Depuis les années soixante, le taux de fécondité des Françaises s’est effondré, passant de 2,8 à 1,84 enfants par femme en 2020. Les générations nées pendant la période du baby-boom ont donc commencé à prendre leur retraite au moment même où la part d’individus en âge de travailler décroissait. Selon un rapport du Sénat, la proportion de plus de 65 ans dans la population a augmenté de 4,7 % entre 2000 et 2020 quand celle des 20-59 ans a diminué de 4,4 %. Conséquence majeure, durant la même période, le ratio entre le nombre de cotisants et celui des retraités a baissé de 2,1 à 1,7 et devrait continuer sa lente décrue jusqu’en 2070, date à laquelle il s’élèvera à 1,3.
C’est cet inquiétant constat qui a motivé la création du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) par Lionel Jospin dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Au départ conçu comme une section du FSV (Fonds de solidarité vieillesse), le FRR a pris son indépendance en 2001 pour devenir un établissement public administratif, dirigé notamment par le directeur de la Caisse des dépôts et consignations, mais qui confie la gestion de ses actifs à des prestataires privés, via un système d’appel d’offre classique.
L’objectif qui lui est assigné est clair : préserver l’équilibre financier du régime général de retraite entre 2020 et 2040, au moment où les effets de la « bosse démographique » commenceront à se faire sentir.
Un fonds aux performances dynamiques qui investit dans l’économie nationale
À l’origine, le Fonds était censé percevoir 1000 milliards de francs pour mener à bien sa mission, une somme qui, par la suite, s’est réduite comme peau de chagrin pour atteindre 31,3 Mds€ tirés notamment des privatisations d’entreprises, de la vente des licences de téléphonie mobile et de taxes affectées.
Dès 2011, le patrimoine du FRR s’élevait déjà à 37 Mds€ dont 5,6 Mds€ de gains réalisés grâce à l’argent de son « capital » fourni par l’État. Ces actifs sont divisés en deux catégories principales, une « poche de couverture », composée d’obligations de pays développés, en euros ou en dollars, et une « poche de performance » composée d’actions, d’OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières, des fonds destinés à mutualiser les risques d’investissement dans les actions) et d’investissements dans des PME non cotées.
À la fin de l’année 2021, comme le décrit son rapport annuel, le portefeuille du fonds se composait de 38,6 % d’actions cotées, de 37,4 % d’obligations dites de qualité, notamment venant de pays sûrs et de 7,4 % de parts d’entreprises non cotées.
En outre, 32,5 % de ces investissements étaient destinés à alimenter l’économie nationale, dont 1,1 Mds€ en capital-risque fléchés vers des start-ups hexagonales en déshérence de financements comparées à leurs consœurs britanniques.
Le détournement progressif des objectifs du FRR par l’État
En 2010, sous le premier mandat de Nicolas Sarkozy et suite à la crise financière de 2008, l’État aux abois cherchait de toute urgence de nouveaux moyens de financement de la dette sociale ; il a donc introduit une mesure en loi de financement de la sécurité sociale pour obliger le FRR à verser chaque année 2,1 Mds€ à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale), afin d’éponger un minimum des déficits du régime général des retraites, et ce jusqu’en 2025, date à laquelle cette somme sera réduite à 1,45 Mds€.
En 2021, le FRR avait donc été ponctionné au total de 27 Mds€ au profit de la CADES et, de manière plus marginale, de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse), alors que dans le même temps, ses investissements lui avaient rapportés 16 Mds€.
Comme le montre le graphique suivant, la performance du FRR a toujours été supérieure aux taux d’intérêts souverains depuis 2012, sauf en 2018 :
Depuis 2010, la performance annuelle du fonds a donc été de 4,7 % contre un coût annuel de 0,9 % pour la dette de la CADES.
Toujours selon les calculs du Sénat, l’argent placé par le fonds a donc rapporté 12,3 Mds€ de plus que si celui-ci avait été affecté au remboursement de la dette. Selon le FRR, ses réserves s’élèveraient aujourd’hui à 56 Mds€, s’il n’avait pas été mis à contribution par l’État, et même à 74 Mds€ si celui-ci avait continué de le financer après 2011.
Cette mise à contribution pose deux principaux problèmes pour l’avenir : elle obère la rationalité des choix financiers du FRR qui doit privilégier les actifs de sa poche de couverture plus sécurisés, mais dont le rendement est faible, et elle assèche ses réserves en le ponctionnant plus que les gains qu’il réalise.
À horizon 2033, le patrimoine de l’établissement public devrait donc s’effondrer pour atteindre entre 6,8 et 14,6 Mds€ selon le taux de rendement de ses actifs (entre 1 et 4 %). En tout état cause, il n’est plus à même de remplir sa mission initiale, dépecé comme il l’a été par les gouvernants successifs.
Dans la mesure où il est décemment possible de considérer que le régime général des retraites par répartition est insoutenable, dans les conditions démographiques et d’essoufflement de la productivité des travailleurs français, le FRR pourrait constituer un embryon de système par capitalisation, amené à se développer progressivement, à condition qu’il ne subisse plus de prélèvement de la part de l’État. À terme, ce modèle de capitalisation sous-traité au secteur privé pourrait même être mis en concurrence avec des fonds de pension plus classiques via, par exemple, la création d’un compte personnel de retraite.
2 commentaires
Ce n’est pas une réforme à points qu’il faut . Mais il convient de partager le production de richesses par un changement du système de cotisation :
Pour la retraite il faut une vraie réforme de la fiscalité et des cotisation des retraites , santé , chômage . La cotisation sociale et fiscale doit être basée sur le chiffre d’affaire des entreprises (part patronale). Paramétré par le bénéfice et sur la base d’une comptabilité sincère . Ce qui pénalisera les entreprises à faible M.O. et celles qui délocalisent .
Pénalisera aussi les entreprises qui pratiquent la culbute en important les produits du sud est asiatique , ainsi que les importations des pays de l’est .
De même les entreprises qui automatisent les process de production .
Ce qui rend obsolète l’ancien système de cotisation basé uniquement sur les salaires ,
ainsi que sur les revenus ( CSG etc….).
C’est aussi une façon automatique de taxer les trusts qui profitent des crises !!!
Ce système sera aussi favorable au PME et PMI et diminuera leur charge dite sociale automatiquement . Et il n’y a pas besoin de mettre des taxes .
voir aussi ce article :
Sauvons la Sécu : cotisations patronales sur le capital au lieu de … | Le Club
https://blogs.mediapart.fr/edition/pole-emploi-mon-amour/article/300714/sauvons-la-secu-cotisations-patronales-sur-le-capital-au-lieu-de-sur-le-travai
A la fin, ce sont toujours les salariés (et les consommateurs) qui cotisent…