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Les aides publiques, une fausse solution au chômage des jeunes

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La question du chômage des jeunes faisait régulièrement la une de la presse il y a dix ans. Même s’il a baissé depuis, les chiffres restent en France peu flatteurs par rapport à d’autres pays européens. Il s’élève à 17,2 % chez les jeunes actifs de moins de 25 ans en 2024, contre 8,7 % aux Pays-Bas, 6,2 % en République tchèque et 5,8 % en Allemagne. Pour tenter de remédier à cette situation, l’État crée régulièrement des dispositifs d’aides publiques comme le contrat d’engagement jeune (CEJ). Cela fait-il réellement partie de la solution ?

L’exemple du CEJ : un dispositif coûteux et peu efficace

Introduit en 2022 en remplacement de la Garantie jeunes (GJ), le CEJ a été pensé comme un moyen d’accompagner les jeunes actifs ayant des difficultés à trouver un emploi. Ils peuvent ainsi recevoir jusqu’à 528 euros par mois pendant un an, à condition d’être âgés de 16 à 25 ans et de s’engager dans une activité les occupant 15 à 20 heures par semaine. Or, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2023, près de 40 % d’entre eux ne respectent pas le plancher de 15 heures et… 20 % sont même en dessous de cinq heures. Il est évident que le dispositif, tel qu’il est conçu, ne réussit pas à engager efficacement les jeunes dans un processus de réinsertion professionnelle stable.

D’un point de vue financier, le CEJ est très onéreux pour les finances publiques. Un autre rapport intitulé « Accès et retour à l’emploi », publié en 2024, évalue son coût à 782,30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, répartis entre Pôle emploi et les missions locales (page 59). Il est précisé que des crédits supplémentaires ont été alloués pour des « actions complémentaires d’accompagnement » à hauteur de 117,10 millions d’euros  en autorisations d’engagement et en crédits de paiement dans la loi de finances initiale de 2023. À long terme, ces subventions grèvent les comptes publics sans résoudre le problème du chômage structurel chez les jeunes. Les missions locales qui les accompagnent deviennent elles aussi dépendantes des subventions puisqu’une diminution du nombre de contrats signés entraîne une baisse directe de leurs financements : 875 000 € pour celle de Paris par exemple, près de la moitié de son budget d’après Jean-Philippe Revel, animateur du collectif CGT des missions locales.

Les subventions publiques : un frein à l’intégration durable des jeunes dans le marché du travail

Ahmed El Khadiri, délégué général de l’Union nationale des missions locales (UNML), se plaint de devoir « gérer des files d’attente », mais ne remet jamais en question la montagne de dispositifs étatiques qui engorgent le système. Pour lui, apparemment, pas de solution hors subventions et moyens publics toujours accrus. Pourtant, les initiatives étatiques ne manquent pas. L’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ont déjà pointé du doigt les nombreuses initiatives lancées « en faveur de la jeunesse », qui coûtent cher : par exemple, 10 milliards d’euros au total pour l’éducation et l’enseignement supérieur, avec des résultats plutôt médiocres. Autre exemple, celui du plan 1 jeune 1 solution, censé faciliter l’insertion professionnelle des jeunes : la Cour des comptes a estimé que la myriade de mesures (aide exceptionnelle pour les contrats de professionnalisation, aide exceptionnelle à l’apprentissage, obligation de formation des 16-18 ans, aide à l’embauche des jeunes (AEJ) de moins de 26 ans, etc.) a coûté 9,7 milliards d’euros en 2020 (page 17).

Or, toutes ces subventions créent des distorsions économiques : l’État entretient un système où la main-d’œuvre est faussement maintenue en dehors des dynamiques de l’offre et de la demande. Les bénéficiaires du CEJ, au lieu d’être véritablement incités à trouver un emploi durable, se retrouvent pris dans une boucle de dépendance aux aides publiques. Nous l’avons vu plus haut : les conditions d’octroi ne sont pas respectées, quand elles ne sont pas  complètement détournées – la bureaucratie n’étant pas programmée pour gérer les fonds de manière efficiente. Même si le CEJ se veut temporaire, il ne permet pas de répondre à la question centrale : comment créer un marché du travail plus accessible aux jeunes ?

En Suisse et en Allemagne, l’entreprise est beaucoup plus présente dans la sphère éducative

Une meilleure adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail serait un premier progrès. Dans des pays comme la Suisse ou l’Allemagne, les entreprises sont bien plus proches des établissements scolaires qu’en France, loin des fantasmes anticapitalistes et des interprétations marxistes de la lutte des classes. En Allemagne, la moitié des élèves sont orientés dans des écoles à vocation professionnelle dès l’âge de 10-11 ans. Cela explique très probablement le plus faible taux de chômage chez les jeunes : il y a en effet 3 fois plus de 15/ 24 ans en apprentissage qu’en France (1,4 million vs 400 000). La durée moyenne des contrats est  plus longue : 3 ans en Allemagne contre 1,7 an en France. Les rémunérations sont certes, en moyenne aussi, inférieures mais 66 % des jeunes Allemands sont embauchés à l’issue de leur apprentissage (contre 33 % dans l’Hexagone) et le taux de rupture des contrats est plus faible (24,4 % vs 28,1 %). Ces différences culturelles sont encore plus notables en Suisse puisque 65 % des jeunes sont en apprentissage, contre 8,2 % des jeunes Français.

Une réforme nécessaire : la libéralisation du marché du travail

En France, ce sont les barrières structurelles – comme la rigidité des contrats de travail et l’hyper-progressivité des cotisations patronales sur les salaires – qui rendent les entreprises allergiques au risque. Plutôt que multiplier les aides ponctuelles, il serait nécessaire de libéraliser le  marché du travail. Lever les freins à l’embauche implique tout d’abord de laisser aux entreprises une plus grande liberté de licencier sans avoir, sauf cas particuliers, à indiquer de motif, ni verser d’indemnités coûteuses ni subir de contestations et procédures pendant des mois. Cela implique également de réduire les charges sociales qui pèsent sur elles, véritables trappes à bas salaires, souvent désignées comme un frein à l’embauche. Mais aussi d’alléger, d’une manière ou d’une autre, notre Code du travail, qui fait plus de mille pages (1920 pages en 2024 dans l’édition Prat). En Suisse, les relations employeurs-employés sont régies par le Code des obligations, les différentes lois et les conventions collectives de chaque canton en seulement quelques centaines de pages. En Allemagne, il n’existe pas non plus de Code du travail. Pourquoi est-ce si différent en France ? Il n’y a aucune raison pour que les relations contractuelles au travail ne relèvent pas du droit commun des contrats. La Suisse et l’Allemagne ont peut-être une approche moins idéologique que la nôtre. Elles peuvent surtout s’enorgueillir d’avoir fait prospérer leurs marchés du travail, parmi les plus dynamiques de l’OCDE  – dont les jeunes sont les premiers à bénéficier.

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