L’Unédic vient de publier un rapport sur les prévisions financières de l’assurance chômage pour la période 2016-2019, et le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas encourageantes. La croissance est revue à la baisse sous l’effet du Brexit, le chômage devrait atteindre les 9,4 % à la fin 2016 pour augmenter à nouveau puis se stabiliser, et la dette devrait atteindre les 30 Md€ fin 2016, et jusqu’à 41,4 Md€ en 2019 ! Il existe pourtant des pistes de réforme pour résorber la dette de l’assurance chômage.
Les causes réelles de l’endettement de l’Unédic
La situation financière de l’assurance chômage est fortement corrélée au rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de chômeurs indemnisés, et donc in fine au niveau du chômage et à la croissance économique. Plus le chômage augmente, moins les contributions financières des salariés au régime d’assurance chômage sont importantes, et plus les dépenses versées aux chômeurs indemnisés sont élevées, ce qui réduit d’autant les équilibres financiers de l’Unédic. Or, le consensus actuel des économistes prévoit une forte révision à la baisse des anticipations de croissance pour l’année 2017, à savoir – 0,3 pts de croissance en moins, soit 1,2 %.
Mais la partie essentielle du déficit actuel de l’assurance chômage s’explique principalement du fait que depuis 2009, l’Unédic participe au financement du service public de l’emploi, de l’aide à la création d’entreprises et du budget de Pôle emploi, et qu’on observe une hausse globale de 700 M€ en frais de fonctionnement depuis la création de Pôle emploi, issu de la fusion entre l’ANPE et les Assédic. La contribution de l’Unédic auprès de cet établissement public administratif (EPA) est même constitutive de plus des trois cinquièmes de ses ressources, soit 3,2 Md€ sur un budget total de 5,5 Md€ en 2016 (voir graphique ci-après, section « financement et frais de gestion opérateurs »), le reste étant financé directement par l’État.
Le régime général de l’assurance chômage était pourtant excédentaire de 2 Md€ en 2015, tandis que le régime des intermittents et des intérimaires était en déficit de 2 Md€, ce qui résulte au final à une situation à peu près équilibrée. Comme on peut l’observer à l’aide du graphique ci-dessous, en 2016, le régime d’assurance chômage (hors dépenses non allouées auprès des allocataires et autres publics) serait légèrement déficitaire, de 477 M€, tandis que le déficit total de l’Unédic grimperait à 4,3 Md€ selon les prévisions en incluant les 3,5 Md€ de dépenses auprès des opérateurs de l’emploi (notamment Pôle emploi). L’endettement total de l’Unédic passerait ainsi de 5,6 Md€ en 2009 à 30 Md€ en 2016, et sans réforme majeure, il grimperait jusqu’à 41,4 Md€ à la fin 2019.
Revenir à un mode de gestion pro-cyclique de l’assurance chômage
Une autre raison majeure de l’aggravation du solde structurel de l’Unédic résulte du changement du mode de pilotage de l’assurance chômage par les partenaires sociaux à partir de la fin 2002. En effet, jusqu’aux années 2000, les règles d’indemnisation des chômeurs étaient définies de manière pro-cyclique dans le respect des impératifs de trésorerie : l’indemnisation était assouplie en période de croissance et durcie en période de crise économique, afin d’assurer la viabilité budgétaire à long terme de l’assurance chômage. La gestion contra-cyclique du régime, consistant à assouplir les règles d’indemnisation en période d’augmentation du chômage, a contribué à partir de la crise économique de 2008 à aggraver profondément le déficit structurel et l’endettement de l’Unédic, tout en réduisant les incitations au retour à l’emploi. Une gestion pro-cyclique permet au contraire d’inciter davantage le chômeur à retrouver rapidement un emploi en instaurant par exemple la dégressivité des allocations chômage ou en réduisant les plafonds d’indemnisation en période d’augmentation du chômage. Cela permettrait de revenir rapidement à des excédents et donc de commencer à rembourser la dette, tout en motivant davantage les chômeurs à accepter les emplois disponibles (même si ce sont des emplois moins qualifiés).
Les pistes de réforme pour résorber la dette de l’Unédic
Malgré cette situation inquiétante et irresponsable qui met en péril la viabilité du régime d’assurance chômage, les partenaires sociaux ont fait échouer la convention d’assurance chômage en 2016, qui a finalement entraîné la prorogation de la convention 2014 de l’assurance chômage. Cela entraîne une situation de blocage durable qui empêche de réformer les règles d’indemnisation et donc d’enclencher le processus de désendettement.
Il existe pourtant des solutions certes ambitieuses, mais efficaces et simples :
– Privatiser Pôle emploi, organe inefficace et dispendieux, permettrait d’accroître la performance des agences de l’emploi en les soumettant à des principes de rentabilité et d’efficacité. En 1998, la privatisation des services publics de l’emploi et la création d’un Réseau pour l’emploi en Australie, qui consistait à supprimer l’agence publique de l’emploi et à mettre en place un réseau d’acteurs privés de l’emploi à but lucratif et non lucratif, a permis de réduire considérablement le coût des services de l’emploi, tout en améliorant la qualité du service et le taux de placement des chômeurs et en faisant baisser le chômage de long terme.
– Ouvrir l’Unédic à la concurrence en permettant aux salariés de cotiser à des régimes différents d’indemnisation, avec des taux de cotisation différenciés et des règles d’indemnisation plus ou moins souples.
– Mettre fin au statut de la fonction publique dans les domaines non régaliens et introduire les fonctionnaires non titulaires dans le financement des cotisations à l’assurance chômage.
– Enfin, en cas d’échec de la négociation bipartite lors des conventions de l‘assurance chômage, il serait opportun a minima de déléguer l’aspect décisionnaire quant à l’évolution des règles d’indemnisation des chômeurs à un organe indépendant, qui pourrait alors imposer des mesures afin de résorber le déficit, comme la dégressivité des allocations chômage ou la baisse de la durée d’indemnisation maximale et du taux de remplacement net.