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Retraites : la pandémie de tous les dangers

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Il y eut d’abord en janvier 2020 l’apparition officielle du virus en Chine, à laquelle et malgré la présence de notre consulat à Wuhan, personne ou presque ne daigna chez nous vraiment porter attention, moquant même ceux qui se risquaient à y voir autre chose qu’une grippe exotique, passagère et bénigne. Ensuite vint la menace, le virus se propageant de manière alarmante, et même avec tous les freins et les retards que la Chine mit à en convenir, on commença à la prendre au sérieux. Puis éclata enfin la pandémie tardivement déclarée par l’OMS, avant que ne se dessine peu à peu inégalement la propagation à tous les continents, alors que les recherches entreprises sur le patient zéro en détectent l’origine de plus en plus tôt, dès novembre 2019, voire bien avant.

Et l’on découvrit progressivement que la France manquait de tout. Pas de masques: car récemment détruits, mais pas renouvelés. Pas de tests: nos laboratoires vétérinaires en avaient pléthore mais , ont été contraints de les céder à l’étranger, nos gouvernants préférant la pénurie à l’image ravageuse de l’hôpital public sauvé par des « vétos ». Pareil pour l’hospitalisation privée constamment maintenue en marge, la médecine de ville étant même un temps pratiquement proscrite aux patients. On a aussi transformé les EHPAD en lazarets quasi carcéraux. Pour faire face à la montée de la pandémie, il n’y avait pas suffisamment de lits équipés là où il en fallait, au point d’ imposer à grands frais des réaménagements d’urgence dans les établissements et de lourds transferts interrégionaux ou même internationaux à quelques centaines de patients jugés « transportables ». Pas assez de respirateurs non plus, au point de devoir en bidouiller des avatars à toute vitesse, en 3 D ou avec des masques de plongée Décathlon, avant que le concours spontané et efficace du secteur privé ne porte secours aux » vierges folles » du secteur public. Puis les médicaments vinrent à se faire rares, quelquefois à manquer. Pas de sur-blouses pour les soignants obligés de tailler à la va-vite leurs protections dans de sinistres sacs poubelles.. Bref d’un côté, le dévouement sans borne des personnels, leurs initiatives constantes pour contourner les blocus administratifs, vaincre les pénuries de tout et soigner envers et contre tous de l’autre, l’incurie obscène de l’État incapable de gérer ce temps de crise et contraint, après avoir épuisé tous les expédients, après avoir menti effrontément à la Nation, d’imposer un confinement général et prolongé qui en dit long sur le désarroi de nos élites « républicaines » et l’inexcusable décrochage de la haute fonction publique. Ce catalogue critique, mais nullement exhaustif, n’est ici rappelé que parce qu’il montre comment l’État, par son imprévoyance, par ses contradictions et par son impéritie a sans nul doute très largement alourdi la facture – tant en vies perdues qu’en euros – d’une pandémie incomparablement mieux traitée en Allemagne (pays riche) ou en Grèce (pays pauvre).

Or ce confinement « universel » nécessité par l’absence de tout autre option, a entraîné la mise en place d’un chômage partiel, dans des proportions qu’on n’avait encore jamais vues, puisque le pic atteignit plus de douze millions de travailleurs , la plupart payés à ne rien faire (sauf à assurer la garde de leurs enfants dépourvus d’enseignants) ou à peu faire. Le résultat est que la moitié ou presque des travailleurs du secteur privé se sont retrouvés en chômage partiel ou complet. Mais:
– s’il est normal qu’en cette période de crise, l’État ait assoupli les conditions de l’indemnisation du chômage de manière à éviter que la misère ne se répande sur le secteur privé,
-s’il est normal aussi que l’État assume le financement des indemnités dues à sa seule décision,
il n’est pas admissible que l’ampleur de ce chômage de crise vienne à mettre en péril l’équilibre des caisses de retraites complémentaires, alors qu’en outre nos gouvernants se vantent d’avoir mis en place le système le plus généreux du monde (traduction : le plus ruineux pour le contribuable). Certes un dispositif correcteur a été rajouté en urgence pour la retraite de base, mais les indemnités de chômage sont exemptes de toute cotisation sociale et elles ne procurent donc aucune ressource aux caisses de retraites complémentaires privées. Et visiblement, le patronat qui externalise à bon compte une partie de ses salaires et les cotisations qui vont avec, tout comme les salariés, qui ne payent plus du tout de cotisations ouvrières, s’entendent comme larrons en foire pour … proposer mezzo voce de mettre une nouvelle fois à contribution les retraités qui n’en peuvent mais et qui souffrent une fois de plus du refus qu’on leur interdise obstinément toute représentation collective nationale. En multipliant les précautions, le Conseil d’orientation des retraites a prévu le 11 juin dernier une moins-value globale de recettes de quelque 26 milliards d’euros pour la seule année 2020. Or avec le système de répartition universelle dont nous sommes si fiers (bien que personne ne nous l’envie), ces caisses ne peuvent distribuer des pensions qu’à partir des encaissements de cotisations d’assurance-vieillesse qui leur sont dédiés. Le défaut persistant de rentrées d’une part importante de ces cotisations signifie immanquablement -une fois consommés les quelques excédents transitoires et les quelques réserves amassées ici ou là- le tarissement à terme du versement des pensions. Et quand l’État refuse d’avancer à l’AGIRC-ARRCO la contrepartie des cotisations dont le chômage partiel l’a privé, il se défausse sur le secteur privé d’une partie importante des conséquences les plus immédiates de l’arrêt d’activité qu’il a imposé autoritairement au pays et dans des proportions d’autant plus critiques que ses propres carences, patentes sur toute la ligne, ont fortement contribué à aggraver la situation. Alors certes on peut y voir simplement un refus provisoire, qui sera rapidement levé quand les choses rentreront dans l’ordre et que – espérons-le – la raison reviendra. Mais on peut aussi avancer une analyse tout autre à la lumière récente du bras de fer qui a opposé l’État à l’AGIRC-ARRCO, aux caisses des professions libérales ainsi qu’à celle du Barreau.

On se rappelle, lors de la présentation du projet de réforme des retraites, la volonté avouée du Gouvernement de mettre la main sur ces différentes réserves. Devant la bronca suscitée par cette tentative de hold-up, le pouvoir a certes reculé, mais sans jamais renoncer complètement à mobiliser ce pactole pour ses propres besoins, notamment le coût faramineux des mesures transitoires en faveur des régimes spéciaux indûment prolongés sur plusieurs décennies. En asséchant les recettes des caisses titulaires de ces réserves par une organisation prédatrice du chômage partiel, dont une conséquence importante se trouve ainsi indûment transférée sur l’assurance-vieillesse, l’État pourrait sans difficulté contraindre les caisses les plus prudentes et les mieux gérées à piocher dans leurs réserves aux pires conditions, c’est à dire dans l’urgence et face à un marché qui est loin d’avoir recouvré ses cours de fin d’année. Or les cotisants et retraités concernés, en constituant ces réserves, n’avaient nullement pour intention d’épargner à l’État la charge d’un confinement général dont il a souverainement et solitairement décidé et abusé, avec son corollaire du chômage partiel dont les caisses de retraites devraient être intégralement déchargées. En réalité et avant même l’adoption incertaine de la réforme des retraites, il s’agirait d’un véritable passage en force, destiné à faire plier les opposants les plus déterminés à la réforme en cours. Naturellement, la pérennité et le pouvoir d’achat de nos retraites déjà si fort mis à mal, sont en cause. Tous les médias, avec le renfort à l’unisson de nombre de prétendus spécialistes fort complaisants, insistent à loisir sur le montant pernicieux du niveau de vie qui, en mélangeant opportunément pensions de retraite et revenus du patrimoine, va confirmer que les retraités s’en mettent plein les poches. C’est ainsi que, même en cas de gel des retraites, l’effondrement du PIB va notablement accroître l’écart du niveau de vie entre actifs et retraités, au point qu’un nouvel impôt anti-retraités pourrait en dépit des engagements de l’éxécutif devenir moins improbable: alignement sur le taux de CSG de droit commun ou encore suppression de l’abattement forfaitaire au titre des frais, sans préjuger davantage de l’imagination vibrionnante de Bercy.

Bien entendu et comme le rappelle à juste titre « Sauvegarde Retraites », cela pose encore un problème d’égalité et de justice sociale, puisqu’une fois de plus le secteur privé sera taillable et corvéable à merci, alors que (exception faite naturellement des soignants et autres corps courageusement restés au front) une bonne partie du secteur public aura discrètement jeté aux orties la continuité du service dont il se gargarise à tout bout de champ, en se faisant largement porter pâle. En effet, en contraste aevc la mobilisation du secteur privé sur nombre de métiers vitaux pour le fonctionnement de la collectivité (notamment distribution, alimentation et transports), il a été ménagé dans le public, à côté d’agents qui, sans flancher, ont parfaitement assuré leur mission, un secteur « préservé » (notamment la poste, la justice, l’enseignement, la Sncf, la Ratp etc.) qui a largement bénéficié sans guère de contrepartie du maintien de l’intégralité de son traitement, de ses primes et de ses droits à retraite par la ponction magique sur un contribuable sidéré et qui n’en peut plus.

On peut craindre dès à présent que, dans le tournis des centaines de milliards en jeu, la pandémie ne fournisse un excellent prétexte à ce Gouvernement pour imposer à son gré, hors réforme ou dans la réforme, au secteur privé et à ses retraités, des sacrifices injustes que, sinon, il n’aurait jamais pu exiger d’eux. Il lui faudra pourtant faire attention à ne pas définitivement s’aliéner davantage les 17 millions de retraités, qu’il n’a cessé de matraquer durant tout le quinquennat et dont la sensibilité est désormais à fleur de peau. Car le souvenir récent des gilets jaunes est là pour rappeler au président de la République que, venant de sa part, la moindre mesure de trop peut avoir des conséquences redoutables et difficilement maîtrisables surtout en cas de récidive et à portée de tir de l’élection présidentielle. Cette pandémie aura au moins eu le mérite de faire voler en éclat deux slogans tout aussi officiels que mensongers, sur les vertus supposées de notre « modèle social », car:

1- cela fait déjà longtemps que, comme l’ont confirmé les travaux d’Aymeric Belaud publiés par l’IREF le 20 mai dernier, nous n’avons plus le meilleur système de santé du monde;
2 – pas plus que nous n’avons le meilleur système de retraite du monde, la dernière étude comparative sérieuse (« Global Pension Report 2020 » de l’assureur allemand « Allianz ») sur le sujet reléguant à la 51ème place sur 70 notre flamboyant système par répartition qui commence à battre sérieusement de l’aile.

Mais rien ne nous empêche, drapés dans notre arrogance, de soutenir le contraire en continuant à négliger ostensiblement tout autant l’hospitalisation privée que la médecine de ville et en refusant stupidement d’introduire la moindre dose de capitalisation dans une réforme qui, dans plusieurs décennies, fera de notre système de retraite tout neuf, entièrement vierge de toute capitalisation et nationalisé, l’un des plus arriérés qui soit. Le secteur public continuera à se tailler la part du lion en vivant grassement de l’impôt. Inversement le secteur privé, contraint à un équilibre de plus en plus précaire et enfermé à l’avenir dans un ratio de PIB – dont il ne risque de toucher qu’une partie rétrécissante vu le coût exorbitant des avantages promis aux régimes spéciaux sur d’infinies périodes transitoires- ne cessera d’être soumis à des sujétions de plus en plus injustes et pénalisantes. Mais on le sait depuis longtemps, l’État écoute bien davantage ceux qui, très minoritaires, ont le pouvoir de nuire, de menacer et d’imposer, que ceux, très largement majoritaires pourtant, qui sérieusement, honnêtement et sans désordre, s’efforcent de proposer, de négocier et de construire une société plus juste.

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