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Prélèvement à la source : plus simple pour qui ?

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Le vieux serpent de mer du prélèvement à la source de l’IRPP a refait surface : messieurs Sapin et Eckert ont ainsi annoncé qu’il serait mis en place en 2018, notamment au nom de la simplification. « Plus simple » ? Tout dépend pour qui…

Dans une démocratie il est toujours plus sain que l’impôt soit payé directement par les contribuables, parce que cela fait mal : c’est bien cet aiguillon qui pousse les citoyens-contribuables à réclamer des comptes à leurs gouvernements en matière de dépense publique. Un prélèvement à la source efface la douleur, cache l’impôt : par définition, il rend le « consentement à l’impôt » républicain évidemment « plus simple ». Plus de la moitié des foyers ne paient déjà pas l’impôt sur le revenu, ce qui constitue un sérieux problème démocratique, faut-il réellement anesthésier l’autre moitié ?

Si la fiscalité était proportionnelle, avec un taux raisonnable et stable, la mesure pourrait sans doute constituer une simplification pour les français. Mais dans le cadre de la fiscalité française, très progressive, complexe et aléatoire, on comprend qu’il sera surtout « plus simple » pour l’État d’augmenter les prélèvements sans que cela ne se sente vraiment (comme cela a été le cas pour la CSG), voire fusionner IRPP et CSG pour rendre cette dernière progressive afin de satisfaire la gauche de la gauche (ce qui serait cependant anti-constitutionnel).

Il sera aussi « plus simple » pour l’État d’accroître la complexité des règles, puisque les contribuables seront en théorie court-circuités au profit de spécialistes, accommodants, dans les entreprises ou les caisses de retraites (pour les retraités) ou Pôle Emploi (pour les chômeurs). En revanche les contribuables, qui utilisent d’ailleurs déjà le prélèvement mensuel pour les deux tiers d’entre eux, devront toujours remplir des déclarations…

Pour les entreprises, à qui va échoir la tâche de payer l’IRPP des salariés, la simplification devrait être également assez peu évidente… elles qui croulent déjà sous la complexité administrative. Elles devront supporter un coût d’adaptation de leurs logiciels de paie, puis un coût de gestion de cette nouvelle tâche, impliquant prise en compte du taux correct, des changements de taux, avec va-et-vient avec l’administration fiscale d’un côté et avec les salariés de l’autre surtout en cas de litige… Temps perdu, coût financier, personnel mobilisé pour faire le travail de l’administration fiscale : la productivité des entreprises va s’en ressentir. Au vu de la conjoncture, il est assez peu probable qu’elles en aient besoin…

Des économistes avaient estimé le surcoût de la mesure pour les entreprises entre 1,3 et 3,5% de l’impôt collecté, dans la configuration d’un système fiscal relativement simple, ce qui n’est pas exactement le cas ici : rien qu’avec les 200 niches fiscales existantes en matière d’impôt sur le revenu, il ne faut pas beaucoup d’imagination pour voir que les coût réels seront bien au-dessus du maximum indiqué. D’ailleurs, la CGPME réclame déjà un mécanisme de compensation : on voit d’ici les négociations interminables. Tout cela ne respire pas franchement la simplification.

Effectivement, du travail sera épargné à l’administration fiscale en délégant sa tâche à des tiers-payeurs. 26 000 agents sont mobilisés, à un coût d’environ 1,7 milliards d’euros, voilà une belle économie. Il n’a cependant pas été annoncé que ces agents seraient remerciés… D’ailleurs, l’administration fiscale elle-même devra intégrer une interface supplémentaire avec les tiers-payeurs pour effectuer non seulement un contrôle de leur travail mais aussi gérer tous les litiges et incompréhensions. Après avoir multiplié le nombre de fonctionnaires, on multiplie le nombre d’entités responsables de la collecte, en dehors de la sphère de l’administration. Cohérence des données et compatibilité des logiciels entre ces différentes entités privées et publiques constitueront un défi de taille. Là encore, la simplification semble s’éloigner à grand pas.

Dans le contexte français de maquis fiscal, cette mesure censée soi-disant « faciliter la vie des français » affaiblit en réalité la reddition des comptes démocratique, brouille toujours plus la lisibilité du contrat démocratique « impôts-contre-services publics », étire dangereusement la chaine des responsabilités entre administration et entreprises en y augmentant la probabilité de confusion, et plombe encore un peu plus des entreprises qui avaient au contraire besoin de voir leurs tâches administratives allégées.

Cette simplification comporte donc tous les attributs de son contraire – sauf pour l’État. Simplifions d’abord la fiscalité, avant sa collecte.

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5 commentaires

LERY Franck 22 mars 2016 - 3:06

Retenue à la source
NON, TROIS FOIS NON à la RETENUE à LA SOURCE.
Complications à n'en plus finir pour les détenteurs de revenus provenant de plusieurs sources !…comme nous les retraités qui sommes affiliés à au moins 3 ou 4 caisses…Bonjour l'USINE à GAZ !

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Emmanuel Martin 23 mars 2016 - 6:41

d'accord
Bien d'accord avec vous M Lery. Nos décideurs ADORENT les usines à gaz, elles justifient leur emploi et celui de milliers d'agents.

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thomaspg 24 mars 2016 - 9:19

OUI SI..
Oui au prélêvement à la source si on simplifie le systèmme par exemple une flat tax, pas de gros problème spour les entreprises 'un peu comme pour la CSG du coup il ne reste plus que la declaration sur les revenus non salaries
mais quand je vois la complexite d enotre systeme que m^me des agents ne comprennent pas! que selon la perception une deduction sera ou non acceptee alors que la reference est faite au m^me article du code des impots mais que deux bureaux du meme service n'interprent pas de la m^me façon! je l'ai vécu avce un redressement au depart avec amende (pour fraude!) et à la fin sans amende ma bonne foi n'etant pas en cause et le contrôleur reconnaissant que l'on pouvait interpreter le texte de deux façons mais que dependant de sa circonscription dorenavant, c'etait son interpretation qui primait, il reconnaissait aussi que devant un tribunal je pourrai avoir gain d ecause (ou perdre) mais que le cout d ela procédure serait sueperieur au redressement!
j'ai compris ce jour là que notre etat de droit etait un etat des droits pour une petite elite!
Donc oui à l'impot a la source si celui ci comme dans les autres democraties redevient lisible et simple!mais venant d'un pays qui a invente l'impot sur la taxe, qui a reussi le tour d eforce d efaire en sorte que le revenu net soit inferieur au revenu imposable, je ne crois pas à ce reve!

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Dominogris 24 mars 2016 - 6:44

Le but réel est politique
– avoir l'air de réformer
– une année blanche en 2017, ce qui dope artificiellement la croissance
– le remboursement un an plus tard des niches fiscales, le contribuable faisant gentiment la trésorerie de l'Etat
Il va se produire des situations ubuesques, si une entreprise fait faillite par exemple…
Il faut de bonnes raisons pour changer un système qui fonctionne (à peu près) bien!

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chris 26 mars 2016 - 9:56

Arnaque!
Bjr,
sans compter que ce sont les contribuables qui joueront encore plus une banque gratuite pour ces politocards en manque d'argent frais afin d'augmenter gaspillages & privilèges!
@+

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