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Le Sénat propose une fiscalité comportementale délirante

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Alors que de plus en plus de voix s’élèvent contre l’excès de réglementations et de taxes, la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) du Sénat n’a pas peur de proposer un alourdissement des unes et des autres sur le tabac, l’alcool, le sucre, le sel et le gras. Des propositions délirantes qui visent à s’immiscer un peu plus dans la vie privée des Français.

Jean-Philippe Delsol et moi-même avons été entendus, le 15 mars 2024, par les deux rapporteures (euses) de la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) du Sénat, en raison des nombreux travaux que l’IREF a réalisé sur la fiscalité comportementale.

En effet, le programme de travail pour l’année 2024 de la MECSS du Sénat comprenait un contrôle sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé. Pour mener à bien ce travail, deux sénatrices ont été nommées co-rapporteures : la centriste Elisabeth Doineau et la communiste Cathy Apourceau-Poly.

Elles viennent de rendre leur rapport et malheureusement – mais nous ne nous faisions guère d’illusions – nous n’avons pas été entendus. Les propositions des sénatrices sont même à l’exact opposé de celles de l’IREF.

Un état des lieux contestable

Le rapport reprend à son compte les chiffres qui circulent ici et là (difficilement vérifiables) sur la mortalité due au tabagisme (70 000 morts prématurées chaque année), à l’alcoolisme (40 000) et à l’obésité (27 000). Pour ces personnes est-il précisé, « le nombre moyen d’années de vie perdues est estimé à 14 ans pour le tabac, 17 ans pour l’alcool et 8 ans pour l’obésité morbide ».

Tout cela aurait un coût social de plus de 100 milliards d’euros (Md€) comprenant la valeur des vies humaines perdues, la perte de qualité de vie pour les personnes concernée et les pertes de production des entreprises et des administrations. Il convient d’y ajouter le coût pour les finances publiques, défini comme correspondant essentiellement au coût des soins, net des ressources fiscales. Il serait de 14,5 Md€ (1,7 Md€ pour le tabac ; 3,3 Md€ pour l’alcool et 9,5 Md€ pour l’obésité). Si les pathologies associées à la consommation de tabac et d’alcool et à l’obésité dégradent le solde public de plusieurs dizaines de milliards d’euros, il convient de prendre en compte les recettes publiques importantes générées par les taxes comportementales. Au total, 18,5 Md€ (14 Md€ pour le tabac, 4 Md€ pour les boissons alcoolisées et 0,5 Md€ pour les boissons non alcoolisées).

L’IREF a montré que ces calculs sont ineptes. Nous n’y reviendrons pas.

La place nous manque pour citer toutes les erreurs et approximations qui émaillent le rapport. Nous ne pouvons cependant pas nous empêcher de nous arrêter sur la décomposition du prix d’un paquet de cigarette. Il est indiqué que pour un paquet de 20 cigarettes vendu 12,50 €, il y a 8,31 € d’accises, 2,08 € de TVA et 1,27 € de rémunération du buraliste. Le reste, soit 0,84 €, serait la marge du fabricant. C’est bien évidemment faux, il s’agit du prix de vente hors taxes du paquet de cigarettes. Et non pas de la marge du fabricant, différence entre le prix de vente du produit et son prix de revient. Si la marge est égale aux prix de vente, c’est que les coûts de production sont nuls. C’est bien évidemment impossible.

Des propositions qui manquent de pertinence

S’agissant du tabac, le rapport de la MECSS reconnaît qu’en Europe, la France est parmi les États qui ont le prix du paquet de cigarettes le plus élevé. Malgré cela, contrairement à la quasi-totalité des États couverts par les statistiques de l’OCDE, la France n’a pas connu de baisse de la prévalence du tabagisme depuis les années 1960. Un tel constat devrait amener à changer de politique de lutte contre le tabagisme.

Or, Mmes Doineau et Apourceau-Poly se sont contentées de faire des propositions qui s’inscrivent dans la continuité des solutions précédemment mises en œuvre. Leur mesure phare est l’augmentation du prix des produits du tabac d’au moins 3,25 % par an hors inflation jusqu’en 2040, par la fiscalité et par une augmentation du taux de rémunération des buralistes. L’objectif est de doubler le prix du paquet de cigarettes d’ici 2040 pour le porter à 25 euros.

En revanche, « par souci de réalisme, affirment-elles, les rapporteures ne [font] pas de proposition d’augmentation de la fiscalité de l’alcool ». Si la piste d’un prix minimum par unité d’alcool est envisagée, elle est abandonnée au profit de l’instauration d’un prix plancher d’achat des boissons alcoolisées aux producteurs (afin que l’augmentation des marges ne soit pas captée par les distributeurs). Bref, c’est le retour des prix administrés qui est préconisé.

Les sénatrices veulent également :

  • interdire la publicité pour l’alcool sur internet ;
  • réformer le barème de la taxe sur les boissons sucrées, en augmentant ses taux et en limitant le nombre de tranches d’imposition, afin de renforcer son efficacité et d’accentuer sa visée comportementale ;
  • fixer des quantités maximales de sucre, de sel ou de matières grasses pour certaines catégories d’aliments ;
  • mettre en place le chèque alimentaire prévu par la loi « Climat et résilience » de 2021, et expérimenter un dispositif de soutien à l’achat de fruits et légumes par les ménages disposant de ressources modestes ;
  • interdire à la télévision et sur internet les publicités pour des aliments de faible qualité nutritionnelle ciblant les enfants de moins de 17 ans ;
  • rendre obligatoire le Nutri-Score dans toute l’Union européenne.

Interdictions et taxation

Fallait-il vraiment entendre près de 80 personnes, passer des heures à lire des documents et consacrer des ressources importantes à rédiger ce rapport ? Il n’y est question que d’interdictions et de taxes, à tel point que nous pouvons nous demander si Cathy Apourceau-Poly, la sénatrice communiste du Pas-de-Calais, n’a pas été la seule à tenir la plume.

Si elles avaient voulu faire preuve d’audace, les deux rapporteures auraient proposé, comme nous leur avons suggéré, de :

  • engager la France dans une politique de réduction des risques, qui part de l’idée que les comportements à risques ne peuvent pas être entièrement supprimés et qu’il convient donc d’aider les consommateurs à se tourner vers des produits de substitution moins dangereux ;
  • mettre davantage de cohérence dans la fiscalité comportementale en prenant en compte les risques présentés par les produits ;
  • arrêter de hausser les taxes qui sont « régressives », c’est-à-dire qu’elles pèsent plus lourdement sur les personnes à faibles revenus. Elles agissent comme une fiscalité « redistributive » à l’envers, aggravant la situation des plus précaires et les privant parfois du seul plaisir qu’il leur reste ;
  • réformer l’assurance santé en l’ouvrant totalement à la concurrence, afin qu’apparaissent de nouveaux acteurs privilégiant une responsabilisation accrue des individus ;
  • remettre en question le principe de précaution, qui empêche une gestion active des risques, paralyse les initiatives et tue l’innovation.

Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que ce rapport finisse comme la plupart des rapports… au fond d’un tiroir.

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8 commentaires

louis 7 juin 2024 - 8:22

il finira au fond d’un tiroir ? bien sur ! en meme temps il faut bien occuper cette multitude de fonctionnaires

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Mistere 7 juin 2024 - 9:45

Les enceintes du sénat (comme vu sur la photo supra) réclament des travaux d’embellissement et de nettoyage ! Au lieu d’envoyer du fric à tout va dans une guerre immonde, le cachet de la France mérite cela ! À moins que son dirigeant s’en fiche pas mal / c’est en comparant les plus grosses structures étrangères qu’on se rend compte de l’état des nôtres ! Why not’!

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BUCHSENSCHUTZ 7 juin 2024 - 10:05

Curieux, pas un mot sur les « drogues » y compris la marijuana. Et pourtant désorganisent globalement toute la société en plus. Trop neuf ? trop intéressant ? trop lucratif ? trop à la mode ? trop d’intérêts « hyperprivés ? Débat sur la dernière guerre passée ….

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Philippe 7 juin 2024 - 10:16

Que peut-on attendre d’une communiste si ce n’est de lutter contre la liberté des autres de toutes ses forces et de vouloir diriger leur vie dans ses moindres détails mais bien évidemment surtout pas la sienne qui restera entièrement libre comme de bien entendu car ces gens sont sortis de la cuisse de Jupiter et sont des demi-dieux comme chacun sait….
Le tout payé par l’argent des autres et utilisant l’argent des autres. ces gens sont des parasites nuisibles qu’il faudrait éradiquer au plus vite..

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Patricia ROUQUENELLE 7 juin 2024 - 12:05

Il faudrait taxer ces sénateurs qui vivent chichement sur le dos des contribuables et qui eux ne subissent aucune taxation ni interdiction. Revoir leurs primes et avantages à la baisse, supprimer l’enveloppe d’espèces, et procéder au même mode de calcul pour leurs retraites que dans le privé. Idem pour le calcul de la pension de reversion.

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HANLET 7 juin 2024 - 2:44

Belle illustration du principe communiste « si ça n’a pas marché, c’est qu’on n’est pas allé assez loin »…

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lecotre 8 juin 2024 - 6:16

Gros echec du gouvernement qui veut tout gerer , plus il y a encore de taxes, plus d’interdits, augmenter les prix etc , il y a plus de morts , il ne faut plus parler du systeme de santé c’est tabou et pourtant c’est le facteur le plus important de cause de morts. Les mutuelles ne cessent d’augmenter pendant que la secu rembourse de moins en moins . On n’a plus de bons medecins généraux , ils se font trés rares , leurs delais de consultation est beaucoup trop important. c’est pire pour les specialistes. Ou sont les nouveaux medecins made in France?? Macron a fini de tuer le systeme medicale , mais il s’en sert pour faire renter de l’argent .

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ORILOU 10 juin 2024 - 6:15

mai 1968 : IL EST INTERDIT d’INTERDIRE ». Et dire que bon nombre de ces »soixantehuitards » sont ceux-là même qui « emmerdent » les Français depuis quelques décennies ! A chaque problème correspond une taxe ! L’alcool et le tabac tuent ! Les drogues même dites « douces » aussi…. et pas seulement les consommateurs ! Qu’importe, la légalisation de l’euthanasie occupe nos élus! On marche sur la tête La débâcle aux Européennes incitera-t-elle nos élus à se préoccuper des vrais problèmes que sont le chômage, l’insécurité, la destruction de notre industrie , l’inflation de normes, la dette de la France, les gaspillages d’argent public, etc etc.

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