Depuis 1974, la France a pris goût à la dette, à l’argent facile et au déficit. Les hommes politiques ont ensuite multiplié les promesses de rigueur, de gestion responsable, visant à réduire la dette publique qui pèse sur les générations futures. Jamais cependant ces engagements ne seront tenus. La fuite en avant budgétaire plongera la France, tôt ou tard, dans des difficultés extrêmes. Tentons succinctement de remonter le fil des événements pour comprendre comment nous en sommes arrivés là .
En 1979 survient le second choc pétrolier avec l’arrivée au pouvoir en Iran de l’ayatollah Khomeini. Pour autant, la dette publique ne dérape pas et se maintient à 20% du produit intérieur brut tout au long du septennat giscardien. Malheureusement, de bien mauvaises habitudes ont été prises et depuis, la France n’a plus jamais vu ses finances publiques ne serait-ce qu’à l’équilibre, et encore moins des budgets excédentaires. Les déficits se sont accumulés et la dette s’est envolée pour atteindre 113,3% du PIB en septembre 2022, quasiment 3 000 milliards d’euros (72,8 en 1978) ; les intérêts de cette dette colossale devraient dépasser 50 milliards d’euros cette année…
Le « plan Juppé » : dernière réelle tentative de réduire les déficits par des réformes structurelles
Pourtant, le 2 mai 1995, le tout nouveau président de la République, Jacques Chirac, affirmait dans un entretien aux Echos : « Mes deux orientations majeures sont l’emploi et la réduction des déficits publics ». Dès octobre de la même année, il annonçait deux ans de rigueur pour endiguer les déficits et refaire de la France « une grande puissance ». Son gouvernement souffrit d’une spectaculaire chute de popularité et cependant ce désamour ne devait pas le faire changer d’avis. « Je n’ai pas été élu pour être populaire. La France vit au-dessus de ses moyens. Il faut réduire les déficits », avait martelé le chef de l’État, en reconnaissant, pour la première fois, qu’il avait peut-être sous-estimé pendant sa première campagne présidentielle la crise que connaissaient les finances publiques. Malgré son impopularité, l’Alain Juppé d’alors fut choisi pour Premier ministre avec l’appui total du chef de l’État.
Le 15 novembre 1995, le jeune Premier ministre monte à l’estrade de l’Assemblée nationale pour présenter un vaste plan, baptisé « plan Juppé », qui doit réformer la Sécurité sociale afin d’en finir avec son déficit chronique. Il s’agissait principalement d’allonger la durée de cotisation des fonctionnaires de 37,5 à 40 ans pour l’aligner sur le secteur privé, de soumettre les allocations familiales à l’impôt et de baisser le remboursement des frais d’hospitalisation ainsi que de certains médicaments. Dans le même temps un projet de restructuration de la SNCF était proposé, provoquant la colère des cheminots qui s’empressèrent de rejoindre la révolte de la fonction publique.
Le pouvoir de blocage des syndicats
A partir du 24 novembre, la quasi-totalité des syndicats défile ensemble, les étudiants et les lycéens se joignent au mouvement, la SNCF démarre une grève générale et reconductible, EDF-GDF et la RATP s’en mêlent. Le spectre d’un nouveau Mai 68 se profile. Alain Juppé veut tenir bon, il se dit prêt à rester « droit dans ses bottes », mais à partir du 1er décembre, les employés de France Télécom (Orange aujourd’hui) rejoignent la contestation, suivis des postiers : la majorité des centres de tri ne fonctionne plus. Plus aucun train ni métro ne circule, et seulement 5 % des bus roulent encore. La France entière bascule dans la paralysie, d’autant que sur les routes, des bouchons gigantesques se forment matins et soirs.
Alain Juppé fait alors quelques concessions et met en place des moyens de transport alternatifs pour tenter de briser les grèves, mais les manifestations ne s’arrêtent pas, elles grossissent même de semaine en semaine. Le 12 décembre, plus de deux millions de personnes défilent dans toute la France, et l’on compte, selon les organisateurs, 270 cortèges. Dans les sondages, loin d’exprimer un ras-le-bol face à la situation et aux blocages qu’ils subissent, près de 60% des Français soutiennent le mouvement. Le 15 décembre 1995, le gouvernement annonce que le « plan Juppé » ne touchera finalement pas aux retraites. La fonction publique est épargnée, ainsi que les régimes spéciaux. Le 30 décembre, une loi d’habilitation est votée, permettant au gouvernement de faire passer la réforme, qui ne comprend plus qu’une petite partie du volet Sécurité sociale, par ordonnance. C’en est fini du « plan Juppé ».
Un an plus tard, la dissolution de l’Assemblée nationale amènera les socialistes au pouvoir et plus jamais la France ne se verra proposer de réformes ambitieuses pour rétablir l’équilibre budgétaire.
Depuis, des tentatives minimalistes s’accumulent, sans grand succès
Beaucoup de promesses vont être faites par les gouvernements qui se sont succédé au cours de ces 27 dernières années, mais jamais aucune ne sera tenue et la dette s’est aggravée chaque année. En signant le traité de Maastricht en 1992, nous nous étions engagés à ce qu’elle ne dépasse pas 60% du PIB, et nous voilà quasiment au double. Maigre consolation, à la fin du deuxième mandat de Jacques Chirac, le gouvernement Villepin 2005-2007) parvint à limiter le déficit à 2,5% du PIB, ce qui s’accordait avec les engagements maastrichtiens de le maintenir en dessous de 3%.
Qui ne se souvient des mots de François Fillon le 21 septembre 2007 : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier », la dette se montant alors à 1 211,6 milliards d’euros. Pourtant, la crise financière la fera plonger de 148,8 milliards d’euros supplémentaires en 2010, le déficit atteignant -7,1% du PIB. Il faut reconnaitre que tous les États furent touchés, mais tous se sont ensuite efforcés d’assainir leurs finances publiques. Si bien que fin 2018, le déficit moyen dans l’Europe des 28 était de -0,6%. La France était l’un des pires élèves avec -2,5%. Quand l’Allemagne prévoyait un plan de rigueur de 80 milliards d’euros, celui de la France se limitait à 45 milliards.
Plus tard, Michel Sapin, ministre de l’Économie de François Hollande, se félicitera que le déficit du budget ait été réduit d’un milliard d’euros en 2016, pour passer à 68,98 milliards… L’entourloupe du président Hollande en l’occurrence avait consisté à faire supporter les baisses de dépenses aux collectivités. Sous couvert d’ascétisme, l’État leur avait confié certaines de ses missions, souvent sans compensation financière, tout en réduisant l’enveloppe de leurs dotations. Ce sont donc les collectivités locales qui ont dû fournir des efforts, pas l’État.
Si le déficit a pu parfois osciller de quelques milliards d’euros d’une année sur l’autre, la dette, elle, n’a cependant jamais cessé d’augmenter. Quant aux promesses de nos dirigeants, elles reflètent leur incapacité à agir avec courage. A les en croire tous, ils vont s’atteler à la tâche et la situation se sera nettement améliorée à la fin de leur mandat. Dernier en date, le président Macron dont l’objectif annoncé n’est même plus de réduire la dette, mais d’essayer de tenir le déficit en dessous de 3% à partir de 2027… Il nous est déjà difficile de limiter l’accroissement du déficit chaque année, comment serait-il possible d’envisager de réduire la dette sans des réformes structurelles fondamentales ? Ne pas avoir engagé les changements indispensables nous promet un réveil douloureux.
8 commentaires
Oui Mais la dette est illégitime selon Mélenchon (professeur de français en lycée technique) et de toute manière ce sont les riches qui paieront. En France on est riche à partir de 4.000 euros par mois. C’est dire le niveau de la richesse. Sauf pour les élus nationaux.
Comme le précisait JR dans un autre commentaire : »En 1981, la France n’est pas un pays sous administrée et il n’y avait que 1,7 million de fonctionnaire pour 55 million d’habitants, chez l’erreur… »
Comment voulez-vous éviter les dettes et la faillite certaine de la France avec 7 millions de fonctionnaires car ne nous trompons pas, c’est bien le coût exorbitant des dépenses publiques 70 % du PIB à ce jour qui nous ont emmené vers l’abime.
Seul le Président Pompidou savait gérer la France puisque, à l’époque, il n’y avait AUCUNE DETTE ! avec 30 % du PIB en dépenses publiques !
Aujourd’hui : 3000 milliards de dettes + 5000 milliards d’engagements hors bilan (dont on ne parle jamais) + un déficit budgétaire annuel de 100 milliards + un déficit du commerce extérieur de 80 millards environ !!!
Depuis le Président Pompidou, nous n’avons eu à la tête de la France QUE DES INCAPABLES MALHONNETES qui ont laissé filer les dettes pour des raisons électorales, ce qui démontre leur irresponsabilité et leur médiocrité.
Les présidents successifs et leurs gouvernement auraient dû tous finir en prison pour escroquerie vis à vis du peuple de France.
Le français étant inculte en économie et en finance, il fallait des gens honnêtes au pouvoir pour guider les veaux et savoir leur dire NON !
On ne peut pas demander aux gouvernements français successifs ce qu’ils ne peuvent pas vous donner…
Il y a des discours électoralistes de bonnes intentions qui n’engagent que ceux qui le s prononcent en se réservant une application du type « contrat à durée déterminée »
La France reste la France, sur ce plan-là … :
• ELLE PROMET, mais ces promesses sont des vœux et non pas des engagements…
Alors, je ne me fais aucune illusion, car ce qui manque à la France pour devenir un pays qui se tient dans ses engagements : C’est UN CHEF D’ÉTAT, courageux qui tient ses engagements, sans se retourner pour réaliser ce qu’il a prononcé publiquement ors de l’exposé de son programme….
En France nous recherchons un CHEF D’ÉTAT, c’est aussi simple que cela… !
Je partage le commentaire d’ASTERIX. Les Français adorent qu’on les fassent rêver, en fait ils subissent un cauchemar …
Vous avez oublié François Fillon dans votre saga du déficit abyssal de la France. L’essentiel de son programme de candidat à la présidence était de réduire l’endettement. Son élimination a été requise et fut excellement rapide! Mais qui osera désormais à notre balance des comptes publics?
Erratum : « s’atteler » à notre balance des comptes publics
vu l’ampleur des déficits, pour les réduire, il faut taper dans les plus gros budget. On exclu la dette, puisqu’on ne peut rien faire d’autre que la rembourser, il reste: la fonction publique, les aides sociales…..Qui osera supprimer 50% des fonctionnaires (ils seraient encore plus nombreux qu’en 1980), ou supprimer une grosse partie des aides sociales en tout genre (sécu comprise) personne, donc malheureusement, la dette à de beaux jours devant elle, et quant on voit ou le léger programme de Fillon l’a mener en 2017, gare à celui qui essaierait
Je vous rappelle que le déficit des comptes publics a été initié par un inspecteur des impôts à la tête de l’Etat que les citoyens, à l’époque, n’avaient pas voulu reconduire. Mais comme le Français est devenu complètement « maso » il en a élu un autre en 2017. Malgré les catastrophes accumulées en peu de temps le Français a réélu « guignol ». Comment voulez-vous qu’on s’en sorte ?