M. Darmanin a proposé que l’on revienne sur les niches fiscales «en diminuant le plafond global des niches, ou qu’on les mette sous condition de ressources pour qu’elles profitent aux classes moyennes et populaires plutôt qu’aux plus aisés » (Le Parisien, 03/02/19). Il estime en effet que « sur les 14 milliards d’euros que coûtent les niches fiscales, les 9 % de contribuables les plus riches » en captent « 7 milliards, c’est-à -dire la moitié ».
Il veut garder les niches comme un outil incitatif pour la très grande majorité des contribuables, mais en limiter l’usage pour les moins aisés. D’une certaine manière, il maintient les niches pour autant qu’on n’en ait ni le besoin ni l’usage ! Car évidemment les niches sont utilisées principalement par ceux qui ont les moyens de consacrer de l’argent aux dépenses qui y ouvrent droit. Et il augmenterait ainsi l’impôt de la classe moyenne supérieure. Le président Macron n’a pas tardé d’ailleurs à le remettre en place : « Le débat oui, mais la ligne ce n’est pas d’augmentation d’impôts » aurait-il dit à son ministre. Profitons donc au moins du débat pour souligner que la suppression des niches peut être une bonne idée à l’unique condition d’aller au bout de cette logique et d’adopter une flat tax.
Depuis l’imposition des revenus de 2013, l’avantage en impôt procuré par certains avantages fiscaux est limité, pour un même foyer fiscal, à 10 000 € par an. Sont concernées notamment les déductions pour investissements immobiliers Malraux ou neufs de Robien à Dufflot-Pinel, dans l’immobilier de loisir ou para-hôtelier, dans certains investissements Outre Mer, au titre des souscription au capital de certaines sociétés telles que SOFICA, FCPI, FIP, SOFIPECHE, ou encore pour les crédits d’impôt pour la transition énergétique, la garde d’enfant, l’emploi d’un salarié à domicile, des investissements forestiers… D’autres niches bénéficient d’un plafond de 18 000 € ( par exemple pour l’Outre Mer, le cinéma ou la réduction d’impôt « Pinel » acquise au titre des investissements réalisés outre-mer à compter du 1er septembre 2014) au titre d’une même année. Les autres niches ne sont pas plafonnées.
Le ministre prétend qu’il n’a en tête qu’un souci de justice fiscale. Mais s’il veut contribuer à la justice fiscale, il faut qu’il aille au bout de sa logique et qu’il supprime toutes les niches. Car chacune d’elle est une discrimination de plus, un avantage donné aux uns au détriment des autres. Et ce serait encore plus vrai si ces niches étaient réservées à quelques-uns en fonction de leur revenu. Ce serait en fait un moyen d’augmenter encore, de manière dissimulée, la progressivité de l’impôt sur le revenu qui est déjà très forte.
Mais l’intuition est juste. La multiplication des niches rend notre système fiscal illisible, incompréhensible. Ces niches se sont accumulées pour répondre aux revendications des uns ou des autres, pour faire plaisir à telle ou telle coterie ou corporation et en recueillir les voix. Et plus l’impôt était élevé, plus de telles demandes devenaient pressantes et plus les parlementaires soucieux de leur réélection ont succombé à la facilité d’y satisfaire. M Darmanin évoque les 470 niches recensées dans les lois de finances, où elles sont appelées « dépenses fiscales », qui représentent environ 100 Md€ de cadeaux consentis aux contribuables, 150% du produit de l’impôt sur le revenu (70Md€ en 2019). En réalité il y a plutôt 700 niches si on prend en compte tous les avantages accordés au titre de taux d’impôt dérogatoires, notamment en matière de TVA, ou d’abattements généraux comme l’abattement de 10% pour frais professionnels accordé à tous les contribuables, ou divers dégrèvements ou décotes… au total ces 700 niches pèsent près de 200Md€ sur le budget de l’Etat et des administrations sociales.
Compte tenu de ces niches fiscales, la base imposable de l’impôt sur le revenu est considérablement réduite. Elle était de 960 Md€ en 2017 alors que l’assiette d’imposition de la CSG, presque sans niches, était de 1.334 Md€ en 2016.
Il serait possible de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG en un impôt unique sur le revenu perçu sur l’assiette de la CSG au taux actuel de CSG majoré de 15% pour tous, cette majoration n’étant toutefois appliquée qu’au-delà d’une franchise de revenu de 17 000€ par part de façon à ne pas pénaliser les contribuables aujourd’hui exonérés d’impôt sur le revenu.
Ce nouvel impôt serait neutre et éviterait que l’Etat dirige, mal, les dépenses des Français. Il serait modéré et modérément progressif, simple, juste et efficace. Aucun contribuable ne paierait plus qu’il ne paye aujourd’hui. Il remobiliserait les énergies de ceux qui veulent entreprendre et travailler. Il dégagerait des marges budgétaires.
M Darmanin a ouvert le débat. Poursuivons-le dans le bon sens.
4 commentaires
Mettez-vous de côté la CSG ?
Bonjour,
J'ai découvert votre site voici seulement une semaine et lu avec intérêt votre article du 11 février sur les niches fiscales.
La "flat tax" que vous évoquez aurait la même assiette que la CSG
si j'ai bien compris.
Mais son taux serait-il de 15% ou bien serait-il le même que celui de la CSG (9, 1% Casa incluse) + 15% de celui-ci ?
Cette "flat tax" doit-elle, dans votre esprit, remplacer le seul I.R. ou bien l'IR et la CSG ?
Si c'est l'IR et la CSG à la fois, le taux de 15% est-il suffisant ?
Par avance, merci pour votre réponse.
Avec tous mes encouragements pour le travail que vous menez,
Jean Py
les niches fiscales
I y a d'abord un problème sémantique. La niche fiscale donne l'impression que c'est le contribuable qui se sert lui-même en s'octroyant une déduction. Dans la niche, on se cache. Alors que si on disait "incitation fiscale créée par le gouvernement" on comprendrait que celui qui râle contre la niche râle contre lui-même puisque c'est Bercy qui l'a décidée. Le deuxième point très dangereux est la fusion IRPP et CSG. Si on fait ça, à chaque campagne électorale on promettra d'exonérer des bas salaires et on perdra l'intérêt de la CSG qui est d'être universelle. Cette fusion est un piège.
Très cordialement
Confucius disait :"Quand les mots perdent leur signification, les hommes perdent leur liberté". Le terme niche fiscale est une invention sémantique comme vous le dites qui détourne la compréhension, s'il existe un moyen de payer moins d'impôts c'est que celui-ci est prévu dans le Code général des impôts C'e qu'il est exact de dire c'est donc "incitation fiscale créée par le gouvernement" le législateur emploie lui le terme de "dépense fiscale"
Qui sont donc ces 9% des plus riches ?
D'après la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et sa livraison du rapport des revenus 2016 (dernier en date !) ces 9% seraient des foyers fiscaux dont le revenu annuel fiscal par part serait supérieur à 47.030 euros.