Liz Truss a succédé à Boris Johnson au 10, Downing Street le lundi 5 septembre 2022, plus de 43 ans après que Margaret Thatcher fut elle-même devenue, le 4 mai 1979, Premier ministre. Celle-là est une grande admiratrice de celle-ci. Les deux femmes sont détestées et vilipendées par tous ceux qui voient en elles les suppôts du libéralisme honni. Le monde entier, ou presque, décrit Liz Truss comme déjà la Dame de fer, ainsi que l’avait surnommée les soviétiques, l’avait été. Parce que leur politique est à l’encontre de la doxa collectiviste ambiante.
Toutes deux ont trouvé une situation très dégradée. L’année où Mrs Thatcher accède au pouvoir, l’inflation galope, la productivité stagne, l’Etat-providence a tout envahi, l’Etat est sous perfusion du FMI, les syndicats multiplient les grèves tandis que le chômage monte… Mrs Truss n’hérite pas d’une bien meilleure situation avec une inflation à plus de 10%, au plus haut depuis quarante ans. Les grèves s’étendent, la guerre en Ukraine ralentit l’économie, les disputes autour du Brexit ont meurtri le Royaume-Uni et fragilisent ses relations avec l’Irlande….
Une vision claire
Toutes deux ont des propositions draconiennes et très voisines. Mrs Thatcher privatise (télécoms, hydrocarbures, ferroviaire…), ce qui renfloue les finances publiques, elle fait des coupes sévères dans les dépenses publiques, notamment certaines dépenses sociales et subventions, en particulier à certaines industries comme l’automobile et les mines. Ce qui lui permet de diminuer les impôts. Elle rehausse les taux d’intérêts de la banque d’Angleterre pour comprimer l’inflation et supprime l’encadrement des salaires et des prix Elle dérèglemente pour libérer l’industrie et surtout les services bancaires et financiers. Avec son ministre des finances Kwasi Kwarteng, depuis dix ans, Liz Truss prône aussi la dérégulation, la baisse des dépenses publiques et des impôts. Le soutien massif aux factures énergétiques, qui devrait coûter 60 milliards de livres pour les six premiers mois, ne masque pas le caractère très libéral de leur premier budget : abaissement des contributions sociales et de la taxe sur les transactions immobilières, suspension de certains prélèvements écologiques, suppression des limites aux bonus bancaires héritées de la réglementation européenne, soumission de l’accès au revenu minimal (« universal credit ») à des obligations pour certaines personnes qui travaillent moins de 15 heures par semaine…
Ces propositions radicales sont faites par les deux Premières ministres libérales pour permettre au Royaume-Uni de retrouver la prospérité. Elles ont raison de considérer que la baisse des prélèvements obligatoires restitue aux individus des capacités de dépense et d’investissement plus efficientes que les dépenses publiques. Elles ont raison de vouloir parallèlement réduire les dépenses publiques, à défaut de quoi la baisse des impôts peut créer des déséquilibres nuisibles. Les critiques s’abattent sur ce libéralisme qui favoriserait les riches. Mais comment faire pour baisser la fiscalité sans la réduire sur les riches quand ceux-ci supportent déjà la majorité des impôts sur le revenu et le patrimoine ?
Des handicaps plus nombreux
Mais nos deux dames ont surtout une vision philosophique de l’économie et de la société. Elles veulent rétablir la responsabilité individuelle comme le premier levier de prospérité de la nation, elles veulent redonner à la population le sens de l’effort et de la réussite individuelle, en réduisant le rôle de l’État. Liz Truss fustige l’Etat-providence européen et les pays « paresseux » dopés aux aides sociales. Le nouveau chancelier de l’Échiquier veut « remettre la Grande-Bretagne au travail » alors que le marché de l’emploi manque cruellement de bras. Mais Liz Truss saura-t-elle garder la même fermeté que son modèle qui résistait à ses adversaires en leur opposant qu’il n’y avait pas d’alternative : « There is no alternative » (TINA) ? Son premier recul a consisté à abandonner la suppression du taux d’imposition supérieur sur le revenu de 45% pour apaiser la bronca des députés conservateurs. C’est insuffisant pour en faire un signe de versatilité. « Je m’en tiens toujours au plan que nous avons annoncé et je maintiens que nous l’avons annoncé rapidement, car nous devions agir, mais je reconnais que nous aurions dû mieux préparer le terrain », a-t-elle affirmé. Peut-être même que son revirement sur la tranche à 45% montre qu’elle saura conserver non seulement la même vision que Margaret Thatcher mais aussi son pragmatisme.
Il reste que peut-être que la faiblesse majeure de ce premier « mini-budget » est de ne pas suffisamment réduire les dépenses. Le soutien aux factures d’énergie sera financé par l’emprunt et le déficit du Royaume-Uni pourrait être porté au-delà de 8% cette année. Ce qui n’est pas très raisonnable.
La réussite de la Dame de fer n’a pas été facile, mais celle de Liz Truss sera sans doute plus difficile encore. D’abord parce que le collectivisme est devenu plus prégnant qu’il ne l’était dans les années 1970, notamment en Europe. Ensuite parce qu’elle n’aura sans doute pas la chance de bénéficier outre-Atlantique du soutien d’un Reagan, ni de pouvoir s’affirmer dans une quelconque guerre des Malouines. Enfin parce le temps lui est compté : son mandat actuel finira au plus tard en 2024. Pour être reconduite, il faudra qu’elle ait remporté d’ici là suffisamment de succès pour que les conservateurs lui gardent leur confiance et qu’elle les entraîne à la victoire pour les législatives. Or toute politique de rigueur comme celle que veut, à juste titre, mener Liz Truss a besoin de temps pour rendre ses bénéfices. La Grande- Bretagne, dont l’économie déclinait dans les années 1970, était revenue dans le peloton de tête au début des années 90, mais cela ne s’était pas fait en quelques mois. Wait and see.
2 commentaires
Excellent texte qui démontre une chose très importante. En effet, ça fait plus de 60 ans que les idées et les recettes de gauche sur le plan de l’économie (et pas que) sont dominantes. Et ça fait plus de 60 ans que l’on persiste dans cette voie sans la remettre en question le moins du monde. C’est juste qu’il faut toujours plus de moyens et donc plus d’impôts, d’emprunts et de dettes (voir Einstein et le comble de folie qui consiste à utiliser toujours les mêmes recettes en espérant des résultats différents). Pourtant, il ne fait même pas être un « grand économiste » pour savoir d’avance que ça ne marche évidemment pas et que ça ne marchera jamais, peu importe les moyens. Tout socialisme est condamné à terme. Par contre, Liz Truss, elle, a jusqu’en 2024, càd. moins de 2 ans, pour convaincre et redresser les manquements et les déraillements de la gauche britannique (et assimilé) sur les dernières 20 années de destruction de l’héritage thatchérien, depuis Gordon Brown jusqu’à Boris Johnson. C’est tout de même curieux ces doubles standards. En cas d’échec de Liz Truss, on entendra encore les pisse-copies déclarer sans honte que les réformes libérales ne fonctionnent pas, que le capitalisme est mort et que le conservatisme est un fascisme. Affligeant !
Au lieu de continuer avec l’héritage Thatchérien, les anglais ont encore perdu des années comme nous français avec des socialoverdos incompétents et de véritables dangers publics pour les économies des Pays.
Je souhaite de tout coeur une belle réussite à Madame Lyz Truss et bon courage !