Impossible de rester indifférent à ce recueil de réflexions qui n’a d’autre but que celui de la survie. Ahmet Altan, fervent défenseur de la démocratie, rédacteur en chef du quotidien turc Taraf, est un prisonnier politique. L’objectif du livre : ne pas tomber dans une apathie morbide qui finirait par le mener à la délation, à la folie ou à la mort. Son emprisonnement n’est pas inopiné, il l’attendait, sa valise était prête. Mais une fois dans sa cellule, les souvenirs l’assaillent le jour et les rêves la nuit. Alors l’intellectuel réalise l’importance des sensations qui vont dicter l’écriture, refuge à l’abri du monde mais qui l’emporte vers le monde. Car c’est la vie en tant que telle qui lui inspire la vérité, l’intuition de l’instant qui lui fait maîtriser le temps et non les raisonnements stériles. C’est le souvenir de son père incarcéré comme lui quarante-cinq ans en arrière, c’est le “Voyage autour de ma chambre” de Xavier de Maistre.
C’est la foi de son colocataire de cellule qui le fait remercier ce Dieu auquel il ne croit pas, c’est l’imagination d’un autre qui lui procure une ceinture de fortune. C’est la tâche rouge perçue dans le rêve qui réveille la profonde souffrance des poignets menottés ou la contemplation d’un barreau de fenêtre au lever du jour. Le personnel de la prison et de la justice réduit à de simples marionnettes le fait ironiser sur la fragilité d’un régime tyrannique. Ainsi comme l’artiste peintre n’a jamais fini de retoucher son tableau, Ahmet Altan n’en finit pas d’observer “la poignée de ciel bleu” surmontée de barbelés qu’il “passe sans encombre”. Car tout converge à donner un sens à la vie. L’auteur devient ainsi maître de lui, de son incarcération et d’un bien joli livre.
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« C’est la tâche rouge perçue dans le rêve »
La tache, svp.
Une tache d’encre n’est pas une lourde tâche.