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Tabac : trop de taxes tue les taxes !

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Depuis Barthélémy de Laffemas, ministre des Finances d’Henri IV (« Les hauts taux tuent les totaux »), puis l’économiste Arthur Laffer (« Trop d’impôt tue l’impôt »), on sait que l’accroissement des taux d’imposition se traduit, au-delà d’un certain seuil, par un amoindrissement des recettes fiscales. Il semble que ce seuil soit atteint en matière de taxes sur le tabac.

En effet, en 2022, les recettes fiscales liées au tabac ont rapporté un milliard d’euros (Md€) de moins qu’en 2021, malgré la revalorisation du prix des cigarettes. Cela signifie-t-il que les fumeurs sont moins nombreux ? Ce serait une bonne nouvelle. Malheureusement, ce n’est pas vraiment le cas. Les fumeurs quotidiens représentaient 24,5 % de la population adulte en 2022 contre 25,3 % en 2021.

Serait-ce alors que les Français fument moins ? On pourrait le croire au vu des chiffres de vente. En 2022, il s’est vendu, chez les buralistes, 31,7 milliards de cigarettes contre 33,5 milliards en 2021 (-5,4 %).

Explosion de la consommation de cigarettes illicites

En fait, si les recettes fiscales du tabac baissent, c’est parce que la consommation de cigarettes illicites explose. Nous l’avons mentionné il y a quelques jours, selon le rapport de KPMG, 40 % des cigarettes consommées dans notre pays viendraient du marché parallèle. En 2020, c’était à peine 30 %. En deux ans, le marché parallèle a donc augmenté d’un tiers.

Cette hausse incroyable de l’illicite (contrefaçon et contrebande) trouve son explication dans le poids des taxes en France. Un paquet de cigarettes vendu aujourd’hui plus de 10 € TTC revient, en effet, à peine à 1,70 €, marge du buraliste comprise. Il est donc taxé à 500 %. Dans ces conditions, les vendeurs à la sauvette n’ont aucun mal à le proposer à 5 €, et à attirer les clients qui, inflation oblige, rationalisent leur budget.

D’ailleurs, dans tous les pays qui pratiquent une taxation élevée, le niveau de consommation illicite l’est aussi, comme le montre le graphique ci-dessous. C’est notamment le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande.

Niveau de taxes et consommation de cigarettes illicites

Si la France n’est pas le seul pays à taxer fortement le tabac, elle est le seul à voir la prévalence quotidienne du tabagisme stagner. Le Royaume-Uni et l’Irlande ont ainsi, comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous, une proportion de fumeurs (+/- 15 %) inférieure à ce qu’elle est en France (25 %).

Niveau de taxes et prévalence tabagique

Il existe aussi des pays où les taxes sont modérées (Allemagne, Espagne, Italie, Norvège) et où la prévalence tabagique est moindre qu’en France. Ce n’est donc pas le niveau de taxes qui dissuade les fumeurs puisqu’ils se tournent vers les marchés parallèles.

Offrir des alternatives aux fumeurs

La question qui devrait tarauder le ministre de la Santé est « Comment font les pays qui taxent moins que nous pour avoir moins de fumeurs que nous ? ». Ils offrent tout simplement, comme nous l’avons montré dans nos différentes études, la possibilité d’avoir recours à des alternatives à la cigarette : e-cigarette, tabac à chauffer, sa      chets de nicotine, etc.

Comme le montre le troisième graphique, ci-dessous, les pays qui communiquent sur la cigarette électronique comme solution de remplacement obtiennent les meilleurs résultats en termes de prévalence tabagique (Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Espagne, Italie et Suède).

Prévalence tabagique et cigarette électronique

La France est l’un des pays les plus restrictifs en matière de publicité pour la cigarette électronique et elle est, comme nous l’avons vu, la plus mauvaise élève d’Europe pour la consommation de cigarettes. Parmi les pays étudiés, seule la Norvège est plus sévère vis-à-vis de la vape, mais elle autorise (comme la Suède) la commercialisation du snus (petits sachets de tabac humide que l’on place entre la gencive et la lèvre). Elle veut éviter que les Norvégiens se tournent vers un autre produit dont les effets à long terme ne sont pas encore bien établis, alors que le snus est consommé depuis le XVII° siècle.

La France, dernière de la classe

En résumé, on constate que la France se classe (parmi ces 8 pays, mais prendre en compte tous les pays d’Europe ne changerait pas fondamentalement les choses) :

  • 1ère pour la consommation illicite de cigarettes;
  • 2ème pour les taxes sur le tabac;
  • 1ère pour la prévalence tabagique;
  • 2ème pour les restrictions publicitaires sur la cigarette électronique.

Alors que depuis l’an 2000, le prix du paquet de cigarettes a augmenté de 220 % (x3), la prévalence tabagique n’a baissé que de 18 %. Faudra-t-il augmenter les cigarettes de 900 % – c’est-à-dire porter le prix du paquet à 100 € – pour atteindre le niveau de prévalence de la Suède (9,5 %) ? Dans ce cas, il est probable que le commerce parallèle représenterait alors 100 % du marché !

Par conséquent, il nous semble qu’il n’y a pas d’autre voie que de changer de politique. Tout d’abord, cesser les augmentations. Puis, après une évaluation très stricte des différents produits sur le marché (comme l’a fait en particulier le Royaume-Uni), encourager le recours aux produits évalués comme moins nocifs (comme le font tous les pays qui arrivent à faire baisser la consommation de cigarettes).

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5 commentaires

Laurent46 12 juillet 2023 - 5:18

Vous croyez que c’est uniquement sur le tabac qu’il y a ce problème ? C’est l’ADN de la République, celle des assistés, des fainéants et des rentiers bien trop nombreux. Et ce n’est pas fini les « moyens » manquent partout sauf pour les catégories précités.

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Buenas 12 juillet 2023 - 1:28

Intéressant aussi les lois votées par les députés sur le nombre de 200 cigarettes importées d’Europe en France et qui sont contraires à la loi de la CEE qui elle limite le nombre à 800…

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Gilles Vedun 14 juillet 2023 - 5:41

Il est loin le temps du modèle français.

Bien à vous

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Iliou 15 juillet 2023 - 8:21

Les Latins sont brigands et fraudeurs dans leurs gènes.
La’plupart du temps adeptes du « faites comme je vous dis, pas comme je fais », et du « c’est pas moi c’est l’autre », prêts verbalement à mettre au pilori sans jugement n’importe qui, dont parfois celui qui l’a fourni en travail au noir ou en fournitures du marché parallèle.
Jamais nos gouvernants ne mettront au gnouf un petit trafiquant de cigarettes, puisqu’ils n’arrivent pas à discerner un délinquant d’un petit ange.
C’est notre société socio-catho la responsable. Les Francais de souche, comme on dit.

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Mathieu Réau 8 octobre 2023 - 2:19

Le tabac n’est pas le seul problème, en France. Il y a aussi dans la consommation de drogues illicites (cannabis en tête), mais également d’antidépresseurs que notre pays truste les palmarès européen et internationaux. À côté de ça, le peuple français est régulièrement celui qui se déclare le plus pessimiste de tous… J’y vois un lien, pour ma part, et cela ne se réglera à mon avis pas uniquement par un changement de politique fiscale.

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