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Retraités : Alerte rouge

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Il est absolument insupportable de voir partout prospérer l’affirmation très « tendance » que les retraités coûtent cher et même bien entendu (cf. Terra Nova, France Stratégie…et quelques autres éminences de la même paroisse) beaucoup trop cher à la Nation. Certes on se trouve bien en présence d’un système de répartition et voici souvent des lustres que les cotisations passées des retraités d’aujourd’hui ont financé les pensions de leurs devanciers d’hier. Mais si on dépouille ces retraités de leurs propres cotisations passées, il faut réciproquement admettre en logique de répartition que les cotisations des actifs actuels viennent directement en déduction du coût des pensions présentes. Or, bien qu’ils partagent avec les propriétaires fonciers l’insigne disgrâce d’appartenir à la race présidentiellement honnie des rentiers, on ne peut à la fois priver les retraités et du crédit de leurs cotisations passées et du produit des cotisations actuelles, car notre système de répartition demeure par essence un système contributif et il faut bien à un moment ou à un autre lui rattacher des cotisations qui ont été effectivement versées et qui n’ont pas disparu comme par enchantement.

C’est ainsi que brandir comme un abus intolérable les quelque 13% de PIB national que coûtent les retraites, sans rappeler symétriquement le pourcentage en PIB du produit – nécessairement voisin ou comparable – des cotisations qui les finance, participe directement d’une sorte d’escroquerie intellectuelle. Le fait qu’elle soit colportée sans vergogne dans tous les médias, qu’elle prospère partout dans les allées du pouvoir et ailleurs, sans que les retraités – comme frappés de sidération – ne songent à la réfuter, est tout simplement ahurissant. Cela montre hélas à quel niveau d’abrutissement est tombé le débat social dans notre pays, où – les allégeances chassant les intelligences – ne comptent plus désormais et hors de toute réflexion sérieuse que les voix des partis, des médias, des syndicats et des actifs.

Pourtant les retraités doivent se convaincre que la justice se trouve ailleurs et que c’est à eux de le faire savoir haut et fort, car ils ne peuvent compter sur personne d’autre qu’eux-mêmes pour contrer la mise en place d’un programme d’euthanasie financière, qui aujourd’hui ne fait plus guère de doute. La création, comme le détournement indigne, de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), accentués par le blocage prolongé des pensions sous la présidence Hollande, la hausse non compensée de la CSG aggravée pour la pension de base par le nouveau report au 1er janvier N+2 d’une actualisation qui devait auparavant s’opérer au 1er octobre N+1 (et … au premier janvier N+1 quelques années avant), sous la présidence Macron et depuis plusieurs années, la remise en cause systématique des avantages familiaux doublée de l’ascension irrépressible des coûts des complémentaires-santé pour parer au désengagement continu de l’assurance-maladie, tout ceci fait qu’en six ans à peine, les retraités auront définitivement perdu nettement plus d’une semaine de pension par annuité (imagine-t-on les contrôleurs aériens mis ainsi au pain sec et désormais payés jusqu’à la fin de leur carrière un peu moins de 51 semaines par an ?)

Or ce sont là autant de « signes » menaçants dont l’accumulation ne trompe pas, surtout lorsque certains des partenaires sociaux ou des « experts » bien en cour font de la libre modulation des pensions une piste prometteuse pour la future maîtrise de nos dépenses sociales. À preuve, la prochaine entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de l’accord du 30 octobre 2015 qui, après la fusion AGIC/ARRCO, va permettre de faire de la baisse des pensions une des variables d’ajustement des prochains déficits des complémentaires. Plusieurs syndicats prévoient déjà à 15 ans une baisse de 9% du niveau des pensions et il est clair que l’immense majorité des retraités n’ont pas pris la mesure des menaces qui pèsent très directement sur leurs pensions. Ils ne peuvent plus se retrancher derrière leur répugnance à fouler les pavés pour tolérer plus avant que les réformes des retraites se discutent en leur absence et se conduisent en les écartant abusivement de toutes les instances consultatives (Conseil d’Orientation des Retraites Comité de Suivi des Retraites, Conseil Économique Social et Environnemental notamment) ou décisionnelles (aucun Ministère, aucun Secrétariat d’Etat pour … 17 millions de retraités !). On voit maintenant toutes les conséquences désastreuses de certaines stratégies de discrétion irresponsables, qui conseillaient aux retraités de se faire oublier, dans l’espoir insensé qu’on ne toucherait pas à leurs pensions. Les retraités bernés subissent aujourd’hui la double peine, à la fois avec la baisse probable de leurs pensions à venir et avec leur présente mise hors-jeu du dialogue social, piégés qu’ils sont par des actifs qui détiennent tous les pouvoirs et qui ne semblent manifestement pas prêts à les partager.

Mais, avant de clore ce billet, il faut rendre justice à cinq grands noms à retenir parce qu’ils pèsent de toutes leurs erreurs, de toute leur savante duplicité ou de toute leur animosité personnelle dans la détérioration récente ou actuelle de nos retraites. A tout seigneur tout honneur avec François Mitterrand, dont dès 1983 la réforme démagogique de la retraite à 60 ans a, de l’aveu même de certains de ses ministres, mis durablement à mal des équilibres difficilement acquis. On saluera ensuite le merveilleux travail de sape d’Édouard Balladur qui, en 1993 et en jurant ses grands dieux de la garantie indéfectible et solennelle du pouvoir d’achat des retraités, décrocha de l’évolution des salaires l’indexation des pensions pour la ramener à celle des prix (bien plus aisément maîtrisable il est vrai avec le concours actif et docile de l’INSEE qui réussit ainsi depuis des lustres le tour de force de suivre dans un seul et même indice la situation d’un jeune couple ayant une famille nombreuse et celle d’un couple de vieillards en EHPAD. On rappellera à toutes fins utiles que Monsieur Balladur est également à l’origine de bien d’autres mesures pénalisant en 1993 les seules retraites du secteur privé, ses ambitions présidentielles d’alors lui interdisant de toucher le moins du monde au secteur public!)). On enchaînera avec l’aveuglement du Premier Ministre Lionel Jospin qui s’opposa par pure rigidité idéologique en 1998 à l’introduction des fonds de pensions, dont le principe de capitalisation eût pourtant permis d’atténuer ou de contrer la détérioration prévisible des contraintes démographiques qui étranglent aujourd’hui irrémédiablement la répartition. Pour faire bonne mesure, on n’aura garde d’oublier la présidence désastreuse de François Hollande, qui s’illustra à la fois par un gel prolongé des pensions et par le fameux accord d’octobre 2015, dont nous n’avons très certainement pas fini de parler. Le dernier nom est bien entendu celui de notre actuel Président, Emmanuel Macron, dont la phobie anti-rentière parfaitement irraisonnée l’amène à crucifier injustement les retraités sur l’autel d’une augmentation de CSG (plus de 25% quand même !), qu’en violation patente du principe d’égalité devant l’impôt, ils sont les seuls (ou quasiment les seuls) à supporter sans aucune compensation sur des revenus qui ne sont ni spéculatifs, ni financiers, ni occasionnels.

Une consolation, une faible consolation quand même : tous ces beaux esprits qui nous préparent fébrilement de si sinistres lendemains feraient bien de réaliser qu’ils deviendront rapidement eux aussi, l’âge aidant, les victimes expiatoires de la brusque rupture de solidarité qu’ils auront cyniquement imposée, en risquant en sus d’allumer une guerre des générations que le pays avait sagement su jusqu’alors éviter. Mais, tout n’est pas perdu : comme ce sont des gens qui pensent puissamment à eux, à leurs carrières, à leurs propres intérêts et à leurs futures pensions, il n’est pas impossible que les choses changent encore, notamment lors de la prochaine réforme annoncée des retraites.

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7 commentaires

Mickey91 21 novembre 2017 - 10:52

La CHANCE DE NOS PARENTS
Oui chance de nos parents qui de leur jeunesse (1900/1910) à leur disparition (1990/2000) n’ont connu,-hors les horreurs de 2 guerres-, que des améliorations de leur sort. Congés, utilisation des nouveaux moyens de liberté et de loisir : téléphone , appareils ménagers, automobile, distribution d’énergie et d’eau etc etc ? le tout avec une augmentation permanente des revenus, même si en fin de vie, il a fallu « mettre au bout » car les maisons de retraite ….c’est pas donné !
Malheur à nous qui les avons financés au travers de nos cotisations et plus tard de notre contribution aux frais de 4ème age… (où nous entrons à notre tour.
Au cours d’une Assemblée Générale d’anciens de la Société qui m’employait, j’ai proposé l’autre jour qu’une vaste campagne demande aux retraités de se retirer de toutes les associations qu’ils font tourner au bénéfice des autres pour compenser les carences de l’Etat et des Collectivités (Départements pour l’aide sociale) .
Laissez tomber Les Restos du Cœur, Emaüs, les Secours Catho, Populaires, ATDQM, les écoles d’alphabétisation, et toutes les autres. Faites le savoir aux maires, préfets pour transmission à leur anciens (énarques devenus ministres ou Directeur d’administrations centrales…)
Non seulement les retraités d’aujourd’hui ont travaillé pour les autres toute leur vie, mais ils sont encore les rouages indispensables du lien social.
Faudra-t-il que l’exaspération les rendent méchants ? Les blancs-becs d’aujourd’hui feraient bien de penser qu’un jour ils seront retraités.

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remarque 21 novembre 2017 - 12:10

Vous résumez bien la situation, aucun respect pour nos ainés, depuis les mesures prises par les précédents gouvernements ,une lente érosion du pouvoir d'achat de nos retraites . Effectivement si l'ensemble de cette communauté se retire des associations l'Etat ferait grise mine.je suis totalement en accord avec vos propos.

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NewTonE 21 novembre 2017 - 11:39

Pas d'euthanisie programmée pour les retraités des Fonctions publiques
Très bon article Thierry Benne, en particulier au plan historique. Mais toujours le même aveuglement: ne pas voir qu'il y a 2 espèces de citoyens,retraités ou non, en France: les Fonctionnaires et les autres Français. L'augmentation de la csg pour certains retraités est indiscutablement un vol. Par contre, je trouve normal que le total des 3 pensions versées par CNAV, AGIRC et AARCO soit ajusté périodiquement au niveau du total des cotisations versées au nom des actifs (parts salarié+ employeur). C'est cela, la solidarité inter générations . signé: un membre du Nouveau Tiers Etat titulaire d'une "forte" retraite du Privé acquise par de "fortes" cotisations;

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AUBERT 21 novembre 2017 - 1:14

reveillez-vous nous sommes a la retraite est pas encore mort….
17 millions de retraiter sa fait un bon % de votants ainsi que de compte en banque,comme quelqu'un l'avez proposer retirer votre argent des banques et abstenez- vous de voter ou voter intelligent.seulement les retraiter son des gens docile et ne descende que tres rarement dans la rue et sa les politiques le save tres bien.
quant a dire que les politiques eu aussi serons comme nous un jours sa c'est sur mes eus n'auront pas de problemes financier car il son prevoyant il on fait voter des loies qui proteges leurs regimes de retraites.
une autre chose qui me chagrine c'est le peut d'interet des retraiter a des articles comme celui-la qui les cosernes tous,personne na le courage de s'exprimer librement
aucune remarque sur cet article ???

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theano 21 novembre 2017 - 6:16

Prochaine étape?
Après l'euthanasie financière de ces retraités qui ont l'audace de vivre jusqu'à des âges indécents (c'est à voir), ce sera quoi à votre avis? L'euthanasie tout court? Je suis sûre que certains 'beaux esprits' du gouvernement y ont déjà pensé. Soleil Vert, nous y sommes presque.

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Latyna 1 février 2018 - 11:28

Ne vous inquiétez pas moi je partage largement et sur ma page Facebook et sur le Facebook de "10 millions de retraités en colère". Je confirme à NewTone les retraités de la fonction publique eux aussi sont bien victimes du gel de la revalorisation des pensions et de l'augmentation de la CSG donc logés à la même enseigne que les retraités du secteur privé.

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Artmedia 4 septembre 2018 - 11:12

Allez à l'Elysée!
Vous dénoncez …mais vous proposez quoi?
17 millions de retraités devant l'Elysée çà ferait du bruit non?

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