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Taxer les livres d’occasion, une énorme erreur

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Dans un dernier épisode de « Taxer vos problèmes », la nouvelle victime du gouvernement est le livre d’occasion. Le président Macron l’a annoncé au Festival du livre de Paris, il va avoir sa taxe personnelle, qui sera « une contribution qui puisse permettre de protéger le prix unique et permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs aussi d’être mieux aidés ». Cette mesure ne redonnera pourtant pas de la vigueur à la pratique de la lecture ni au secteur de l’édition.

Si l’on veut que le secteur de l’édition survive et continue à créer de la valeur, il faut accepter de le voir changer. Notre environnement bouge dans tous les secteurs, de manière parfois brutale : nos vêtements, les média que nous utilisons, et même notre nourriture sont achetés différemment et les « business models » ont dû s’adapter pour rester pertinents. Le livre n’y échappe pas. Les achats de livres d’occasion augmentent tandis que ceux des livres neufs sont en chute. L’évolution ne s’arrêtera pas aux livres électroniques. Taxer le livre d’occasion ne fera que pénaliser le secteur entier, à le rendre imperméable aux aspirations de la société et aux  et aux trouvailles technologiques et à finalement le  paralyser, non sans avoir préalablement consommé des fonds publics.

Lors d’une intervention sur France Culture, le président du Syndicat national de l’édition (SNE), Vincent Montagne, a expliqué que cette taxe frappera les grandes plateformes internationales « qui ne paient pas d’impôts en France ». Est-ce à raison que l’on fait des grandes plates-formes les boucs émissaires dans cette affaire ? Elles ne seront pourtant pas les plus touchées, car la charge de la taxe va être transférée au consommateur ; après tout, elle censée combler le fossé entre le prix du neuf et le prix de l’occasion. N’oublions pas non plus que ces grandes plateformes de distribution sont souvent utilisées par les petits commerçants et que ce sont eux qui supporteront le coût administratif de la taxe.

M. Montagne a également dit que, puisque la taxe n’augmentera le prix d’un livre d’occasion que de 20 à 30 centimes, elle n’aura que peu d’impact sur la décision d’acheter le livre. Supposons que nous soyons d’accord sur ce point, mais alors la taxe manquera son objectif : protéger le secteur d’édition. Une petite taxe sur les livres d’occasion – qui ne représentent que 20% du marché du livre – ne va pas empêcher son déclin. Ce secteur doit relever des défis bien plus grands que celui du livre d’occasion : les e-books, les plateformes open source, une baisse de l’intérêt général pour la lecture et sans doute d’autres développements que nous ne soupçonnons pas encore. Le plus triste dans cette affaire est que, confronté à l’échec de la taxe, de nouvelles contraintes de plus en plus absurdes seront probablement imposées aux lecteurs.

Cela met en lumière plusieurs des problèmes qui frappent la France en ce moment : les dépenses énormes, le manque de revenus et la surprotection de certaines industries. Le secteur de l’édition doit s’interroger sur la manière de rester pertinent à l’heure actuelle, plutôt que de faire payer son existence à d’autres. Nous devrions également reconsidérer le rôle du gouvernement dans ce secteur. Il ne s’agit pas ici d’en appeler à la disparition du livre papier, ce choix appartient aux lecteurs et non pas à l’État. Mais, dans un monde qui bouge, la meilleure stratégie pour le livre n’est sans doute pas de protéger becs et ongles le principe du prix unique.

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