elle aurait pu rééquilibrer son émission en rappelant les vertus des pesticides. Historiquement, ils jouent un rôle capital dans l’élimination des famines en limitant les pertes en culture. Ils permettent de fournir fruits et légumes à des prix très accessibles tout en restreignant l’utilisation des surfaces agricoles au profit de la biodiversité.

Les évaluations scientifiques confirment le caractère bénéfique de la consommation régulière de fruits et de légumes cultivés en agriculture conventionnelle, malgré des traces éventuelles de pesticides, notamment sur l’apparition de cancers[[Programme National Nutrition Santé 2009, Nutrition et préventions des cancers : des connaissances scientifiques aux recommandations.]]. Les avantages sanitaires de la consommation de produits issus de l’agriculture dite biologique font quant à eux l’objet de nombreux débats. Ce mode de culture consomme aussi des pesticides comme le soufre ou la bouillie bordelaise[[MAAF 2014, Guide des produits de protection des cultures utilisables en France en Agriculture Biologie]].

Les risques pour les ouvriers agricoles sont différents, car ils sont plus exposés. Les standards ont beaucoup évolué même si plusieurs cas de maladie professionnelle liés aux pesticides sont recensés chaque année.

Une démarche intellectuelle à charge

L’ambiance anxiogène de Cash Impact est alimentée par des accumulations de données qui ne présentent aucun intérêt pour évaluer les risques (comme le nombre de ventes de produits phytosanitaires ou les comparaisons de consommation entre départements) et des affirmations vagues (« le déni est la règle », « l’odeur des produits chimiques prend à la gorge »). Le reportage présente la démarche scientifique d’Élise Lucet qui cherche à démontrer que les élèves des écoles proches des vignes bordelaises seraient en grand danger.

Des cheveux sont prélevés sur quelques enfants et analysés par un laboratoire. Des traces de pesticides sont alors détectées, alors que certains sont interdits. Élise Lucet en conclut que la situation est particulièrement inquiétante. Pourtant cette démarche scientifique présente de nombreuses lacunes. Aucune information n’est donnée concernant les doses. Les traces détectées pourraient être minimes et inoffensives. Il aurait été pertinent de déterminer une taille statistiquement significative des échantillons et de les confronter à un témoin comme dans la plupart des expériences médicales et biologiques. Enfin, un avis d’expertise d’un toxicologue sur les réalités du danger et des risques encourus aurait pu crédibiliser la dénonciation de la journaliste.

Il est compréhensible que des précautions soient prises lorsque des épandages sont réalisés dans des champs situés à côté d’établissements scolaires. C’est un problème de voisinage qui peut légitimement inquiéter des parents. Il est toutefois dommageable qu’Élise Lucet s’improvise toxicologue plutôt que de s’appuyer sur de véritables études de risques et sur l’avis d’experts.

Pour un journalisme d’investigation rigoureux et indépendant

À l’image du traitement médiatique honteux de novembre 2017 sur la question du glyphosate, il était pas assuré par de vrais scientifiques. Ce n’est pas la première fois que certains médias alimentent le dogme de la fin des produits de synthèse dans l’agriculture. L’abandon des pesticides de manière générale est techniquement illusoire et ne repose sur aucune nécessité sanitaire scientifiquement argumentée. Pourtant, les politiciens et les professionnels avalisent cette grille de lecture infondée pour ne pas avoir à contredire Élise Lucet.

La liberté de la presse ne dispense ni de contradicteurs ni de rigueur intellectuelle. La question des produits phytopharmaceutiques est complexe, car elle implique un arbitrage entre protection de l’environnement, maintien de la productivité agricole et sécurité sanitaire pour les producteurs et les consommateurs. Sans vouloir minimiser les inquiétudes et les précautions concernant l’utilisation de ces intrants agricoles, l’IREF estime que le sujet aurait dû être traité de manière moins manichéenne et faire appel à des scientifiques et des spécialistes reconnus pour leur expertise en agronomie, en nutrition et en toxicologie.

Attaché à une liberté inconditionnelle de la presse, l’IREF milite pour la privatisation de France Télévisions. Cela permettra à chacun de choisir librement quel média il souhaite financer sans être forcé de subventionner les émissions d’Élise Lucet, payée 25 000 €/mois, par la redevance audiovisuelle publique.

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6 commentaires

Francis 6 mars 2018 - 9:54

Info ou intox ?
Affirmer que privatiser France Télévisions améliorerait la qualité de l'information, c'est vraiment se moquer du monde. On peut contester ce que dit Elise Lucet, mais ce sont la recherche et l'expérimentation qui doivent apporter la vérité. Ce n'est pas en livrant tous les médias aux puissances financières qui défendent des intérêts privés qu'on lutte contre la manipulation de l'information.

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Iref-fléchit 6 mars 2018 - 11:07

Privatisation de France-télévision
Privatiser France-Télévision ? N'y pensez pas ou n'y pensez plus ! Tant que cette "entreprise" continuera à fonctionner (mal, mais à fonctionner tout de même) avec notre redevance (bien que je ne regarde plus aucun de leurs programmes !) ET avec les royalties d'une pub débile, rien ne lui fera changer de formule et le lobby de ses agents est plus redoutable que le lobby des cheminots ou des électriciens. Alors ne parlons plus davantage de la "neutralité" de ses journalistes. Ce qu'il faudrait c'est un procédé plus radical : SUPPRIMER cette entreprise de désinformation.

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sonja 14 avril 2018 - 1:47

Supprimer beaucoup de chaînes au lieu de les multiplier pour des programmes lénifiants, des séries, des jeux d'une débilité "crasse"… En plus de l'intox émise par des journalistes à la botte des lobbys pour orienter le peuple dans une direction "politiquement correcte" souvent mortifère à long terme. Diverses actualités nourrissent des personnes fragiles ou sans capacité d'analyse vers l’agressivité, la discorde.
Quant à MMe LUCET, elle a cette qualité d'éveilleuse, chacun se référence à ses propres connaissances pour séparer le bon grain de l'ivraie. Elle n'est pas pire que les autres.

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Mesnil Jean-Noël 17 juillet 2018 - 8:27

Commentaires sur Elise Lucet
En tant que fils de grand propriétaire terrien (Mayenne, Calvados, Sarthe), je ne peux que critiquer vos commentaires par trop élogieux sur les pesticides ainsi que votre posture par trop critique sur Elise Lucet. Une meilleure connaissance du terrain et un peu d’honnêteté intellectuelle de votre part auraient dû prévaloir dans votre démarche. Peut-être avez-vous un intérêt dans la diffusion des pesticides et autres herbicides…
L’IREP est loin de toute déviance même si nombre des articles publiés sont dignes d’intérêt.
JNM

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Laurent Pahpy 17 juillet 2018 - 11:55

Monsieur,

Je ne fais pas l'éloge des pesticides et n'ai aucun conflit d'intérêt à déclarer comme vous le sous-entendez. Ce modeste article cherche à relever les méthodes douteuses voire populistes d'Élise Lucet dans ce qu'elle prétend être des enquêtes d'investigation. Si vous avez des éléments scientifiques qui contredisent ce que j'affirme, je serais ravi de les étudier.

Cordialement,
Laurent Pahpy

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JPR 13 mars 2020 - 1:20

Un procès en intention
Pourquoi vous critiquez l'utilisation du soufre en bio a la dose ,je le précise de quelques kg /ha en tant que traitement alors que celui ci est aussi utilisé en agriculture conventionnelle …mais a plus d'une tonne/ ha /an comme fertilisants ….?
Pour la bouillie bordelaise celle ci est réduite en dosage à 4kg de cuivre metal/ha/an alors qu'elle n'a pas de réduction de dose en AC par rapport aux doses autorisées soit 3 a 4 fois plus…!
L'agriculture bio est récente son cahier des charges évolue en fonction des impacts avérés sur l'environnement ou de nouvelles techniques …par ex comment expliquer qu'une des alternatives existent dans les tiroirs de l'INRA pour lutter contre le mildiou (c'est la bouillie bordelaise qui est de longue date utilisée pour cela…)
Il suffit que l'INAO et l'INRA veuillent bien les libérer
on attend depuis longtemps… …mais bon dieu pourquoi ne pas les avoir autorisés ? Je vous laisse réfléchir quelques secondes avant de vous en donner la réponse:
Trop d'enjeu d'argent qui nuirait aux fabricants de PPP et aux coopératives et commerces en général
Ces nouveaux cépages viennent juste d'être autorisés…donc progressivement la bio va sûrement se mettre au diapason mais voilà cela ne peut se faire comme dans votre bureau du jour au lendemain Mr PAPHY

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