La mode est aux évènements apocalyptiques et Isabelle Autissier n’y échappe pas. Par son « naufrage de Venise », elle ajoute à sa célébrité de navigatrice celle d’une écologiste engagée. Sans doute son roman se veut-il un simple avertissement. Il n’en demeure pas moins que le début du livre commence par la fin, à savoir par la mort de la Sérénissime qu’elle va justifier tout le long de son livre. Son récit reflète par la poétique de son style et la place accordée aux sentiments une esthétique réaliste. Peu de fiction est nécessaire pour pleurer un passé révolu, dépeindre le délabrement bien connu des façades, critiquer les milliards dépensés pour la réalisation d’un barrage auquel elle accorde à tort une efficacité improbable et dénoncer la responsabilité de monstrueux paquebots mettant en danger le fragile écosystème de la lagune.
Certes les Vénitiens sont tous amoureux de leur cité princière mais chacun à sa façon. Léa, jeune Vénitienne passionnée des cours de l’Art à la très sélecte université Ca’Foscari est l’antinomie de Maria-Alba sa mère, aristocrate de vieille souche. Naïve elle est séduite par son professeur Livio Scherzi, homme de gauche, fermement opposé au développement d’une Venise’s land pour touristes. L’élève est très vite partagée : Guido, son père à la fois conseiller aux affaires économiques et promoteur immobilier, voit dans le tourisme une source d’enrichissement pour sauver la ville, au contraire de Livio qui y voit un suicide. Malgré tout, Venise fait encore rêver. Sur l’une de ses îles devenue terrain vague, policiers et zadistes vont s’opposer, faisant de Guido et Léa le symbole d’une lutte intergénérationnelle bien d’actualité! Parviendront-ils à se mettre d’accord ? Une chose est certaine c’est que Venise n’échappe pas plus que les hommes aux préjudices du temps qui passe. L’écologiste a-t-il pour autant raison d’y chercher sa raison d’être?