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Liberalism in Dark Times : The Liberal Ethos in the 20th Century

Joshua L. Cherniss

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Dans son livre, Liberalism in Dark Times — The Liberal Ethos in the Twentieth Century, Joshua L. Cherniss nous conte la manière dont de grands intellectuels ont réagi aux pensées et aux attitudes totalitaires. Il est particulièrement intéressant d’en faire écho du fait de la violence des débats, des insultes et des menaces qui caractérisent les débats publics dans les démocraties avancées. En France, la radicalisation des socialistes autour de la NUPES à l’Assemblée nationale, la violence verbale lors des débats télévisés autour de la réforme des retraites, l’ostracisme dont sont victimes les tenants d’une posture critique vis-à-vis des positions du GIEC, l’usage inconsidéré de mots disqualifiants comme fasciste ou nazi et l’usage assumé de la violence pour défendre l’écologie politique en sont quelques exemples bien connus. Face à cette violence des ennemis de la liberté et leurs outrances quelle doit être la posture des libéraux ? Telle est la question abordée dans ce livre.

Avant de présenter l’auteur et son livre et de faire quelques commentaires généraux sur la thèse qu’il soutient, il est important de préciser que le terme libéralisme revêt ici un sens particulier. Les libéraux — au sens de Cherniss — sont des intellectuels qui adoptent un éthos libéral, une posture de tolérance, de bienveillance, tout en restant fermes sur leurs valeurs et certains de leurs convictions. Les intellectuels mobilisés pour incarner cette posture ne sont donc pas nécessairement des défenseurs du free market ou de la propriété privée, mais des esprits qui refusent toute pensée systématique et qui n’admettent pas d’être soumis à une forme ou une autre d’orthodoxie. L’éthos libérale est un caractère (Aron), un style de vie (Camus), un esprit (Niebuhr) ou un tempérament (Berlin) (p.198).

L’auteur

Joshua L. Cherniss est, depuis 2014, Professeur assistant à l’Université de Georgetown aux Etats-Unis où il enseigne la théorie politique. En 2013 il a publié un ouvrage sur la pensée du philosophe britannique de la liberté, Isaiah Berlin. Sa recherche porte sur la philosophie de l’histoire chez les penseurs libéraux et la pratique de la résistance politique dans les sociétés autoritaires. Son récent ouvrage, Liberalism in Dark Times, approfondit cette question. Comment combattre les mouvements anti-libéraux de droite comme de gauche qui peuvent utiliser la force sans sacrifier l’efficacité — réaliser un ordre libéral — ou trahir son idéal de tolérance et de liberté ? (p.5)

Le livre

La réponse de Joshua L. Cherniss est la suivante. Les libéraux doivent moralement rester libéraux face à l’illibéralisme. Ils ne peuvent se renier et clamer qu’il ne faut pas de liberté pour les ennemis de la liberté — libéralisme illibéral. Car s’ils utilisent la violence contre les ennemis de la liberté, on aura un libéralisme sans libéraux (p.215). Il y aurait ainsi quelque chose de paradoxal, voire d’autodestructeur, à chercher à défendre la liberté sur un mode illibéral. Défendre le libéralisme ce n’est pas seulement défendre des institutions, mais c’est traiter les hommes de manière libérale. C’est plus défendre un état d’esprit que l’État de droit. Comme l’illibéralisme est une attitude d’intolérance, de surdité au dialogue, de suffisance, de soif de simplicité de certitude et d’absence de toute pitié pour l’adversaire (p.13), l’essence du libéralisme ne réside pas dans les opinions émises, mais dans la manière dont elles sont émises (p.35). Alors que l’idéal illibéral est un idéal de discipline et de dévouement qui pense la tolérance, la douceur et la gentillesse comme des faiblesses (p.35), l’idéal libéral est la figure du gentil. Alors que l’idéal illibéral admire les hommes forts, les brutes et s’illusionne sur leur infaillibilité, l’idéal libéral insiste sur la tempérance. Il n’est ni anticonservateur ni antiprogressiste, il ne se bat pas seulement pour des idées, mais pour un mode de vie, une manière d’être à l’autre, une façon de vivre et d’aimer.

Pour délivrer cette leçon, qu’il ne souhaite pas défendre comme un dogme mais comme un esprit, Joshua Cherniss divise son livre en trois parties. Les chapitres 1 et 2 motivent l’argument en faveur d’un éthos libéral. La partie 2 comprend les chapitres trois à six. Ce sont des mini biographies d’intellectuels et l’histoire de leurs luttes contre les illibéraux : le romancier et intellectuel français Albert Camus (Chapitre 3), le sociologue et philosophe Raymond Aron (Chapitre 4), le théologien américain Reinhold Niebuhr[1] (Chapitre 5), et le philosophe de la liberté négative Isaiah Berlin[2] (Chapitre 6). Le titre de son ouvrage s’inspire vraisemblablement d’un des ouvrages de Reinhold Niebuhr[3], The Children of Light and the Chidren of Darkness. Le théologien y défendait une doctrine du réalisme défensif. Les États sont guidés par la volonté de survivre. Ils peuvent dans certaines circonstances transformer cette volonté de survivre en une volonté de pouvoir. Les forces du mal, les enfants de l’obscurité — children of darkness — sont à l’époque l’URSS. La démocratie américaine et plus généralement le monde libre devaient face à cette menace se préparer à la guerre et s’opposer radicalement à ces forces du mal.

La partie la plus originale et la plus instructive est probablement la conclusion. Elle s’intitule, Good Character for Good Liberals ? — de bonnes personnes pour un bon libéralisme ? Il s’agit de proposer une reconstruction du libéralisme non sur une éthique ou un savoir mais sur un éthos — ethos and the reconstruction of liberalism.

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