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Les subventions agricoles outre-mer : une politique publique inefficace

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Dans le contexte des forts mouvements sociaux qui agitent le monde rural depuis le début de l’année, leurs versions ultramarines sont passées relativement inaperçues. En marge du Salon de l’agriculture, le président de la République a pourtant reçu à l’Élysée les acteurs du monde agricole dans les DOM-COM.

 Le Président a, lors de cette rencontre, annoncé que les planteurs de bananes, qui peinent à sortir du marasme économique, recevraient une nouvelle aide de 11 M€. Or, les activités agricoles outre-mer sont déjà fortement subventionnées, par Bruxelles mais aussi par Paris, la valeur des aides dépassant celle des recettes tirées de la vente dans de nombreux secteurs et notamment dans les deux secteurs dominants de la banane et de la canne à sucre. À la fin de l’année dernière, la Cour des comptes a publié un rapport sur les subventions à l’agriculture des régions ultramarines qu’il est possible de qualifier de brûlot, tant le langage utilisé se départ de l’onctuosité diplomatique habituelle des sages de la rue Cambon.

Un entrelacs d’aides européennes et nationales

En 2021, 803 M€ au total ont été déboursés pour le secteur primaire ultramarin : environ 203 M€ de dépenses fiscales et 600 M€ de subventions, dont 147 M€ proviennent de programmes nationaux et le reste de la PAC (politique agricole commune).

En tout, les agriculteurs ultramarins sont éligibles à 63 dispositifs de droit commun et 46 qui leur sont spécialement destinés. Les principaux sont le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) et le FEADER (fonds européen agricole pour le développement rural). Issus de financements européens (323 et 127 M€ en 2021), ils correspondent aux premiers et deuxièmes piliers de la PAC, dont les objectifs sont schématiquement de soutenir et diversifier la production agricole, ainsi que d’assurer le développement rural.

Entre 2015 et 2021, la somme des subventions est en augmentation, passant de 549 à 599 M€. Le soutien européen demeure à peu près stable, celui de l’État augmente de 107 à 147 M€, à cause notamment des 54 M€ supplémentaires alloués à la canne à sucre et au rhum. Du fait de la concentration sur ces deux filières (la troisième, dite de diversification, concerne surtout l’approvisionnement des marchés locaux en fruits et légumes ou en viande, à La Réunion notamment, où les secteurs ovins et bovins sont plus développés qu’ailleurs), les Antilles se taillent la part du lion dans le partage de l’argent public : le montant des subventions perçues atteint ainsi 96 % de la valeur  de la production agricole en Martinique et 73 % en Guadeloupe (un chiffre à peu près identique à celui de La Réunion), contre 9 et 8 % en Guyane et à Mayotte.

Deux principaux secteurs sous assistance respiratoire : la banane et la canne à sucre

Malgré l’important soutien financier dont elles bénéficient (58 % des aides sont captées par ces deux types de culture), la banane et la canne vont mal. En 2016, la production annuelle a chuté de 260 à 200 000 tonnes et ne s’est jamais relevée depuis.

L’ouragan Maria, une concurrence mondiale féroce et la cercosporiose noire, une maladie que les cultivateurs ont du mal à traiter avec les seuls pesticides autorisés, en sont les principales causes (le nombre de produits phytosanitaires utilisables a été réduit et l’épandage aérien interdit). La culture de bananiers dits NBT (new breeding technologies), résistants aux maladies et considérés comme des OGM, demeure bannie par la Commission européenne, ce qui empêche les planteurs de relever la tête.

La production de canne à sucre et de sucre de canne a suivi le même chemin et a diminué de 23 et 20 % en cinq ans, malgré la suppression des quotas sucriers en 2017. Le montant des aides publiques est si élevé dans les deux secteurs qu’il dépasse celui du produit de la vente des matières premières agricoles. En 2020, il atteint 112 % de la valeur de production bananière, soit 114 M€ pour 127 M€ de subventions. Pendant la période 2015-2020, le contribuable aura également déboursé 825 € par tonne de sucre produite alors que le cours mondial oscillait entre 200 et 500 €.

Comble de l’ironie, malgré un fort taux de chômage structurel, le secteur primaire a du mal à recruter eu égard à sa pénibilité et à la concurrence que lui fait la fonction publique…

Petit à petit, l’agriculture ultramarine, (hors agriculture vivrière) s’est transformée en économie de rente, administrée et incapable de faire face à la concurrence internationale. L’État, pour des raisons essentiellement politiques, a accumulé les contraintes et les subsides jusqu’à bouleverser la rentabilité des principales cultures d’exportation.

La PAC étant le fruit de longues négociations avec nos partenaires européens, il apparaîtrait plus opportun de raboter en premier les dispositifs d’aides nationaux et la dépense fiscale destinée au secteur primaire ultramarin moyennant quoi, il pourrait bénéficier d’un choc de simplification salvateur décidé en concertation avec les principaux acteurs des filières concernées. Les exploitants y retrouveraient en fin de compte leurs profits et leur dignité.

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