Si le style n’était pas de toute beauté , le livre serait triste à pleurer. Nous ne sommes plus à Ville d’Avray comme dans le précédent roman de Dominique Barbéris mais à Douala peu avant l’indépendance. Néanmoins les sentiments ressentis sont les mêmes. Madeleine, qui a suivi son mari jusque-là , traîne la même lassitude mélancolique de la banlieue nantaise dont elle est originaire. Elle n’est pas à l’aise dans cette micro-société qui s’observe, juge et cancane. Tout rappelle l’inévitable, les mesquineries provinciales, l’ennui entre deux réceptions au Akwa palace, le malaise des échauffourées qui annoncent l’indépendance du Cameroun. Comment expliquer alors le paradoxe du titre ? Car si la remise en cause du mariage est une obsession de l’auteur , elle n’est pas la seule.
Ni la mère sans tendresse, ni le mari fidèle, ni le cousin prêtre, ni Prigent le séducteur n’inspirent l’amour. Le talent de l’auteure est de montrer combien les paysages sont les reflets de l’âme. Les palmes des arbres scandent le temps, les claustras retiennent la lumière, les oiseaux chantent mais gênent l’orchestre et sont abattus, seules les photos jaunies maintiennent la vie . Alors le silence semble être la seule façon d’aimer. C’est pourquoi Madeleine se tait devant le boy désobéissant et l’ auteur devant le divorce du Cameroun et de la France. Heureusement l’écriture de D. Barbéris séduit par une harmonie de sons qui ont leur charme propre , touche directement les sens et les émeut sans passer par l’intermédiaire d’une profonde réflexion. Cette nouvelle madame Bovary a tout pour mériter un prix Femina !