Notre ministre du travail, François Rebsamen, a voulu apporter sa contribution à la lutte contre le chômage. Au cours d’une récente conférence de presse, il a proposé de geler pendant trois ans les obligations qui s’imposent aux entreprises, qui passeraient de 9 à 10, et de 49 à 50 salariés. ?« Si cela créé de l’emploi, tant mieux, sinon, on remettra les seuils en vigueur et on n’entendra plus l’argument patronal » a-t-il commenté.
Car, il est évident que le passage des seuils par les entreprises imposerait de nouvelles obligations et charges sociales qui risquerait de bloquer l’embauche. En 2008 Jacques Attali, dans un rapport pour la libération de la croissance, avait recensé 34 obligations nouvelles liées au franchissement du seuil de 49 à 50 salariés pour un coût égal à 4 % de la masse salariale !
De son côté, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a jugé « urgent de s’attaquer à la question des seuils fiscaux et sociaux, qui contraignent de façon importante le développement des PME en France, et qui sont responsables du faible nombre d’entreprises, de taille moyenne, insérées dans la compétition internationale ».
Mais l’ensemble des responsables politiques et syndicaux ne croit pas que l’abolition des seuils contribuerait à l’amélioration de l’emploi et au développement des PME. « Nous avions pris position, en son temps, assez sévèrement contre ce dispositif porté par Nicolas Sarkozy. Je ne pense pas que dans le moment présent, il faille faire des expériences approximatives qui permettraient ou pas d’avancer dans ce sens », a déclaré M. Cambadélis, au nom du parti socialiste.
Il est heureux que l’expérience suggérée par M. Rebsamen n’ait pas été entreprise car elle n’aurait pas conduit à des embauches significatives. En effet, comment peut-on s’imaginer qu’une firme franchirait l’un ou l’autre seuil, pour bénéficier de la suppression des obligations sociales et fiscales pendant trois ans, sachant que tous les coûts qu’elle veut éviter s’imposerait une fois passé ce délai, avec de surcroît l’impossibilité totale de revenir en arrière !? La proposition de notre ministre du travail prouve sa méconnaissance profonde des mécanismes de l’entreprise.
Ainsi, pour démontrer les effets désastreux que constituent ces seuils, il faudrait procéder autrement : que ceux-ci soient définitivement relevés d’une unité, en passant de 10 à 11 et de 50 à 51 employés. Une modification aussi légère ne porterait pas atteinte aux « avantages acquis », si chers aux syndicats. Et dans ces conditions, on pourrait voir si les entreprises concernées embaucheraient bien un salarié supplémentaire, ou pas. Grâce à une constatation positive de ce fait, il existerait un argument solide qui encouragerait à relever enfin les seuils de façon significative.
Florin Aftalion
Professeur émérite à l’ESSEC
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Seuils !
Suis patron de PME (17 salariés) et je confirme ce que vous dites dans cet article !
Quelques informations complémentaires cependant :
il existe d'autres seuils, par exemple :
– les heures supp sont exonérés de cotisations patronales jusqu'à 20 salariés (loi aout 2013)
– le plafond CICE est à un euro près, à 2313 euros c’est CICE = 0 !! (et le salaire du patron est exclus de la base de calcul..)
Il faut faire sauter ces seuils, et ouvrir la négociation. Par exemple : ne pas mettre en place de CE (qui est unique en Europe..) à 50 moyennant un accord avec le personnel (remplacé par une prime, ou un autre avantage) Le DP à 10 salariés est devenu une calamité : plus d'un sur deux de ces salariés "protégés" demande un départ négocié avec un an de salaire, il y a un "tarif" qui circule !